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Factcheck: incohérences des chiffres d’éradication des narco-plantations en Colombie

Le président colombien Ivan Duque a assuré à au moins cinq reprises que plus de 80.000 hectares de plantations de coca, matière première de la cocaïne, avaient été éradiqués sous son gouvernement, qui a communiqué des données différentes.

La superficie indiquée par le chef de l’Etat colombien représenterait un record dans l’élimination manuelle – sans fumigations aériennes au glyphosate – des cultures illicites en Colombie, premier producteur mondial de coca et de cocaïne.

Mais cela ne concorde pas avec les statistiques mêmes du gouvernement.

Selon les chiffres du ministère de la Défense, les narco-plantations sont éradiquées à un rythme bien plus lent que ce qu’affirme le chef de l’Etat.

Que savons-nous?

Depuis le début de cette année, Ivan Duque, qui a pris ses fonctions le 7 août 2018 en promettant une lutte renforcée contre le trafic de drogue, a salué à plusieurs reprises les succès de son gouvernement dans l’éradication forcée de la feuille de coca.

Entre 2016 et 2017, la Colombie a atteint un record mondial de superficie plantée d’arbustes de coca: 171.000 hectares selon l’ONU. Les Etats-Unis, premier consommateur mondial de cocaïne, ont exigé du gouvernement Duque de plus grands efforts sur ce front.

Selon le président, 60.000 hectares de coca ont été éliminés durant les quatre premiers mois de son gouvernement, et au total 80.000 hectares à début mars 2019.

Mais ces chiffres ne concordent pas avec le bilan du ministère de la Défense.

Dans un rapport transmis à l’AFP par cette entité, il est indiqué que 60.000 hectares avaient été éradiqués à la date du 1er mai 2019, soit cinq mois plus tard que ce qu’a affirmé Ivan Duque.

Que vérifions-nous?

Le 13 février 2019, le président Duque a affirmé, lors d’une réunion avec son homologue américain Donald Trump, que « 60.000 hectares » de coca avaient été éradiqués durant ses quatre premiers mois au pouvoir.

Mais après avoir sollicité des informations auprès du ministère de la Défense, responsable du programme d’éradication forcée, l’équipe de vérification de l’AFP a reçu des données différentes.

Selon le ministère, durant les cinq premiers mois de l’administration Duque, du 7 août au 31 décembre 2018, ont été éradiqués 30.435 hectares de coca, soit 6.087 hectares par mois.

Ce chiffre est loin des plus de 15.000 hectares mensuels calculés d’après les propos de M. Duque à Washington.

Il est possible d’ajouter aux 30.435 hectares éradiqués de manière forcée les 8.549 autres éliminés volontairement entre août et décembre 2019 dans le cadre du Programme national de substitution des cultures (PNIS).

Mais dans ce cas, le total serait de 38.984 hectares de coca supprimés pendant les cinq premiers mois du gouvernement Duque, soit 21.016 de moins que les 60.000 revendiqués par le président.

Le 7 mars 2019, Ivan Duque a demandé à la Cour constitutionnelle de modifier sa décision de 2015 de suspension des fumigations aériennes au glyphosate, herbicide considéré comme cancérigène. Il a alors affirmé: « Depuis le début de notre gouvernement, nous avons éradiqué plus de 80.000 hectares ».

Ce chiffre supposerait 11.428 hectares par mois durant les sept premiers mois de son mandat, ce qui serait un record pour l’éradication manuelle en Colombie.

Mais le chiffre avancé par M. Duque devant la Cour ne coïncide pas avec les rapports de son propre gouvernement.

Le ministère de la Défense indique que 61.737 hectares ont été éradiqués de manière forcée entre le 7 août 2018 et le 1er mai 2019.

Ce qui veut dire que, sept semaines après l’intervention d’Ivan Duque devant les magistrats, le ministère a fait état d’une superficie bien moindre que les 80.000 hectares revendiqués par le chef de l’Etat.

Ivan Duque a pourtant réaffirmé ce chiffre publiquement à au moins trois reprises depuis: le 7 juin lors d’une cérémonie avec l’état-major militaire, le 11 dans une allocution et le 13 lors d’une cérémonie de la police.

Auparavant, le 30 mai, il avait fait état d’une superficie encore plus importante, au cours d’une réunion avec des chefs d’entreprise, avec « plus de 90.000 hectares » éradiqués.

Le 17 juin, cinq jours après que l’humoriste colombien Rafael Noguera a mis en cause ces chiffres sur Twitter, le président colombien, en visite à Londres, les a revus à la baisse à « plus de 60.000 hectares ».

Cela suppose 20.000 hectares de moins que le chiffre avancé quatre jours avant et, pour la première fois, cela coïncide avec les données du gouvernement.

Interrogé par AFP Factuel sur ces incohérences, le service de presse de la présidence s’est refusé à tout commentaire.

Que pouvons-nous en conclure?

Les chiffres sur l’éradication manuelle des narco-plantations, communiqués par le ministère de la Défense, ne concordent pas avec ceux cités à plusieurs reprises par le président Ivan Duque.

Les données du gouvernement indiquent que ces cultures illicites sont éradiquées à un rythme beaucoup plus lent que celui revendiqué par le chef de l’Etat devant Donald Trump en février, un haut tribunal colombien en mars et lors de quatre autres interventions publiques en mai et juin.

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