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Joe Biden, discret jusque dans sa ville

Des voitures banalisées du service de protection des personnalités barrent jour et nuit l’accès à la résidence de Joe Biden dans un quartier cossu de Wilmington, dans l’Etat du Delaware à l’image de sa campagne présidentielle jusqu’ici: calme et discrète.

Aucune des luxueuses demeures voisines n’arbore sur leurs gazons religieusement entretenus les panonceaux électoraux que les Américains se plaisent d’habitude à planter devant chez eux pour afficher leur couleur politique.

Seul l’imposant dispositif de sécurité déployé au numéro 1209 de la Barley Mill Road laisse deviner que se joue peut-être là, au milieu des conifères, l’avenir proche du pays.

Depuis que la pandémie de Covid-19 l’a poussé à mener campagne dans son sous-sol, Joe Biden, 77 ans, ne s’en est extirpé publiquement qu’à une poignée de reprises. Et jamais bien loin.

Demi Kollias se souvient l’avoir vu pour la dernière fois début mars dans sa sandwicherie, Claymont Steak Shop, une institution locale où l’ancien vice-président a ses habitudes. Comme à chacune de ses visites, il a pris le temps, entre deux bouchées de « cheesesteak », la spécialité de la maison, d’échanger et de prendre des photos avec le personnel.

« Il est très amical, plaisant et agréable. Il parle à tout le monde », raconte la patronne d’origine grecque, qui devine son plus célèbre client forcément « frustré » de ne pas pouvoir mener campagne normalement. « Tout le monde l’est et je pense que c’est son cas également, alors qu’il aspire à devenir président des Etats-Unis. C’est une situation complètement folle ».

– Amtrak Joe –

Les 70.000 habitants de Wilmington savent qu’en règle générale leur meilleure chance de croiser Joe Biden est à la gare qui porte son nom. Sénateur du Delaware pendant près de quatre décennies, il a toujours préféré le train à la voiture pour ses allers-retours quotidiens entre sa ville et Washington, à deux heures de là.

Il a même officialisé depuis la gare sa candidature – vite abandonnée – à la présidentielle de 1988. Mais la présence de celui qui a longtemps été surnommé « Amtrak Joe », en référence à la société ferroviaire publique américaine, s’y résume aujourd’hui à une plaque à son nom près d’une porte condamnée en ces temps de Covid-19.

« C’est la campagne la plus bizarre que j’aie jamais vue. Une campagne sur Zoom et les réseaux sociaux », témoigne Ray Saccomandi sur le trottoir presque désert de la principale artère commerciale de la ville.

Pour l’Italo-Américain de 54 ans, gestionnaire immobilier, « Joe », comme beaucoup l’appellent simplement ici, n’a « pas vraiment besoin de faire activement campagne » dans le Delaware, un petit Etat de la côte est américaine, avantageux fiscalement, qui vote traditionnellement démocrate.

Et même s’il n’en fait pas beaucoup plus ailleurs après avoir décidé, sur les conseils de son médecin, de ne tenir aucun meeting électoral, sa stratégie d’attente lui réussit plutôt jusque-là: les sondages lui donnent tous une avance confortable sur Donald Trump.

– Lifeguard Joe –

A Wilmington, une autre installation municipale a été baptisée du nom de l’enfant du pays: le centre aquatique Joseph R. Biden Jr, dont la devanture porte fièrement le sceau officiel de la vice-présidence des Etats-Unis.

Arrivé dans le Delaware à l’âge de 10 ans après être né en Pennsylvanie voisine, l’ancien bras droit de Barack Obama y a officié dans sa jeunesse comme maître-nageur, au coeur d’un quartier majoritairement noir. Une expérience qu’il raconte avoir été au fondement de son engagement politique.

Mais près de soixante ans plus tard, sa campagne présidentielle sans vagues ne semble pas déchaîner les passions dans le North Side, où Michael Oliver, un Afro-Américain de 30 ans, s’entraîne seul au basket près de la piscine sous une chaleur suffocante.

Le coach sportif attend surtout du prochain président des Etats-Unis qu’il soit « à la hauteur » de la fonction. « Si c’est quelqu’un qui se trouve venir du même endroit que moi, tant mieux. Mais aujourd’hui, j’attends surtout des résultats ».

Au bord du bassin, dans lequel se rafraîchissent des enfants du quartier, le maître-nageur Brandon Crooks, 23 ans, sifflet autour du cou, dit lui s’intéresser davantage aux élections locales qu’à la présidentielle. « Car c’est ce qui nous touche directement ».

Comme les centaines de milliers de personnes descendues dans les rues du pays pour protester contre le racisme et les violences policières après la mort de George Floyd fin mai, le jeune homme rêve avant tout d' »égalité des chances » et de respect.

Se voit-il un jour aspirer à la Maison Blanche, comme son lointain prédécesseur sur la chaise haute du « lifeguard »? « Pas vraiment, mais qui sait? Il n’avait probablement pas non plus envie de devenir président à 19 ans quand il travaillait ici ».

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