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Le réalisateur russe Serebrennikov, coupable de fraude, ne fera pas de prison

Le réalisateur et metteur en scène Kirill Serebrennikov, personnalité célébrée du milieu artistique russe, a été condamné vendredi à Moscou à une peine de prison avec sursis pour détournements de fonds dans une affaire controversée.

Ce dossier, qui a été ouvert il y a trois ans, a été considéré par les partisans du réalisateur comme une affaire politique mettant à l’épreuve de la liberté artistique en Russie.

« La réhabilitation de Serebrennikov est possible sans peine réelle » de privation de liberté, a estimé la juge Olessya Mendeleïeva, qui le condamne à trois de prison avec sursis, une interdiction de diriger tout organisme culturel, une amende et trois années de mise à l’épreuve.

Le parquet avait requis six ans de prison ferme contre l’artiste qui a toujours rejeté les charges retenues contre lui. A l’annonce du jugement, les centaines de ses partisans réunis devant le tribunal Mechtchanski de la capitale russe ont réagi par des applaudissements, ayant craint une lourde peine d’emprisonnement.

Portant un pull à capuche et une casquette noirs et arborant un masque sanitaire de la même couleur, du fait du nouveau coronavirus, Kirill Serebrennikov, 50 ans, a refusé de commenter la décision de justice.

Directeur artistique du Centre Gogol, un célèbre théâtre moscovite, réalisateur du film « Leto » primé au Festival de Cannes et metteur en scène d’opéras, il a été condamné pour le détournement entre 2011 et 2014 d’environ 129 millions de roubles (1,65 million d’euros au taux actuel) de subventions publiques à des fins d' »enrichissement personnel ».

« Kirill est anéanti par le jugement de culpabilité, mais il est très content de rentrer à la maison », a dit son avocat Dmitri Kharitonov.

Deux autres accusés dans cette affaire, Iouri Itine et Konstantin Malobrodski, se sont vu infliger des peines avec sursis de deux et trois ans respectivement. Une dernière, Sofia Apfelbaum, est condamnée à une amende qu’elle n’aura pas à payer car couverte par la prescription. Elle a fondu en larmes à l’énoncé de ces sanctions.

La juge a estimé que les accusés avaient agi en bande organisée et que Kirill Serebrennikov avait « dirigé tous les membres du groupe et pris des mesures pour dissimuler les vols ».

– Représailles politiques –

Interrogé au cours d’une conférence de presse avant l’énoncé des peines, le porte-parole de la chancelière allemande Angela Merkel, Steffen Seibert, a souligné que « le droit à la liberté d’expression et la possibilité de présenter des opinions politiques différentes » valaient aussi « pour la Russie ».

Olivier Py, le directeur du Festival d’Avignon, un proche de Kirill Serebrennikov, avait dénoncé auprès de l’AFP « un procès politique, un retour à l’URSS stalinienne ».

« Il fallait envoyer un message clair à tous les dissidents. C’est lui qui en paie le prix mais il a lutté pour la liberté d’expression, le droit à la différence. La cause homosexuelle qu’il a souvent mise en scène dans ses spectacles est un point clivant dans la Russie d’aujourd’hui », a-t-il ajouté.

Arrêté en août 2017 sur un tournage à Saint-Pétersbourg, Kirill Serebrennikov avait été assigné à résidence à Moscou jusqu’en avril 2019.

Nombre de personnalités russes et étrangères lui ont exprimé leur soutien, considérant que son art en contradiction avec le conservatisme des autorités lui avait fait ses ennemis.

En septembre 2019, la justice avait levé son assignation à résidence et renvoyé le dossier au parquet, l’estimant incomplet. Mais une nouvelle expertise a conclu début juin que le réalisateur et son équipe avaient touché un trop-perçu d’environ 129 millions de roubles d’aides publiques.

« Dans cette affaire, il n’y a aucune preuve de comportement malhonnête de ma part », avait déclaré Kirill Serebrennikov lundi, accusant les enquêteurs de « pressions » sur le principal témoin de l’accusation, l’ancienne comptable de sa troupe, Septième studio.

Pour ses partisans, il paye sa liberté de création et ses pièces parfois osées, mêlant politique, sexualité et religion, dans un pays où les autorités poussent pour un retour en force des « valeurs traditionnelles » conservatrices.

Quelque 3.000 personnalités du monde de la culture ont appelé lundi le ministère de la Culture à renoncer aux poursuites, dénonçant une « affaire qui a été fabriquée ».

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