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Lutte contre la haine en ligne: l’Assemblée vote largement une proposition de loi LREM

L’Assemblée nationale a approuvé largement mardi la proposition de loi LREM controversée de lutte contre la haine sur internet, qui contraint les plateformes à agir malgré leurs réticences, et hérisse certains élus d’opposition en raison de l’autorité qui leur est donnée.

Le texte de la députée de Paris Laetitia Avia a été validé en première lecture par 434 voix pour, 33 contre et 69 abstentions. Il passera à la rentrée au Sénat, en vue d’une adoption définitive rapide.

Mesure phare, sur le modèle allemand: plateformes et moteurs de recherche auront l’obligation de retirer les contenus « manifestement » illicites sous 24 heures, sous peine d’être condamnés à des amendes allant jusqu’à 1,25 million d’euros. Sont visées les incitations à la haine, la violence, les injures à caractère raciste ou encore religieuses.

Au-delà, le texte prévoit une série de nouvelles contraintes pour les plateformes: transparence sur moyens mis en oeuvre et résultats obtenus, coopération renforcée notamment avec la justice, surcroît d’attention aux mineurs. Le tout sera contrôlé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

« C’est un combat exigeant et de longue haleine qui s’engage », a souligné son auteure, Laetitia Avia, en guerre contre les « trolls » et « haters » la poursuivant depuis des années notamment pour la couleur noire de sa peau.

Et Cédric O, secrétaire d’Etat au Numérique, de lancer: « Nous avons une obligation de résultat, car être capable de protéger les Français, en ligne comme hors ligne, c’est la mission première de l’Etat ».

La plupart des groupes politiques se sont partagés. La quasi-totalité des députés LREM, MoDem et UDI se sont prononcés pour, mais une poignée se sont abstenus.

Philippe Latombe (MoDem) a même voté contre, jugeant « sans doute inconstitutionnelle » la « perte de souveraineté consécutive à la décision de confier la modération aux seules plateformes, avec le risque d’aseptisation et d’uniformisation des contenus, et d’atteinte à la liberté d’expression ».

– L’Etat « déresponsabilisé » –

Dans le camp des farouches opposants, les Insoumis ont refusé que « sous prétexte de responsabiliser les plateformes », la proposition de loi « déresponsabilise l’Etat ».

Egalement contre, les députés RN dont Marine Le Pen s’inquiètent pour « les libertés publiques ».

Les trois quarts des Républicains ont en revanche voté pour, les socialistes se sont partagés entre abstention et pour, et enfin élus Libertés et territoires ainsi que communistes se sont majoritairement abstenus.

Confier aux Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple) le soin de réguler « ne va pas dans le bon sens », mais que la France se saisisse du sujet est « une avancée », selon le porte-parole PCF Sébastien Jumel.

Alors que l’Hexagone se veut à la pointe du mouvement mondial de régulation, Cédric O juge l’équilibre « atteint » entre liberté d’expression et « efficacité ».

Les plateformes ne devront pas se contenter de retirer tous les messages ou images signalés: elles devront éviter des retraits injustifiés, ont précisé les députés par amendement la semaine dernière.

Un parquet et une juridiction seront spécialisés dans la lutte contre la haine en ligne, a aussi fait ajouter le gouvernement, à la satisfaction des députés de tous bords voulant remettre la justice au centre.

Hors Palais Bourbon, le texte a uni contre lui quantité d’acteurs parfois pour des raisons différentes, au nom des risques de « censure ».

Dans une lettre ouverte, la Ligue des droits de l’Homme, la présidente du Conseil national du numérique et encore la présidente du Conseil national des barreaux ont plaidé que « le juge doit être au cœur tant de la procédure de qualification des contenus que de la décision de leur retrait ou blocage ».

Défendant les droits de l’internaute, la Quadrature du Net s’alarme du fait que l’obligation de retrait pèsera aussi sur des opérateurs « sans activité commerciale » tel Wikipedia.

Les grandes entreprises du numérique elles-mêmes s’inquiètent de l’obligation de retrait, pouvant entraîner une cascade de polémiques et conflits juridiques.

Facebook, pourtant allié du gouvernement et d’Emmanuel Macron pour des règles pour la Toile, refuse de prendre « seul » et « dans un délai contraint » une décision de retrait.

Le réseau social a promis aussitôt après le vote de « continuer à travailler étroitement » avec les autorités pour « permettre la bonne mise en œuvre » de la future loi.

« Ni libertaire, ni liberticide », Cédric O a promis un groupe de travail associant plateformes, société civile et magistrats pour « donner des indications » sur le tri des contenus litigieux.

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