Deux syndicalistes CGT de Dordogne ont passé mercredi plusieurs heures en garde à vue, soupçonnés d’avoir procédé à des coupures sauvages d’électricité contre la réforme des retraites, de quoi « jeter de l’huile sur le feu », a dénoncé leur leader Philippe Martinez, tandis que le gouvernement appelait au contraire à des sanctions.
Ces deux syndicalistes, agents d’Enedis (ex-ERDF), sont ressortis libres sans être poursuivis à ce stade, mais « l’enquête se poursuit », a indiqué à l’AFP le parquet de Périgueux. Ils contestent les faits. Leur interpellation puis leur garde à vue a été décidée dans le cadre d’une enquête pour « mise en danger de la vie d’autrui » après une coupure sauvage d’électricité, le 10 janvier dans une entreprise classée Seveso.
Coupure de courant mardi matin sur la zone d’Orly et de Rungis, mise à l’arrêt selon la CGT de la centrale de Grand’Maison (Isère), l’usine hydro-électrique la plus puissante de France… La multiplication de ces « black out » revendiqués par la CGT, et plus largement les nouvelles formes d’action après sept semaines de conflit, ont électrisé mercredi la classe politique qui s’écharpe sur les causes de cette « radicalisation » et sur la nécessité de sanctions.
« La conception de la négociation et de la discussion avec un mouvement de grève, c’est les gardes à vue. Je crois que ça, c’est jeter de l’huile sur le feu », a fustigé Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT lors d’un déplacement à la centrale nucléaire de Gravelines (Nord).
Sans surprise, le gouvernement, à l’instar du Premier ministre monté au créneau dès mardi, et la majorité demandent des sanctions judiciaires et condamnent des « coupures aveugles (…) très pénalisantes pour nos concitoyens, nos services publics, nos entreprises et qui peuvent être dangereux », a déclaré mercredi la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne au Sénat.
« Celui qui se rend coupable d’un acte illégal ou d’un acte de coupures sauvages d’électricité doit assumer ses responsabilités et ne peut pas les renvoyer à tel ou tel qui lui aurait soit demandé de le faire, soit qui justifierait qu’il commette un acte illégal », a renchéri Edouard Philippe devant les sénateurs.
La justice devra prochainement se pencher sur le cas d’un retraité et d’un salarié d’Enedis convoqués le 25 février devant le tribunal d’Orléans pour « tentative de dégradation d’un bien destiné à l’utilité publique en réunion » après une coupure sauvage dans le centre-ville le 9 janvier.
– « Echec d’une méthode » –
« On est en démocratie, on peut avoir des désaccords légitimes, ce qui est inadmissible, c’est de procéder à ce type de coupures d’électricité qui mettent en difficulté des services publics essentiels », critique le député et porte-parole de LREM Hervé Berville.
Jugeant le procédé « scandaleux », le ministre du Logement Julien Denormandie demande au « leader de la centrale », Philippe Martinez, de le « dénoncer clairement ».
« En approuvant la dérive violente d’une partie de la CGT, Martinez fait clairement le jeu du gouvernement ! », a tweeté Marine le Pen la présidente du RN.
Mais face au sacro-saint droit de grève, le consensus sur la sanction est loin d’être acquis, y compris dans la majorité.
« Je ne crois pas qu’il faille poursuivre » les auteurs, estime Yaël Braun-Pivet, présidente LREM de la commission des Lois. Jugeant ces modes d’action violente « contreproductifs », elle relève qu' »on ne peut pas faire la sourde oreille aux revendications de cette partie de la population ».
Quant à l’opposition, si une partie, notamment à droite, condamne aussi ces actions, elle renvoie dos-à-dos protestataires et gouvernement quant à la responsabilité de cette « radicalisation ».
« C’est aussi l’échec d’une méthode politique qui est celle d’Emmanuel Macron », a estimé le numéro trois des Républicains, Aurélien Pradié.
Ségolène Royal condamne mais critique elle aussi « les pompiers pyromanes » du gouvernement qui « mènent des politiques injustes, provocatrices ».
« Cette forme de radicalisation du mouvement est inéluctable dès lors que le gouvernement entend passer par la force », a jugé le numéro 2 de LFI Adrien Quatennens.
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