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Des migrants éthiopiens de retour chez eux après avoir frôlé la mort au Mozambique

Pendant que le camion filait vers le sud, Yosef Moliso et les autres migrants clandestins coincés à l’intérieur du conteneur frappaient désespérément sur les cloisons métalliques pour appeler à l’aide, tout en commençant à manquer d’air.

Quand, enfin, le véhicule est arrivé au Mozambique pour être inspecté par les gardes-frontières, Yosef s’était évanoui. Mais il a finalement été plus chanceux que la plupart de ses compagnons: 64 d’entre eux étaient déjà morts asphyxiés.

« Il faisait très chaud à l’intérieur, comme dans un brasier », se remémore Yosef, l’un des 14 survivants parmi ces migrants éthiopiens qui cherchaient à atteindre l’Afrique du Sud, où ils espéraient gagner suffisamment d’argent pour subvenir aux besoins de leurs familles restées au pays.

« Si jamais je tombe un jour sur les gens qui ont fait ça, je les attrape et je crie jusqu’à ce que la police arrive », s’imagine Yosef.

L’Éthiopie est l’un des cinq pays comptant le plus de migrants parmi les quatre millions qu’abrite l’Afrique du Sud, l’économie la plus industrialisée du continent, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Le drame vécu par Yosef en mars est l’un des pires accidents ayant touché des migrants éthiopiens ces dernières années. Il met en lumière les dangers encourus par les milliers de jeunes gens qui prennent chaque année la direction de la « route du Sud ».

Mais ce qui attend maintenant les survivants, rentrés en Ethiopie, illustre bien pourquoi cette route reste si populaire. Vendredi, Yosef et 10 de ses camarades ont quitté un centre géré par l’OIM à Addis Abeba pour retourner dans leurs régions d’origine.

Ces hommes ont raconté à l’AFP être heureux d’être de retour en Ethiopie, mais aussi inquiets de ce que l’avenir leur réserve.

« Ce n’est pas facile d’être un jeune garçon éthiopien, de juste rester assis à la maison sans avoir d’emploi. C’est ce qui les force à partir », explique Sara Basha, coordinatrice de l’OIM en Ethiopie.

– Des mois d’errance –

« Une fois qu’ils rentrent chez eux, après un incident comme celui-ci, ils retournent dans une communauté où ils n’ont plus rien », ajoute-t-elle. « Ils sont toujours vulnérables, alors la frustration pourrait les amener à repartir à nouveau. »

C’est l’exemple d’un de ses cousins, parti de leur région d’origine dans le sud de l’Éthiopie pour aller en Afrique du Sud il y a quelques années, qui a convaincu Tigestu Birhanu de tenter sa chance.

Tigestu, 20 ans, ne savait pas exactement ce que faisait ce cousin, mais il savait qu’il gagnait maintenant bien sa vie. L’argent qu’il envoie à sa famille a permis à celle-ci de s’acheter une maison et une nouvelle voiture.

Alors quand son cousin a proposé à Tigestu de lui payer le voyage par la route Sud – dont le coût s’élève à environ 200.000 birr éthiopiens (5.440 euros), selon d’autres migrants -, la décision s’imposait d’elle-même.

Parti avec deux hommes de sa région, Tigestu s’est embarqué dans des mois d’errance éprouvante, parfois marchant, parfois voyageant à dos de mobylettes et parfois montant dans des camions.

Son groupe de migrants a grossi au fur et à mesure de leurs pérégrinations. La nourriture était rare et ils dormaient le plus souvent dans des endroits isolés et sauvages pour éviter d’être repérés par les autorités des pays traversés.

Ils étaient pris en charge par un réseau de passeurs de différentes nationalités, une configuration qui, selon Mme Basha, complique les efforts pour identifier et poursuivre en justice ceux qui mettent en danger la vie de ces migrants.

Quand les clandestins ont vu pour la première fois le conteneur dans lequel ils étaient censés se cacher pour gagner le Mozambique, beaucoup ont résisté, conscients du risque de suffocation.

– ‘Je préfère encore être un mendiant’ –

Mais les trafiquants les ont menacés avec des machettes et ils n’ont pas eu le choix, rapporte Tigestu, qui lui aussi a perdu conscience avant l’intervention des douaniers mozambicains.

Après s’être réveillé dans un hôpital quelques jours plus tard, il a appris que les deux autres hommes venus de sa région natale étaient morts.

L’Éthiopie s’efforce de lutter contre l’immigration clandestine, que ce soit vers le sud, ou vers les routes tout aussi dangereuses menant vers l’est à l’Arabie saoudite et vers le nord à l’Europe, estime Mme Basha.

Le pays essaie de renforcer les capacités d’investigation de sa police et de mieux collaborer avec les pays voisins, ajoute-t-elle.

La police a refusé de répondre aux questions de l’AFP sur ce qui s’est passé au Mozambique. Mais des policiers éthiopiens ont interrogé les survivants dans le cadre d’une enquête, selon l’OIM.

Mais tout aussi importante que le répression est la nécessité d’offrir de meilleures perspectives à ces jeunes en Ethiopie, pour qu’ils soient moins tentés de partir, considère encore Mme Basha.

L’OIM va non seulement aider les survivants, mais elle fait aussi pression sur les autorités pour qu’elles accentuent leurs efforts contre le chômage des jeunes, qui pourrait s’aggraver encore avec la pandémie de Covid-19.

Quand à Yosef and Tigestu, l’un et l’autre jurent qu’après ce qu’ils ont connu au Mozambique, ils n’ont aucune intention de tenter à nouveau d’émigrer.

« Quand je me suis réveillé, j’étais très triste pour ceux qui étaient morts », relate Yosef. « Et je me suis dit que je préférais encore être un mendiant en Ethiopie. »

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