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Les Guinéens choisissent leur président après une contestation meurtrière

Les Guinéens sont allés voter dimanche pour choisir leur prochain président, dans le calme mais aussi l’inquiétude de lendemains électoraux agités au moment de l’annonce des résultats, après des mois de contestation meurtrière contre un troisième mandat controversé du chef de l’Etat sortant Alpha Condé.

M. Condé, costume clair et masque sur le visage, a voté dans une école pour sourds à quelques centaines de mètres de sa résidence officielle de Conakry.

Il a souhaité que l’élection soit « libre, démocratique et transparente » et a appelé « tous les candidats à éviter tout acte de violence ».

Cette élection se déroule dans un climat de crispation qui fait redouter des troubles, dans un pays accoutumé à ce que les antagonismes politiques fassent couler le sang.

Le principal rival du président, Cellou Dalein Diallo, en boubou blanc et portant lui aussi un masque sur le nez et la bouche au moment du vote, a demandé à « tous (ses) partisans de faire preuve de retenue et de responsabilité ».

Il a toutefois accusé le parti au pouvoir de vouloir fausser l’élection.

– « Inquiétudes pour la paix » –

« La stratégie aujourd’hui qui est en train d’être élaborée, hélas, de l’autre côté, c’est comment tricher. Parce que M. Alpha Condé ne peut pas renoncer à son désir de s’octroyer une présidence à vie », a dit M. Diallo, qui ne veut pas revivre ses échecs de 2010 et 2015.

« J’ai d’énormes inquiétudes pour la paix et pour la cohésion si M. Alpha Condé essaye de s’emparer par la ruse et la violence du pouvoir. Ce ne sera pas acceptable pour nos partisans et pour les patriotes guinéens qui auront voté pour l’alternance », a ajouté le chef de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG).

Pendant des mois, l’opposition s’est mobilisée contre la perspective d’un troisième mandat de M. Condé. La contestation, lancée en octobre 2019, a été durement réprimée. Des dizaines de civils ont été tués.

Le nombre de mandats présidentiels est limité à deux. Mais pour M. Condé, la Constitution qu’il a fait adopter en mars pour, dit-il, moderniser le pays remet son compteur à zéro.

L’opposition a remis en cause la légitimité de cette Constitution, mais M. Diallo a néanmoins décidé de participer à la présidentielle.

Menée à coups de grands meetings fiévreux, la campagne a été émaillée d’invectives, d’incidents et d’obstructions, et de heurts qui ont fait plusieurs blessés entre militants. L’importance des appartenances ethniques ajoute à la volatilité de la situation.

– « On veut la paix » –

Le ministère de l’Intérieur s’est réjoui à la mi-journée que « tous les bureaux de vote ont été ouverts » à l’heure prévue et de la « forte mobilisation », relevant quelques incidents mineurs, notamment à la frontière avec la Guinée-Bissau.

« De manière générale, les choses se déroulent normalement et sans incident », a dit à l’AFP le ministre de l’Intérieur, Albert Damantang Camara, en relevant « des petits problèmes avec la distanciation sociale par rapport à la Covid ».

Mais il s’est déclaré « inquiet des déclarations du leader de l’UFDG, qui disait que, s’il ne gagnait pas, il ne reconnaîtrait pas les résultats et n’appellerait pas à l’apaisement ». Il a souhaité que M. Diallo revienne « rapidement à la raison ».

« On veut la paix, pas la bagarre », confiait pour sa part Mohamed Fode Camara, un électeur du quartier de Kaloum, en disant « craindre le jour de la proclamation des résultats ».

Les bureaux de vote doivent rester ouverts jusqu’à 18H00 (GMT et locales). La publication d’un résultat national devrait prendre quelques jours au moins et un éventuel second tour est programmé le 24 novembre.

Le ministère de la Sécurité a prévenu qu’il était « interdit » à quiconque d’autre que les institutions « reconnues » de publier un résultat.

– « Tourner la page » –

Douze candidats et candidates sont en lice pour diriger ce pays de 12 à 13 millions d’habitants, parmi les plus pauvres du monde malgré ses immenses ressources naturelles.

L’issue devrait toutefois se jouer entre Alpha Condé, 82 ans, et Cellou Dalein Diallo, 68 ans. L’un sanguin, l’autre policé, ils s’étaient affrontés en 2010, premières élections jugées démocratiques après des décennies de régimes autoritaires, puis en 2015.

Ancien opposant historique devenu en 2010 le premier président démocratiquement élu après des années de régimes autoritaires, Alpha Condé revendique d’avoir redressé un pays qu’il avait trouvé en ruines et d’avoir fait avancer les droits humains.

M. Diallo propose de « tourner la page cauchemardesque de 10 ans de mensonges », fustigeant répression policière, corruption, chômage des jeunes et pauvreté.

Le recours aux distorsions électorales ou aux modifications constitutionnelles figure parmi les reculs de la démocratie constatés par ses défenseurs ces dernières années en Afrique de l’Ouest, autrefois jugée pionnière.

Dès le 31 octobre, la présidentielle en Côte d’Ivoire, où le sortant Alassane Ouattara postule également à un troisième mandat, s’annonce elle aussi à hauts risques. Des présidentielles sont également prévues d’ici à fin 2020 au Burkina Faso, au Ghana et au Niger.

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