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La Guinée se prépare à une présidentielle sous tension, test pour la démocratie

Plus de 5,4 millions de Guinéens sont appelés à choisir leur président dimanche, épilogue d’un an de divisions meurtrières autour d’un éventuel troisième mandat d’Alpha Condé et prélude à un cycle électoral en Afrique de l’Ouest scruté anxieusement par les défenseurs de la démocratie.

Le premier tour de la présidentielle guinéenne se tient dans un climat de tension et d’inquiétude alimenté par la contestation contre le candidature de M. Condé, élu en 2010 et réélu en 2015, par une campagne vindicative et fiévreuse, et par le passé de confrontation politique violente qui est celui de la Guinée.

Les jours précédant le vote ont été émaillés d’attaques personnelles, d’incidents et d’obstructions, et de heurts qui ont fait plusieurs blessés entre militants des deux principaux concurrents, M. Condé et Cellou Dalein Diallo.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, un officier a été tué dans l’enceinte du camp militaire de Kindia, à une centaine de kilomètres de la capitale, et vendredi matin, les forces de sécurité ont bloqué sans explication l’accès au centre de Conakry.

Autant de raisons pour beaucoup de Guinéens d’envisager avec préoccupation le vote de dimanche et plus encore ses lendemains, si les résultats sont serrés ou si l’opération donne lieu à des soupçons de fraude.

Les électeurs sont invités à choisir entre 12 prétendants. Sauf surprise, la compétition reviendra à une troisième manche entre M. Condé et M. Diallo, adversaires en 2010 et 2015.

C’est l’affrontement de deux acteurs anciens de la scène guinéenne, aux styles diamétralement opposés. L’un, policé (Diallo), assure que son heure est arrivée. L’autre, plus frontal (Condé), ne juge aucun de ses adversaires à la hauteur.

– « Que des promesses » –

Des Guinéens interrogés par l’AFP, supporteurs ou non de M. Diallo, expriment leur exaspération. Leur pays est l’un des plus pauvres du monde, malgré d’immenses ressources minières et hydrologiques.

« En 10 ans, Alpha Condé n’a rien fait. Que des promesses. Quand tu vois le pays… pas de route, pas d’hôpitaux, pas d’école. La vie est tellement difficile », dit Aminata Barry, 36 ans, supportrice de M. Diallo.

Ex-Premier ministre, il a drainé les foules jeudi pour son retour à Conakry et ne prévoyait pas d’événement pour le dernier jour de la campagne, qui s’achève vendredi à minuit. L’annonce des résultats devrait prendre plusieurs jours. Un second tour aurait lieu le 24 novembre.

A contrario, des milliers de personnes se sont pressées vendredi dans le grand stade du 28-Septembre de Conakry, pavoisé de jaune, la couleur du parti au pouvoir, pour le dernier grand meeting du président sortant, placé sous haute sécurité.

« C’est lui que nous avons choisi, lui n’est pas prêt à nous laisser mourir », lance l’une des animatrices à travers les haut parleurs surdimensionnés, dans une clameur permanente que recouvre à grand peine une musique assourdissante.

« Malgré son âge, c’est lui que nous voulons pour l’avenir de notre jeunesse », affirme Sékou Diakaté, 47 ans, juriste. « Il a créé la mutuelle pour les femmes, développé l’agriculture, les mines, il a réformé et féminisé l’administration », énumère Sona Baro, 50 ans, enseignante d’anglais, pour qui ce bilan est juste « énorme ».

En milieu d’après-midi, Alpha Condé apparaît en boubou blanc au sein d’un cortège de pick-ups. Il effectue un tour de piste en saluant la foule et en boxant des poings à travers le toit ouvrant, pendant que ses supporters dansent et lancent des slogans et chants quasiment incantatoires à sa personne, selon un journaliste de l’AFP.

M. Condé a fait modifier la Constitution en mars pour, dit-il, moderniser le pays. Elle lui permet de briguer un troisième mandat parce que les pendules présidentielles seraient remises à zéro.

– Reculs démocratiques –

La candidature de M. Condé a fait descendre depuis un an des milliers d’opposants dans la rue. La protestation, sévèrement réprimée, a coûté la vie à des dizaines de civils.

Les défenseurs des droits humains dénoncent la dérive selon eux de cet ancien opposant historique, devenu en 2010 le premier président démocratiquement élu après des années de régimes autoritaires.

Lui fustige les partis pris de ses détracteurs et impute à ses adversaires la responsabilité des violences.

Il revendique d’avoir redressé un pays qu’il avait trouvé en ruines, à coups de grands chantiers et de réformes destinées à vaincre la réticence des investisseurs à s’engager dans un environnement d’infrastructures défaillantes et de corruption répandue.

Il se targue d’avoir fait avancer les droits humains et promet de faire de la Guinée « la deuxième puissance (économique) africaine après le Nigeria ».

A la suite des Guinéens, des millions d’Africains de l’Ouest sont appelés à élire leur président d’ici à fin 2020, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Ghana et au Niger.

La présidentielle du 31 octobre s’annonce à hauts risques elle aussi en Côté d’Ivoire, où le sortant Alassane Ouattara postule également à un troisième mandat.

Au-delà du spectre de la présidence à vie, les défenseurs de la démocratie s’alarment des reculs de leur cause dans une Afrique de l’Ouest jugée autrefois pionnière sur le continent.

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