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Chirurgien pédophile: pour les victimes, un douloureux « puzzle » à reconstruire

Fouiller ses souvenirs. Voir resurgir des scènes oubliées. Et comprendre, parfois, l’origine d’un profond mal-être. Pour les victimes du chirurgien Joël Le Scouarnec, suspecté de viols ou attouchements sur 250 enfants, le « choc » lié à cette affaire hors norme réveille des blessures « douloureuses ». »Ma tête n’avait pas retenu cet épisode. Mais mon corps, lui, n’a pas oublié ». Pour Marie, qui aurait été agressée à l’âge de 10 ans dans une clinique de Vannes après une opération de l’appendicite, les accusations portées à l’encontre du docteur Scouarnec ont eu l’effet d’un « électrochoc ».Comme beaucoup, c’est par les gendarmes que cette Bretonne de 33 ans a appris que son nom figurait dans les carnets du spécialiste de chirurgie viscérale, découverts après son interpellation pour exhibition sexuelle en mai 2017 à Jonzac (Charente-Maritime).Dans ces carnets, « il me décrit totalement nue, et raconte tout ce qu’il m’a fait et le plaisir qu’il y a pris », détaille la jeune femme qui confie son « dégoût » face au récit de son agresseur.A l’époque, elle ne s’était pas posée de question devant ce qui pouvait ressembler à un geste médical. « J’ai eu mal, mais je pensais que ça venait de l’opération. J’avais 10 ans, je n’avais aucune conscience de la sexualité », dit la jeune femme.Sa vie intime, pourtant, a été profondément marquée par cette scène. « J’ai pris conscience d’un mal-être voilà huit ans », confie cette mère de deux enfants. « J’ai des problèmes pour avoir des relations avec les hommes: je ne supporte pas d’être touchée ».Un spécialiste, consulté voilà plusieurs années, avait évoqué la piste d’un traumatisme pendant l’enfance. Mais jusqu’à présent, elle ne pouvait se l’expliquer. « Je cherchais sans trouver. Il y avait un morceau de puzzle qui me manquait », souligne-t-elle.Les souvenirs, depuis, sont revenus. « Ca s’est fait sous forme de flashs », raconte la jeune femme qui dit avoir traversé une période de dépression à la fin de l’été. « Aujourd’hui, ça commence à aller mieux. Je vois un psychologue », précise-t-elle. – « Sentiment d’horreur » -Originaire de Touraine, Amélie avait neuf ans lorsqu’elle a rencontré Joël Le Scouarnec à l’hôpital de Loches (Indre-et-Loire). Là aussi, après une opération de l’appendicite. Comme 182 autres personnes, elle a porté plainte contre le chirurgien, incarcéré depuis sa mise en examen il y a deux ans. »Quand je repense à ce qu’il m’a fait, j’ai un sentiment d’horreur », confie la jeune femme qui précise souffrir d’une peur panique du monde médical. Une phobie que ni elle, ni ses parents, ne s’expliquaient jusqu’à présent. « Maintenant, je comprends », ajoute-t-elle.Comme Marie, cette cheffe d’entreprise de 33 ans, frappée d’amnésie traumatique, avait tout oublié de son agression jusqu’à ce que l’affaire éclate. Avec l’aide d’un hypnotiseur, des images lui sont finalement revenues. »En trois mois, on est passés par toutes les émotions », assure la trentenaire placée « sous anti-dépresseurs » ces dernières semaines. « Aujourd’hui, j’apprends à vivre avec (…) J’ai envie de le regarder dans les yeux et de lui dire que je suis debout », souffle-t-elle.Souvenirs effacés mais souffrance bien réelle… « C’est toute la problématique de la mémoire traumatique. Il faut se projeter dans cette scène qu’on a souhaité oculter », souligne Me Francesca Satta, qui défend plusieurs plaignants dans ce dossier. »Ce genre d’événement, c’est extrêmement traumatisant parce qu’il y a la douleur physique. Les victimes la portent durant des années, sans comprendre d’où elle vient. C’est quand la mémoire revient qu’on peut expliquer le pourquoi du comment », ajoute l’avocate.Un processus également douloureux pour les proches de victimes. « Vous emmenez quelqu’un, vos enfants, votre petite fille, à l’hôpital… Vous ne pensez pas que derrière, il y a un rapace », dénonce Roland Vinet, grand-père d’un jeune de 23 ans actuellement hospitalisé en psychiatrie, et qui a aussi déposé plainte.Contacté par l’AFP, l’avocat de Joël Le Scouarnec a assuré que son client assumerait « entièrement ses actes ainsi que les conséquences » si les faits devaient être « établis ». « Il s’inscrit toujours dans une démarche de soin », a précisé Me Thibaut Kurzawa, tout en regrettant la « surmédiatisation » de l’affaire.Le chirurgien sera jugé en mars dans un premier volet de l’affaire concernant quatre victimes. Le second, portant sur les 250 viols et agressions présumés commis au cours de sa carrière, en Touraine, Bretagne et Charente-Maritime, fait l’objet d’une enquête préliminaire ouverte à Lorient.

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