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funérailles du chanteur tué à l’origine de manifestations meurtrières

Quelques centaines d’Éthiopiens se sont rassemblés jeudi à Ambo (centre) pour célébrer assez discrètement les funérailles du chanteur dont la mort a déclenché des manifestations ayant coûté la vie à environ 90 personnes, et mis en exergue les tensions intercommunautaires qui fragilisent le pays.

Le chanteur Hachalu Hundessa, membre de la communauté oromo, le premier groupe ethnique de ce pays de 110 millions d’habitants, a été tué par balle lundi soir à Addis Abeba pour un motif encore inconnu.

Bien qu’apprécié d’Éthiopiens d’origines diverses, Hachalu a surtout été le porte-voix des oromo, qui avaient dénoncé leur marginalisation économique et politique lors des manifestations antigouvernementales entre 2015 et 2018 ayant débouché sur l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Abiy Ahmed.

Les funérailles, retransmises en direct sur plusieurs chaînes de télévision, ont eu lieu à Ambo, la ville de naissance d’Hachalu, à environ 100 km à l’ouest de la capitale.

A peine 500 personnes étaient réunies dans un stade de football champêtre à l’herbe haute et doté d’une seule petite tribune centrale, pour un court et sobre service funèbre contrastant avec l’onde de choc suscitée par la mort de l’artiste.

Des cavaliers en habits traditionnels ont paradé dans le stade, avec une fanfare, avant que le corbillard, recouvert de couronnes de fleurs, n’y pénètre. Le cercueil a ensuite été porté, en présence de quelques proches seulement, vers une église proche, où la cérémonie a duré une vingtaine de minutes.

Des femmes éplorées se sont jetées au sol au pied du cercueil avant la mise en terre. Là, des jeunes hommes arborant des tee-shirts noirs avec le portrait du chanteur ont laissé éclaté leur tristesse, pleurant et se lamentant devant la tombe.

« C’était un vrai combattant de la liberté », a déclaré dans un discours Belay Aqenaw, l’organisateur des obsèques. « C’était un chanteur qui nous remontait le moral ».

– Affrontements entre communautés –

Au moins sept personnes ont été tuées mardi à Ambo par les forces de sécurité qui tentaient de disperser les manifestations et plus de 30 blessées par balles, a indiqué Bedessa Bikila, un docteur à l’hôpital général d’Ambo.

Les tensions y ont aussi été fortes mercredi, des manifestants oromo réclamant qu’Hachalu soit plutôt inhumé à Addis Abeba: de nombreux nationalistes oromo considèrent la capitale comme faisant partie d’un territoire qui leur aurait été volé lors de la création de l’Éthiopie moderne.

Au total, ce sont quelque 90 personnes qui ont trouvé la mort dans les violences consécutives au meurtre du chanteur, en région Oromia et à Addis Abeba.

Certaines ont été tuées par les forces de sécurité, mais d’autres ont péri dans des affrontements entre membres de diverses communautés, ont reconnu mercredi les autorités.

Abiy Ahmed, prix Nobel de la Paix 2019, a estimé dans un communiqué mercredi soir que ceux qui étaient derrière la mort d’Hachalu cherchaient à faire dérailler son programme de réformes économiques et politiques, et à « tuer l’Éthiopie ».

« Nous avons deux choix en tant que peuple. Tomber dans le piège tendu par ces détracteurs ou s’en éloigner et rester sur le chemin des réformes », a-t-il plaidé.

Même si M. Abiy est le premier chef de gouvernement oromo de l’histoire moderne, de nombreux nationalistes oromo l’accusent de ne pas faire suffisamment pour défendre les intérêts de sa communauté.

– « On rejette la faute sur nous » –

Depuis son accession au pouvoir, il s’est efforcé de réformer un système jusque-là très autoritaire. Mais ce faisant, il a ouvert la porte aux violences intercommunautaires qui mettent à l’épreuve le système éthiopien de fédéralisme ethnique.

Les rues d’Addis Abeba étaient plutôt calmes jeudi matin, la plupart des commerces restant fermés.

Les autorités n’ont pas donné de bilan des victimes dans la capitale, mais l’ambassade américaine a annoncé mercredi que huit personnes y avaient été tuées, dont deux membres de la police fédérale.

En dehors de l’hôpital St Paul, Fikadu Kebebe, un Oromo de 24 ans, attendait jeudi de récupérer le corps de son jeune frère Getu, tué selon lui la veille par les forces de sécurité.

« Il manifestait juste pour exprimer son émotion après la mort d’Hachalu. Quand la police a commencé à tirer, il a essayé de s’enfuir, mais il a reçu deux balles dans le dos et est mort sur le champ », a-t-il déclaré à l’AFP.

« Le gouvernement cible les oromo partout en ville. On rejette la faute sur nous alors que c’est nous qui sommes attaqués », a-t-il déploré.

Deux des principaux dirigeants d’opposition oromo, Jawar Mohammed et Bekele Gerba, ont été arrêtés. Ils ont comparu jeudi devant un tribunal d’Addis Abeba et sont accusés « de participation dans la mort d’une personne » lors d’un incident consécutif à la mort du chanteur.

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