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« On a peur de devoir passer tout l’été à l’hôpital »

Praticien dans un hôpital de la région parisienne, en première ligne pour traiter la vague de patients atteints par le coronavirus, un anesthésiste-réanimateur livre tous les jours pour l’AFP, sous couvert d’anonymat, le résumé de sa journée en pleine crise sanitaire.

– Lundi 27 avril –

Ça y est. Une unité Covid a enfin » fermé ses portes. Six lits de réanimation ont été fermés. Pas rayés de la carte pour autant. Une petite victoire car on se dit que le retour à la normale pointe le bout de son nez.

Beaucoup d’inquiétudes également parce que tout le monde a en tête la fin du mois de mai avec un possible rebond du nombre de cas.

On est plus serein sur le côté organisationnel parce qu’on connaît maintenant nos capacités à s’étendre. En revanche, on n’a pas du tout envie de se dire qu’on risque de rentrer dans une phase qui va durer des mois et des mois…

On attend avec impatience les modalités du déconfinement. Il y a énormément de questions à l’hôpital, comme pour tout le monde: les tests, les sérologies, les masques, les possibilités de déplacement en France, les écoles, les restaurants, les terrasses.

Je crois qu’on a tous peur de devoir passer tout l’été à l’hôpital. C’est un risque loin d’être négligeable… Les gens sont épuisés. Mais je ne me plains pas. On a aussi de la chance.

Dimanche, je discutais avec un ami qui travaille dans le cinéma. Lui et sa femme sont indépendants. Plus aucune entrée d’argent depuis mars. Aucune visibilité sur l’avenir.

Nous avons vraiment cette chance de continuer à travailler, de ne pas avoir de souci financier qui s’ajoute à cela et de se rendre utile.

Petite lueur d’espoir aujourd’hui. J’ai pu voir plusieurs patients « extubés », c’est-à-dire des patients chez qui on a pu retirer l’assistance respiratoire. Ça fait du bien. C’est suffisamment rare pour s’en souvenir.

Le fils d’un de ces patients m’a répété plusieurs fois au téléphone qu’il remerciait toute l’équipe pour tout ce que nous avions fait.

Je me disais que nous n’avions pas fait grand-chose. Que son papa avait surtout eu la chance d’être dans la « bonne catégorie » des patients Covid, ceux qui ont la chance, on ne sait pas très bien pourquoi, de guérir de cette foutue maladie. Il m’a proposé d’apporter des choses à manger pour remercier l’équipe.

On sentait, comme souvent, qu’il se sentait redevable de quelque chose. Ce n’est pourtant pas le cas. En temps normal, en réanimation, cette reconnaissance est beaucoup plus rare. On sent que la gravité de la situation, la peur d’être infecté et la compréhension de ce que sont les services de réanimation ont fait prendre conscience certaines choses à beaucoup de gens.

Je lui ai répondu que seule une petite lettre de soutien suffirait et ferait énormément de bien à l’équipe. Il le fera, sans aucun doute…

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