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« On entend Elodie mourir »: l’appel aux secours d’Elodie Kulik examiné au procès Bardon

La diffusion mercredi de l’enregistrement de l’appel aux secours d’Elodie Kulik, violée et tuée en janvier 2002, a saisi d’effroi la cour d’assises de la Somme, sans permettre de véritable progrès dans la détermination de l’éventuelle responsabilité de Willy Bardon, seul sur le banc des accusés.C’est un enregistrement de 26 secondes, dans lequel on entend les cris de la victime, et les « allo » répétés de l’opératrice des pompiers. Durant sept secondes, dont moins de trois sont exploitables, « au moins » deux voix d’hommes, selon les experts, sont audibles, bien qu’assez lointaines.Diffusé deux fois dans la salle d’audience, l’enregistrement a plongé dans un silence total la cour comme le public, la partie civile comme la défense. Les jurés l’ont ensuite écouté à plusieurs reprises tout au long de la journée, à l’aide de casques audio. »C’est un moment naturellement fort en émotions puisqu’on entend Elodie mourir, en quelque sorte, dans cet enregistrement », a résumé Didier Seban, avocat de Jacky Kulik, le père de la victime.Au cours de l’enquête, cinq personnes placées en garde à vue et auxquelles l’enregistrement avait été soumis avaient affirmé reconnaître la voix de Willy Bardon, en janvier 2013. Ce dernier avait ensuite été mis en examen.L’enregistrement constitue donc « une des pièces maîtresses » du dossier, selon Gabriel Dumenil, avocat de Bardon. Il a fait l’objet de 14 expertises au cours de l’enquête menée de 2002 à 2017. – Expert « sans certitude » -A la barre, Christophe Stecoli, ingénieur de police technique et scientifique, est ainsi venu présenter les conclusions d’une expertise qu’il avait menée avec une collègue en 2014 : il s’agissait de comparer la voix de Bardon, enregistrée au cours d’une écoute téléphonique près de dix ans après les faits, avec les voix masculines entendues dans l’appel aux secours. Ce spécialiste a souligné la difficulté à réaliser ces travaux, étant donné la mauvaise qualité et la courte durée de l’enregistrement, ainsi que la situation exceptionnelle d’énonciation. Et ses analyses, notamment de la hauteur de voix, de la vitesse d’élocution ou encore de l’accent du locuteur, « réduisent légèrement » la probabilité que la voix de Bardon soit celle entendue dans l’appel passé par Elodie Kulik. »Il ressort que les experts n’ont pas de certitude », a déclaré Me Seban. « Par contre, les témoins et les proches ont reconnu la voix de Willy Bardon, et l’expert nous a confirmé que la reconnaissance par les proches valait beaucoup plus que la reconnaissance scientifique, et c’est ce qui compte ».La défense, au contraire, s’est engouffrée dans cet espace d’incertitude: la reconnaissance vocale, « c’est le seul domaine dans lequel on nous dit que la science ne peut rien ». Et « des personnes, par leur seule reconnaissance vocale, pourraient obtenir des résultats meilleurs que la science ? Ce n’est pas sérieux, s’agissant de l’administration de la preuve devant une cour d’assises », a fustigé Gabriel Dumenil.- « Loin d’un résultat acceptable » -Pour soutenir sa position, la défense a fait citer Jean-François Bonastre, professeur d’université et directeur du laboratoire informatique d’Avignon. Cet expert, entendu en qualité de témoin, a profondément remis en cause la validité des travaux de Norbert Pheulpin, expert près la cour d’appel de Dijon, qui avait réalisé plusieurs expertises (une avant la mise en examen de Willy Bardon, et cinq après) tendant à montrer que la voix entendue sur l’enregistrement est bien celle de Willy Bardon. »M. Pheulpin n’a jamais eu les compétences pour être expert dans ce domaine, il a émis des contre-vérités scientifiques énormes », a soutenu M. Bonastre, estimant que les travaux de M. Pheulpin, décédé, étaient rédigés avec une volonté de « tromper le lecteur ».Sur la reconnaissance vocale de la voix de Willy Bardon par plusieurs de ces proches, il a refusé de se prononcer. « Je ne me permettrais pas de juger la valeur d’un individu qui donne son expérience personnelle », s’est-il justifié. Il a néanmoins souligné qu’il n’y a « jamais eu de travaux qui ont montré que l’être humain est capable, à l’oreille, d’identifier une voix » de manière complètement fiable. « Nous sommes très loin d’avoir un résultat acceptable, quelle que soit la méthode employée ».

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