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La lutte contre les discriminations, l’affaire personnelle d’une députée sud-coréenne

Si la députée Jang Hye-yeong est le fer de lance du combat contre les discriminations, c’est parce qu’elle a vécu, très jeune, le poids des préjugés de la société conservatrice sud-coréenne, au travers du traitement réservé à sa soeur autiste.

Elle avait 13 ans quand elle a vu sa famille exploser: sa soeur autiste fut placée dans une institution, son autre soeur dans un pensionnat et sa mère s’en alla.

Vingt ans ont passé, et cette Youtubeuse est devenue en avril l’une des plus jeunes membres du Parlement sud-coréen.

A 33 ans, elle détonne dans une assemblée à 80% masculine et dont 83% des membres ont plus de 50 ans.

Elle vient de s’attaquer frontalement au conservatisme religieux et à la culture patriarcale de son pays en soumettant une proposition de loi contre les discriminations.

Le texte propose d’interdire toute forme de favoritisme fondé sur le sexe, la race, l’âge, l’orientation sexuelle, le handicap ou la religion, mais aussi sur des critères moins habituels comme le casier judiciaire, l’apparence ou le parcours universitaire.

Les chances de cette initiative sont minces, quand on sait que six tentatives de faire passer des textes généraux contre les discriminations ont échoué depuis 13 ans.

– Les « péchés » de sa mère –

« Pendant longtemps, le Parlement n’a été qu’une institution pour hommes valides d’âge mûr », dénonce Mme Jang.

Son économie a beau être la 12e au monde, portée par des fleurons technologiques comme Samsung, la Corée du Sud demeure profondément conservatrice sur le plan sociétal, et des organisations de défense des droits de l’Homme comme Human Rights Watch dénoncent sans relâche le poids des discriminations.

Mme Jang raconte une jeunesse compliquée au sein d’une famille marquée par l’autisme de sa soeur qui souffrait aussi de déficiences intellectuelles, autant de difficultés que certaines personnes attribuaient aux « péchés » de leur mère.

Celle-ci lutta pour élever ses enfants, avec une aide limitée du gouvernement ou de son entourage. Sa fille autiste fut finalement placée dans une institution dont les pensionnaires étaient selon Mme Jang victimes de mauvais traitements.

Peu de temps après, leur mère quitta le foyer familial et son père envoya Mme Jang, alors adolescente, vivre chez ses grands-parents.

« J’étais très triste quand j’ai réalisé que ma mère était partie, mais d’un autre côté, je comprenais sa décision », raconte-t-elle à l’AFP.

– « Naturellement » féministe –

Ce que sa mère, sa soeur et elle avaient vécu la poussa « très naturellement » à embrasser le combat féministe, poursuit-elle.

En 2011, elle décida de quitter la prestigieuse Université Yonsei University, un choix rare dans une société ultraconcurrentielle dans laquelle la scolarité détermine souvent toute l’existence.

Puis, 18 ans après que sa famille avait volé en éclats, elle décida de sortir sa soeur de l’institution où elle avait été placée pour s’en occuper elle-même.

Elle a raconté ces premiers mois ensemble dans « Grown Up », un documentaire sorti en 2018. Depuis, elle ne cesse de militer sur YouTube pour que l’on permette aux personnes handicapées de vivre au sein de la société.

L’an dernier, elle a pris sa carte au Parti de la justice et fut en avril l’un des six candidats de ce mouvement de gauche élu au Parlement lors des législatives qui ont vu le triomphe du Parti démocrate (centre-gauche) du président Moon Jae-in.

Pour autant, le vote de sa proposition de loi est tout sauf acquis, tant est grande l’influence des mouvements religieux conservateurs.

Le pasteur Kim Kyou-ho, à la tête du Comité de contre-mesures sur les problèmes de l’homosexualité, continue de prêcher que la Bible voit l’homosexualité comme un « péché ».

– « Les droits des anti-gays » –

« Nous ne pouvons parler de démocratie si au prétexte de protéger les droits de l’Homme des minorités sexuelles on viole les droits et la liberté d’expression des anti-gays », clame-t-il.

Environ 40% des députés sud-coréens sont protestants, selon les Eglises chrétiennes unies de Corée, et rares sont les élus qui sont prêts à s’attaquer frontalement au lobby religieux.

Sur les dix signataires de la proposition de loi de Mme Jang, seuls deux appartiennent au Parti démocrate, dont le soutien est pourtant capital.

Les militants féministes accusent le Parti démocrate d’avoir laissé tomber la cause des femmes. Au moins trois poids lourds de cette formation sont ou ont été mis en cause dans des affaires de harcèlement sexuel, parmi lesquels le maire de Séoul Park Won-soon, qui s’est suicidé il y a deux semaines.

Ses obsèques se sont déroulées sur fond de polémique, un demi-million de personnes dénonçant dans une pétition l’importante cérémonie organisée par la municipalité.

Mme Jang fut une des deux parlementaires à déclarer publiquement qu’elle n’assisterait pas à ces funérailles, en appelant au contraire les autorités à agir contre le sexisme.

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