Boris Johnson a enjoint samedi aux députés d’adopter sans délai l’accord de Brexit conclu entre Londres et Bruxelles mais le Parlement pourrait repousser in extremis sa décision historique, au risque de relancer l’incertitude à 12 jours seulement de la date prévue du divorce.
Arguant que l’accord était « la meilleure solution possible », le Premier ministre britannique a indiqué que le texte permettrait de réunir à nouveau le pays, très divisé sur le Brexit depuis son vote par référendum en 2016.
« Adoptons un accord qui puisse guérir ce pays », a-t-il lancé dans une ambiance électrique à la Chambre des communes, réunie pour la première fois un samedi depuis 37 ans.
Arraché à l’issue de négociations laborieuses avec l’UE, ce nouvel accord règle les conditions du divorce après 46 ans de vie commune, permettant une sortie en douceur assortie d’une période de transition courant au moins jusqu’à fin 2020.
Son succès est suspendu à l’approbation du Parlement s’il se prononce dessus samedi. Or les députés avaient rejeté à trois reprises l’accord précédent, négocié par l’ex-Première ministre Theresa May.
Un nouvel obstacle s’est érigé sur le chemin tortueux de la mise en oeuvre du Brexit.
– « Police d’assurance » –
Soutenu par l’opposition et des députés rebelles exclus du Parti conservateur, un amendement suspendrait tout feu vert du Parlement en attendant l’adoption de la loi d’application de l’accord.
Cela déclencherait de facto une loi existante qui oblige Boris Johnson à demander aux Européens un report du Brexit en cas de « no deal »… sans pour autant enterrer l’accord obtenu de haute lutte à Bruxelles.
Pour ses auteurs, deux objectifs. D’une part, éviter un « no deal » au cas où les députés n’auraient pas le temps de traduire l’accord dans la loi d’ici au 31 octobre. D’autre part, éviter un coup bas des partisans d’un Brexit dur, qui pourraient être tentés d’approuver l’accord samedi, avant de saboter la loi d’application.
« Le but (…) est de garder en place la police d’assurance (…) qui nous empêche de sortir automatiquement de l’UE le 31 octobre », a expliqué le promoteur de l’amendement, l’ex-tory Oliver Letwin.
A la tête d’un gouvernement minoritaire, Boris Johnson exclut catégoriquement tout report du Brexit, initialement prévu le 29 mars et déjà repoussé deux fois. Ce serait « inutile, coûteux et profondément destructeur pour la confiance du public », a-t-il mis en garde. Un nouveau délai requiert l’aval unanime des 27 pays de l’UE.
La perspective d’un « no deal » est redoutée des milieux économiques, car il pourrait entraîner selon les prévisions du gouvernement lui-même des pénuries de denrées alimentaires, d’essence ou encore de médicaments.
– Nouveau référendum –
Un succès de l’amendement Letwin pourrait compromettre la tenue du vote sur l’accord, dont l’issue serait très incertaine.
Boris Johnson s’est démené ces derniers jours pour convaincre les députés. Ses arguments semblent avoir fait mouche auprès des Brexiters les plus durs de son Parti conservateur, qui voteraient pour.
En revanche, les partis d’opposition ont opposé une fin de non-recevoir. Jeremy Corbyn, leader des travaillistes, a estimé que le gouvernement n’était « pas digne de confiance ».
Les unionistes nord-irlandais du DUP, pourtant alliés de Boris Johnson à Westminster, ont dit leur opposition à un texte qui octroie un statut différent à l’Irlande du Nord, inacceptable pour eux.
Le gouvernement a besoin de 320 voix pour valider son accord (si aucun élu ne s’abstient).
Pendant que le Parlement débattait de l’accord, des dizaines de milliers de manifestants ont réclamé dans le centre de Londres la tenue d’un second référendum, seul moyen selon eux de résoudre la crise.
« Le premier référendum, c’était comme un saut dans un train sans destination. Maintenant, nous en avons une, et nous avons besoin d’un second référendum », a dit l’un d’eux à l’AFP, Douglas Hill, 35 ans.
L’accord de Boris Johnson est censé résoudre le casse-tête de la frontière irlandaise, sur laquelle avait buté le processus jusqu’à présent. L’objectif est d’éviter le retour d’une frontière physique entre l’Irlande du Nord britannique et la république d’Irlande, membre de l’UE, pour préserver la paix sur l’île.
Pour cela, il maintient sur le papier l’Irlande du Nord dans le territoire douanier britannique mais prévoit un régime spécial pour les marchandises arrivant dans la province britannique, selon que celles-ci sont destinées à y rester ou à passer dans le marché unique européen.
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