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Pour des étudiants confinés en cité U, la « faim » passe avant le virus

Ismaël soupèse un sac de courses, c’est jour de fête: « si je peux tenir la semaine avec, c’est déjà pas mal! ». Confiné en Cité U près de Bordeaux, cet étudiant privé de petit boulot par la crise sanitaire, va pouvoir remplir son frigo grâce aux tournées d’un collectif monté dans « l’urgence ».

« Je suis intérimaire et là je n’ai plus de missions, je fais avec le peu que j’ai », confie à l’AFP Ismaël Guindo, doctorant en droit à Bordeaux, qui ne pouvait pas rentrer en Côte d’Ivoire. Il a fait ses comptes: « 60 à 70% » en moins dans le portefeuille.

Selon le Crous, entre 1.500 et 2.000 étudiants comme lui seraient confinés dans leur logement U sur le plus gros campus de Bordeaux, une mini-ville désormais fantomatique à l’heure du confinement.

Dans cette zone périurbaine bordée par les vignes et la rocade à Pessac, Talence et Gradignan, Resto U, cafet’ et associations étudiantes ont fermé.

Et « ici, il y a peu de commerces, les supermarchés sont loin, ce qui aggrave la situation d’isolement » des plus précaires, explique Yannis, 27 ans, doctorant en philosophie et bénévole pour le collectif citoyen « Solidarité-Continuité alimentaire Bordeaux » monté dans « l’urgence » autour d’un noyau dur de militants contre la réforme des retraites.

A la veille du confinement, « on s’est dit qu’il y aurait un problème: certains n’auront plus leur job en restauration, d’autres ne pourront pas rentrer chez eux », comme nombre d’étudiants internationaux, résume l’un des initiateurs, enseignant-chercheur en informatique qui veut rester anonyme.

De fait, depuis la diffusion du formulaire de contact, le collectif croule sous les demandes, 700 en 15 jours. « Même si on connaissait l’état de la précarité étudiante, on n’imaginait pas en arriver là. On serait presque à dire que certains ont eu plus peur de mourir de faim que du virus », comme ce jeune « qui n’avait pas mangé depuis 48 heures », affirme Yannis.

– Pas « abandonnés » –

Ce mercredi, dans un local prêté par l’université de Bordeaux, cinq bénévoles – tous masqués et passés à l’étape gel désinfectant – s’activent pour remplir à la chaîne les quarante colis à livrer. A l’intérieur: conserves et gel douche – préalablement nettoyés à la lingette -, féculents, café, papier WC, lessive mais aussi serviettes menstruelles et 5 copies d’autorisation de déplacement, « pour ne pas se mettre en danger ». Pas de périssable, « compliqué », ni de gel hydroalcoolique, « trop rare! ».

Pour limiter les contacts, trois équipes différentes se relaient pour les courses, la préparation des colis et la distribution, surtout dans les cités U, où se concentrent « les plus précaires ». Et le portage se fait au pied de l’immeuble, un étudiant à la fois. Dans les messages, « on tombe sur des surprises », assure Natacha, une bénévole. Entre des doléances pour un « wifi stable » et les « soucis d’ordinateur », des appels à l’aide aussi: « urgent plus rien à manger ».

La distribution est financée par une cagnotte en ligne Leetchi qui cumulait 36.500 euros jeudi mais le collectif craint « de ne pouvoir tenir jusqu’au bout du confinement ».

« On fait une aide d’appoint mais ce n’est pas à nous d’assurer une logistique d’ampleur », souligne Yannis qui attend plus de « réactivité » de la part des autorités.

« Le Crous n’a pas abandonné les étudiants, on se met en ordre de marche et on invente au jour le jour », répond le directeur général Nouvelle-Aquitaine, Jean-Pierre Ferré, qui salue par ailleurs une initiative « bienvenue ».

Selon lui, 70.000 euros d’aides « sur évaluation sociale » ont été attribués depuis le confinement à 500 étudiants, auxquels s’ajoutent 60.000 euros en bons d’achats, en cours de distribution et des portages de colis alimentaires en lien avec la ville de Bordeaux et la Banque alimentaire.

« La difficulté est d’arriver à capter les étudiants qui n’ont pas forcément le réflexe de se tourner vers nous », constate toutefois Anne-Marie Tournepiche, vice-présidente « Vie étudiante » à l’université qui s’est également « adaptée » avec des coups de pouce financiers pour s’alimenter ou « réduire la fracture numérique ». Depuis quelques jours aussi, l’Espace santé étudiants a « doublé » ses permanences téléphoniques de suivis médical et psychologique. Au bout du fil, beaucoup d’appels d' »anxiété ».

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