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Une journée de ramadan au Mali au temps du coronavirus

Fatoumata est l’une des premières à se lever dans le noir. Il est 4H00 du matin et les 18 membres de la famille Sinaba se réveillent un à un dans un quartier populaire de Bamako.

La jeune femme, maman d’un petit, rallume le foyer pour réchauffer le riz de la veille avant le début du jeûne. Son jeune frère Solo, la vingtaine, bougonne, engourdi. Il mange en silence, les yeux sur son portable et les réseaux sociaux. Mahamadou, le patriarche de la fratrie, secoue les retardataires.

« Il est quelle heure ?, demande-t-il à son aîné Moussa.

– 5H00, il reste douze minutes avant l’appel du muezzin ».

Passé cet appel, dix des Sinaba attendront jusqu’à la fin du jour pour boire et manger à nouveau. L’arrière-grand-mère et les enfants en bas âge sont dispensés du jeûne, selon les principes de l’islam.

Entre temps, il faudra supporter le soleil et les 40 degrés au bas mot. « Grâce à la foi », dit Moussa Sinaba.

Comme dans beaucoup de familles de la classe moyenne, on ne parle guère du coronavirus, qui a officiellement atteint plus de 560 personnes et en a tué 27.

Certes l’activité du ministère où Mahamadou Sinaba est fonctionnaire a été chamboulée. D’autres dans la famille vendent de la glace ou apprennent le métier d’électricien.

Malgré les restrictions, la pandémie semble avoir un effet minimal sur la vie de tous les jours dans ce pays en proie à la guerre et la pauvreté.

– Quotidien immuable –

« La mort existait avant le coronavirus, elle existera après », philosophe Moussa Sinaba sur le chemin de la mosquée. Contrairement à d’autres, le Mali n’a pas fait fermer les mosquées, et la persistance de cette promiscuité propice à la contamination est devenue un sujet de controverse.

Le soleil se lève peu à peu. Mahamadou Sinaba prend son portable et va s’asseoir à quelques dizaines de mètres de la maison sur une pierre surplombant la rive du fleuve Niger.

Les yeux dans le vague, il écoute la radio qui grésille. Le temps passe et d’autres vieux du quartier s’installent avec lui.

Il n’est pas 6H00 quand l’actualité du jour anime le joyeux rassemblement: les législatives au Mali, le bras de fer entre Donald Trump et la Chine…

Le vent souffle. « C’est le meilleur moment de la journée », sourit Mahamadou.

Derrière lui, les mains dans le fleuve, deux de ses filles font la vaisselle. C’est une constante: la journée durant, les femmes s’affaireront à la préparation des repas. Deux enfants, les pieds dans l’eau, se lavent les dents.

Bientôt, tout le monde est de retour dans la cour de la maison. Les moustiquaires et les matelas sur lesquels on a dormi dehors parce qu’il fait trop chaud à l’intérieur sont rangés. La torpeur s’empare de la cour.

Les heures passent au même rythme: les femmes au fourneau ou au marché, encore ouvert malgré la crise sanitaire; les hommes au travail ou aux palabres.

– Légèreté vespérale –

Des nattes et des chaises ont été installées à l’ombre de l’imposant arbre au milieu de la cour. Beaucoup somnolent, ou discutent. « Notre Ramadan, c’est la famille: de l’arrière-grand-mère au bébé, on est ensemble », dit avec fierté le patriarche.

La quiétude est régulièrement rompue par des cris. Le Ramadan reste le temps des enfants. Les écoles ont été fermées. Par dizaines, des petits passent de cour en cour, jouent aux billes, se courent après.

Pas de distanciation sociale ici. « Comment faire dans notre contexte ? », demande, fataliste, Fatoumata Sinaba. « Le coronavirus, les gens en parlent mais on a vu personne avec dans le quartier », renchérit Souda, la femme de Mahamadou.

Elle peste contre le couvre-feu qui l’empêche de vendre son poisson braisé le soir dans le quartier. « C’est le seul impact du corona que je vois ici », sourit-elle.

A la prière à 13H00, la mosquée du quartier est pleine. Dans la famille, seul Mahamadou Sinaba porte un masque. « Dieu est là pour nous, mais ca n’empêche qu’il faut se protéger ! »

Les hommes écoutent l’imam prêcher, la plupart allongés, certains attentifs, d’autres somnolents.

Après 16H00, le déclin du soleil se fait désirer. Le bord de fleuve se remplit d’enfants qui se délassent, s’éclaboussent et font des saltos. Un air de légèreté flotte sur le quartier. L’approche de la rupture du jeûne amène le sourire.

A 18h45, tout le monde est fin prêt dans la cour: les dattes sont dénoyautées, le jus de gingembre et de kinkeliba, plante d’Afrique de l’Ouest, est dans les verres. La voix du muezzin s’élève à 18h47, l’iftar peut commencer.

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