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Entre McDonald’s et les Afro-Américains, une relation complexe

De nombreuses entreprises ont proclamé aux Etats-Unis leur soutien aux manifestations contre le racisme envers les Afro-Américains, y compris la plus emblématique d’entre elles: la chaîne de restauration rapide McDonald’s.

« Aujourd’hui, nous nous tenons aux côtés des communautés noires à travers l’Amérique », lit-on dans un message posté en juin sur les réseaux sociaux qui énumérait les noms de plusieurs Afro-Américains tués par la police.

« Il était l’un des nôtres. Elle était l’une des nôtres. Ils étaient tous des nôtres », poursuit le message du géant du fast-food.

Pour Marcia Chatelain, professeure d’histoire et d’études afro-américaines à l’université de Georgetown à Washington, le soutien de McDonald’s aux manifestations en faveur des droits civils n’est pas une surprise.

Mais comme elle l’écrit dans son livre « Franchise: les Arches dorées dans l’Amérique noire », la relation entre McDonald’s et les Noirs américains est particulièrement compliquée.

C’est l’histoire d’une autonomisation qui se heurte aux limites du capitalisme américain et à l’inégalité.

« McDonald’s reste fidèle à sa marque », dit à l’AFP Mme Chatelain, le groupe ayant toujours pris position surtout quand il pouvait renforcer sa base de consommateurs.

– Ressusciter de ses cendres –

Avec près de 39.000 restaurants implantés dans 119 pays et un chiffre d’affaires de 21,1 milliards de dollars en 2019, l’entreprise fait partie des plus grandes chaînes de restauration rapide au monde. C’est aussi un symbole du capitalisme américain.

Elle a pris racine dans les changements de mode de vie qui ont eu lieu aux Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale.

Son implication au sein des communautés noires est la conséquence des émeutes qui ont frappé de nombreuses villes américaines en 1968, souligne la professeure.

« L’ouverture de restaurants franchisés par des personnes de la communauté afro-américaine a contribué à rendre incroyablement riches certaines personnes qui ont ensuite contribué à la philanthropie, qu’il s’agisse d’universités noires ou d’aider la communauté locale », explique-t-elle.

Cette poussée s’inscrivait alors dans une tendance, accentuée sous l’ancien président Richard Nixon, vers le capitalisme noir, où l’on encourageait la création de richesse afro-américaine par le biais du monde des affaires.

Mais cette approche n’a pas « nécessairement éliminé le racisme qui a exacerbé l’écart de richesse raciale », note Marcia Chatelain, relevant aussi les pratiques discriminatoires dans les prêts.

Les franchises appartenant à des personnes noires ont offert aux Afro-Américains de nombreux emplois « facilement disponibles », accessibles sans diplôme, sans formation spécifique.

Mais les employés de McDonald’s n’ont pas accès aux soins de santé, aux congés payés pour maladie ou à une aide pour la garde d’enfants, ce qui exacerbe la rotation du personnel, qui elle-même devient un argument pour la direction du groupe pour ne pas créer d’avantages sociaux.

Aujourd’hui, l’entreprise est confrontée à un ensemble de revendications sociales, dont un salaire minimum de 15 dollars de l’heure.

– Marche arrière –

Dans les années 1980, des publicités de McDonald’s faisaient la promotion d’embauches d’employés et de directeurs afro-américains.

En janvier, deux dirigeants ont intenté un procès, accusant le groupe de pratiquer « une discrimination raciale intentionnelle ».

Selon Business Insider, les franchises noires ont gagné l’an passé 68.000 dollars nets par mois de moins que la moyenne.

Selon la National Black McDonald’s Operators Association, le nombre de franchises dirigées par des Afro-Américains recule: 222 fin 2017, contre 304 à la fin de 2008.

« On a le sentiment que McDonald’s a fait marche arrière », résume Mme Chatelain.

Au printemps, de nombreuses autres entreprises ont soutenu comme McDonald’s les manifestations pour la justice raciale déclenchées par le meurtre par la police de George Floyd, une personne noire, à Minneapolis.

Pour Marcia Chatelain, c’est une opportunité pour tous les travailleurs américains de faire pression pour de meilleures conditions salariales.

« Si McDonald’s était vraiment intéressé par la qualité de la vie des Noirs et voulait signaler que la vie des Noirs est importante, ils pourraient commencer avec leurs employés », dit-elle.

« C’est une opportunité incroyable de faire davantage que des dons, de penser aux congés maladie payés, à la garde d’enfants, à l’accès aux prestations de soins de santé ainsi qu’à l’augmentation des salaires », conclut-elle.

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