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les Tigréens défient le pouvoir fédéral en élisant leur Parlement régional

Jeunes étudiants et anciens combattants en chaise roulante se sont mêlés mercredi à la foule des électeurs du Tigré, dans le Nord de l’Ethiopie, venus désigner leur Parlement régional, un scrutin qui défie l’autorité du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed.

Considéré comme illégal par Addis Abeba, qui a reporté pour cause de coronavirus tous les scrutins prévus en Ethiopie, ce vote constitue le dernier défi en date pour le pouvoir central, qui fait face à de profondes divisions politiques et ethniques à travers le pays et dont la relation avec le Tigré est au plus bas.

Après la fermeture des bureaux de vote à 18H00 (15H00 GMT) le commissaire régional aux élections, Muluwork Kidanemariam, a annoncé un taux de participation de 98 %, sur plus de 2,6 millions d’électeurs inscrits. « Maintenant nous allons devoir compter toute la nuit pour avoir les résultats d’ici demain » (jeudi), a-t-il déclaré à l’AFP.

Le Tigré, région montagneuse frontalière de l’Erythrée et du Soudan, a dominé la politique éthiopienne pendant près de trois décennies, avant que des manifestations antigouvernementales ne débouchent sur l’arrivée au pouvoir de M. Abiy en 2018.

L’Ethiopie devait tenir des élections au niveau national en août. Mais en mars, la Commission électorale les a repoussées sine die en raison de la situation sanitaire.

La prolongation, votée par le Parlement fédéral, du mandat des députés – nationaux et régionaux -, qui devait expirer en octobre, a été rejetée par les leaders tigréens. Ceux-ci ont décidé de tenir unilatéralement des élections.

Cette décision a provoqué le courroux de l’Etat fédéral qui estime le scrutin « sans base légale » et « nul et non avenu ».

A Mekele, la capitale régionale, les électeurs qui patientaient dans les files d’attente soutenaient leurs dirigeants.

« Nous voulons que le gouvernement fédéral tire une leçon de ce qui se passe: ils doivent tenir des élections aussi, afin que nous puissions travailler ensemble pour construire le pays », a déclaré Hailay Haileselassie, 37 ans, qui travaille dans une entreprise de construction.

– « Fruit de la lutte » –

Plus de 600 candidats appartenant à cinq partis politiques concourent pour 152 sièges au Parlement régional. Ces partis discuteront ensuite de la répartition des 38 autres sièges.

Le grand favori est le Front de libération des peuples du Tigré (TPLF), qui a mené la lutte armée contre le régime communiste du Derg jusqu’à la chute de ce dernier en 1991 et qui a dirigé ensuite la coalition au pouvoir durant plus d’un quart de siècle.

Mis sur la touche par le gouvernement d’Abiy Ahmed, le TPLF reste aux commandes dans son fief du Tigré, qui représente environ 6% de la population éthiopienne (110 millions d’habitants).

Hailu Kiros, 62 ans, en chaise roulante, faisait partie des nombreux anciens combattants du TPLF qui, mercredi matin, attendaient leur tour pour voter.

« Nous nous sommes battus pour cela, pour que des élections puissent se tenir tous les cinq ans », a-t-il expliqué à l’AFP.

Une représentante de la nouvelle génération, Tsige Selemon, une ouvrière du secteur textile qui votait pour la première fois, estimait également devoir ce droit de vote au TPLF. « C’est le fruit de leur lutte », a-t-elle dit.

Le parti n’a jusqu’ici pas appelé à la sécession, mais l’une des quatre autres formations en lice, le Parti pour l’indépendance du Tigré défend lui la partition.

Girmay Berhe, son président, a déclaré à l’AFP que le vote semblait bien se dérouler, même s’il s’inquiète d’avoir reçu des rapports concernant des « irrégularités » dans les zones rurales.

« Beaucoup d’électeurs sont illettrés et des gens votent en leur nom. Et honnêtement ils votent pour le parti en place », dit-il et « dans certains cas nos observateurs ne sont pas autorisés à accéder au bureau de vote. »

Les élections au Tigré menacent d’affaiblir le Premier ministre alors que son gouvernement peine à contrôler les violences ethniques dans sa région d’origine, l’Oromia.

Reste à savoir si Addis Abeba se lancera dans des représailles contre le Tigré après ces élections. Abiy Ahmed, lauréat du prix Nobel de la Paix 2019, avait précédemment écarté une intervention militaire ou des coupures budgétaires.

Mais dans une interview à la télévision d’Etat à la veille du scrutin il a réaffirmé que celui-ci n’aurait aucune légitimité, promettant aux futurs élus un sommeil troublé.

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