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Dans le nord de la France, les harmonies des mineurs polonais en héritage

Elles ont survécu à la disparition des houillères. Créées il y a près d’un siècle par des immigrés polonais, deux harmonies perpétuent tant bien que mal le folklore musical slave dans l’ex-bassin minier du nord de la France, grâce à la volonté de leurs descendants.

Pour trouver la société musicale polonaise à Houdain, il suffit de se laisser guider par les notes de tuba et de grosse caisse qui s’échappent des fenêtres entr’ouvertes. Dans la salle polyvalente répètent une dizaine de musiciens, alternant polka et variété actuelle.

Accrochées aux murs, des photos en tenues, instruments alignés, témoignent de près de 100 ans d’évolution ponctués de hauts et de bas liés à l’histoire des mines.

« J’y suis attachée parce que c’est familial et j’aime ce que l’on fait musicalement », explique la présidente Barbara Goscinski, flûtiste et petite-fille d’Alex Slominski, l’un des piliers de la formation de 1931 à 1982 avec son frère Simon Slominski qui composait des morceaux « à l’encre de chine ».

Fondée en 1922, « Echo » est la plus ancienne société musicale créée par des mineurs polonais encore active dans le nord de la France, avec celle de Bully-les-Mines, « Harmonia », qui remonte à 1926.

Aujourd’hui, chacune réunit une trentaine de musiciens actifs.

Arrivés directement de la Pologne ou ayant transité par la Westphalie à partir de 1920, les milliers de mineurs polonais du Nord-Pas-de-Calais ont créé des dizaines de chorales, orchestres, groupes de bandonéons et harmonies.

A la fin des années 1960, la récession minière entraîne le départ de nombreux musiciens, mais grâce à la ténacité de la famille Slominski, « Echo » survit. En 1977, elle se produit même lors d’une congrégation polonaise dans le Val-d’Oise, près de Paris, devant un certain Karol Wojtyla, futur Jean-Paul II.

– « Quasiment les derniers » –

« Dans la famille, quand on avait un repas, tout le monde sortait son instrument et tout le monde jouait », poursuit Barbara Goscinski, aide-soignante de 49 ans, en picorant des cornichons « ogorki » sur le buffet de fin d’année, entourée de ses oncles, de ses frères et de son fils, membres de la société musicale depuis leur adolescence.

« Le dimanche, on écoutait de la musique polonaise, c’est les racines », raconte son frère Sébastien, ancien chef, 43 ans. « On a tellement de gènes musicaux que c’est difficile d’en sortir », renchérit l’oncle de Barbara, Edgard Slominski, un trompettiste de 67 ans.

Les plus jeunes ne parlent pas polonais, le comprennent peu, mais l’héritage musical se transmet encore: aujourd’hui Romuald Goscinski, 21 ans, codirige lors des concerts pour la Sainte-Cécile, la fête nationale polonaise du 3 mai, ou à l’occasion d’autres festivités avec l’orchestre Sonora, créé par des immigrés polonais en 1935.

Si quelques musiciens sans attache polonaise ont rejoint l’ensemble musical « par amitié et pour donner un coup de main », comme Sonia Lancial, responsable de l’école de musique et saxophoniste, recruter et fidéliser des musiciens s’avère néanmoins difficile.

« Quand mon père est mort, j’ai dit +il faut perpétuer papa+ », raconte Richard Rybski, qui dirige « Harmonia » depuis 1979. Il ne restait alors qu’une douzaine de musiciens.

Depuis quarante ans, il se démène pour redresser l’association en organisant des voyages au Tyrol, en Pologne et en République tchèque.

« Mais aujourd’hui nous sommes dans une période difficile », ajoute ce joueur de bugle (un instrument à pistons de la famille des cuivres), fier d’interpréter les partitions de folklore slave composées par son frère décédé.

Naissances, départs en retraite, mutations… de nombreux membres finissent par partir. « Si les harmonies polonaises disparaissaient, ce serait un trou dans la culture » de notre région, lâche Richard Rybski, arborant la casquette « Rogatywka » de leur costume.

« Il faut continuer à jouer ce type de musique, parce que d’ici une dizaine d’années, si on n’a plus de jeunes pour reprendre, il va disparaître », prévient Romuald Goscinski, biberonné aux sons « oberek » et « wiwat wesele » du folklore polonais.

« On est quasiment les derniers. Si on ne transmet pas, ça s’arrêtera », reconnaît Emmanuel Offroy, corniste de 39 ans. Ses enfants baignent déjà dans cette ambiance slave.

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