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Les radios libres, antidotes au confinement

Une « bande de potes qui aiment la musique », des militants qui veulent poursuivre la lutte, des amis en manque de soirées apéros… Le confinement aura été la prison qui a libéré les ondes, faisant naître de nombreuses radios aux agendas très différents mais avec un point commun: briser l’isolement.

Une petite table a été installée dans la véranda encore en chantier de l’ancienne fermette en rénovation, trois micros ont été posés sur la nappe et une table de mixage glissée tant bien que mal dans la soupente.

« Bienvenue sur Radio Talweg! », annonce Oscar d’une voix chaude qui fait oublier les grésillements. « Il fait encore une fois désespérément beau aujourd’hui », poursuit le dramaturge qui s’est improvisé « rédacteur en chef » dès l’instauration du confinement.

« Créer une radio, c’était une évidence. On a eu un besoin de contacts, de communauté d’expression », se souvient le barbu aux cheveux longs montés en chignon. « C’est un moyen de faire du lien ».

Après avoir « coupé les autres ordis de la maison parce que la connexion est pourrie ici », Radio Talweg commençait à émettre le 17 mars dans un petit village de 200 habitants – dont Oscar veut taire le nom – blotti dans la vallée bourguignonne de l’Auxois (un « talweg » est une ligne suivant le fond d’un vallon).

« Nous sommes ancrés dans le territoire », dit Oscar, qui préfère conserver l’anonymat. Outre des conseils pratiques (« comment faire du fromage », « où trouver des asperges sauvages »), la microradio diffuse sur quelques heures d’émission par jour des portraits d’habitants, comme cet ouvrier agricole qui « galère » pour vendre ses légumes ou cet intérimaire qui n’a pas arrêté de travailler malgré la peur du virus, « pour pas paumer (sa) place »…

« Le confinement est un accélérateur de rencontres. Vivre les uns sur les autres permet de redécouvrir les gens », dit Oscar.

Et pour ça, rien de mieux que la radio, assure Kathy, une ancienne travailleuse humanitaire en Afrique qui héberge Talweg, Oscar et des amis, dans sa maison collective entourée d’herbes folles. « J’ai beaucoup fonctionné avec Skype mais ça n’a rien à voir: la radio, c’est plus physique ».

– Hors des ondes battues –

« C’est le lien de la voix qui a plus de chaleur. On se retrouve comme au bar », confirme à l’AFP Soraya, qui a lancé à Marseille Radio confinement, avec sa copine Juliette. Deux heures par soir, la webradio dénonce les violences policières, les oppressions sexistes, le logement insalubre… « La fracture sociale se creuse avec le confinement », dit Soraya, qui « essaie de garder un esprit militant ».

Poursuivre la lutte hors des ondes battues, c’est le credo de nombre de radios de combat créées dans le sillage du confinement.

« On veut continuer à réfléchir pour diffuser des paroles qui ne sont pas assez diffusées dans les médias bourgeois », explique, sur le site d’info alternatif Dijoncter, la radio « Sans Nous », créée par des militants d’une association d’éducation populaire des Pays de la Loire.

D’autres, aux motifs plus légers, ont pour seule ambition de créer des radios « 100% musique », comme Philippe Szymczak, alias « DJ Philou », qui a créé Radio Flashback.

« J’aurais pu l’appeler Radio Passion », explique-t-il à l’AFP: en fermant le camping dont il est propriétaire, « Le Verger fleuri » au lac d’Annecy, le confinement lui a permis de libérer du temps et de réaliser son « rêve qui a toujours été de créer une radio ». Elle diffuse de la musique des années 80, « pour rendre le confinement plus supportable », explique « Philou ».

Briser l’isolement, c’est aussi l’objectif de ces nombreuses « radios apéros » qui veulent combler le vide laissé par les soirées « entre potes ».

« Avant le confinement, on se voyait les soirs pour écouter du rock. On garde ce lien, à l’heure de l’apéro, en émettant de 18h à 20h », explique à l’AFP « DJ Steack » qui a créé Radio confinement89 (89 pour le département de l’Yonne), avec « une bande de potes qui aiment la musique ». Et curieusement, « c’est encore plus fort : la radio nous relie encore plus ».

Les radios du confinement ont « pour fonction d’interagir dans un groupe », analyse Thierry Lefebvre, spécialiste des radios à l’Université Paris-Diderot. Mais elles n’ont « rien à voir » avec les « radios libres » des années 70 qui avaient « une démarche politique ».

« Les radios du confinement sont de l’ordre de l’expression individuelle, comme les blogs ou pages Facebook ». « C’est un phénomène éphémère », tranche l’expert.

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