Six mois de prison ferme ont été requis jeudi devant le tribunal correctionnel de Gap contre trois membres du groupe Génération identitaire, pour l’opération anti-migrants menée par le groupe d’avril à juin 2018 dans les Hautes-Alpes.
Le procureur, Raphaël Balland, a requis cette peine, la moitié de la peine encourue, contre Clément Gandelin, (dit Galant) 24 ans, président de Génération identitaire; son porte-parole Romain Espino, 26 ans, et un organisateur actif, Damien Lefèvre (dit Rieu), 29 ans, attaché parlementaire du député apparenté RN Gilbert Collard.
Le procureur a aussi demandé une suspension de cinq ans de leurs droits civiques.
Il a requis l’amende maximum de 75.000 euros contre l’association elle-même, pas exagérée selon lui au vu des moyens conséquents déployés pour l’opération de 2018.
Seul M. Gandelin, conducteur de travaux à temps partiel, était présent à l’audience, en jean et chemise blanche cintrée. Il a fait usage de son droit au silence, sauf pour dénoncer « un procès qui n’est rien d’autre que politique ».
« Nous n’avons jamais dit que nous prenions la place de la police (ou d’une autre) autorité. C’était une action pacifique », a-t-il seulement ajouté.
– Pas simple –
Le 21 avril 2018, Génération identitaire avait monté une spectaculaire opération au col de l’Échelle, point de passage de nombreux migrants dans les Hautes-Alpes: une centaine de personnes vêtues de la même doudoune bleu clair – « bleu Schtroumpf » a dit la présidente Isabelle Defarge, reprenant une citation d’un témoin – deux hélicoptères – de location -, une banderole géante, et une « frontière symbolique » matérialisée dans la neige par des grillages en plastique.
Dans les semaines suivantes, ils avaient annoncé des interceptions de migrants et des enquêtes sur les passeurs.
Sous la même bannière « Defend Europe », les identitaires avaient déjà affrété un navire en Méditerranée en 2017 pour protester contre l’immigration en provenance d’Afrique.
L’infraction commise n’était pas simple à mettre en évidence. Le procureur avait pensé rapidement à l’infraction qu’il a finalement retenue : « activités exercées dans des conditions de nature à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique » (article 433-13 du Code pénal), mais pensait initialement que le délit ne tenait pas.
Il a changé d’avis en cours d’enquête, mais a convenu jeudi que le tribunal allait « faire jurisprudence » avec son jugement.
Le magistrat s’est attaché à démontrer que les militants ont créé « de l’enfumage et de la confusion » le 21 avril, qu’ils se sont arrogé une mission « d’enquête » lors de leurs maraudes, et presque de « police judiciaire » en recherchant ceux qui aident les migrants.
– ‘Délirantes’ –
L’avocat de Génération Identitaire, Me Pierre-Vincent Lambert, a plaidé la relaxe. Hors du prétoire, il a ensuite jugé les réquisitions « délirantes » : « Il est allé chercher très très loin pour avoir quelque chose à reprocher à mes clients ».
M. Gandelin a indiqué qu’il y aurait appel en cas de condamnation. « Nous sommes des militants, nous n’abandonnerons pas notre idéal politique », a-t-il assuré. Avec deux amis, il est sorti sous les quolibets d’un petit groupe de militants pro-migrants.
L’association pro-migrants Tous Migrants, partie civile, a regretté que Génération identitaire ne soit pas poursuivie pour délit de mise en danger de la vie d’autrui, après avoir poursuivi dans la neige des migrants apeurés.
« J’en ai tellement entendu par les uns et par les autres », a soupiré M. Balland dans son réquisitoire. Pas facile en effet d’être le gardien de la loi dans cette région, entre pro et anti-migrants.
D’autant que le 22 avril 2018, en réaction à l’action du groupe d’extrême-droite, une centaine de militants pro-migrants avaient franchi la frontière franco-italienne avec une trentaine de migrants, occasionnant des bousculades avec les forces de l’ordre. Sept d’entre eux avaient été condamnés, dont deux à de la prison ferme.
Depuis le début de l’année, 1.155 personnes en situation irrégulières ont été remises aux autorités italiennes en procédure de non admission dans les Hautes-Alpes, après 3.787 en 2018.
Le jugement sera rendu le 29 août.
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