La vague monte, et l’exécutif prépare de possibles restrictions pour les Français jusqu’au printemps: la prolongation de l’état d’urgence sanitaire va être passée au crible samedi à l’Assemblée nationale, où les oppositions critiquent l’utilisation au long cours de cette « arme atomique ».
Pour ce texte présenté mercredi en Conseil des ministres et examiné au Palais Bourbon en première lecture au pas de charge, les députés sont prêts à siéger jusqu’à dimanche soir, dans un hémicycle où leur présence est limitée à 50% en raison de l’épidémie de coronavirus.
Le gouvernement vient d’élargir le couvre-feu à 54 départements et à la Polynésie, soit 46 millions de Français concernés. Pour appliquer cette mesure, il se fonde sur l’état d’urgence sanitaire, rétabli par décret depuis une semaine sur l’ensemble du territoire.
Ce régime d’exception avait été appliqué déjà entre mars et début juillet pour la première vague de coronavirus, et avait permis le confinement de la population ou des limitations drastiques des déplacements.
Or au-delà d’un mois, la prorogation de ce régime doit être autorisée par la loi. D’où ce texte, qui prévoit un terme au 16 février au soir prochain, mais aussi des restrictions encore possibles jusqu’au 1er avril.
Le projet de loi sera au menu du Sénat dès mercredi et devrait être adopté définitivement début novembre.
Face à l’épidémie qui « a flambé dans l’immense majorité de notre pays », comme le constate le ministre de la Santé Olivier Véran, l’exécutif met en oeuvre une « riposte graduée et territoriale ».
Jeudi, le Premier ministre Jean Castex a semblé préparer les esprits à des temps plus difficiles encore: si l’épidémie n’est pas jugulée, le gouvernement devra « envisager des mesures beaucoup plus dures », a-t-il dit, alors que plusieurs pays, tel l’Irlande, viennent de décider des reconfinements.
– « Blanc seing » –
Dans le détail, le projet de loi prévoit une prolongation pour trois mois de l’urgence sanitaire, qui pourra toutefois être levée par anticipation en cas d’amélioration de la situation.
Pour disposer de « facultés d’intervention » au-delà, un régime de sortie d’urgence est programmé jusqu’au 1er avril, permettant des restrictions mais moindres. La période comprend les élections régionales et départementales, un sujet sensible.
L’article 3 est la traduction de la stratégie « tester, tracer, isoler », fait valoir le rapporteur Jean-Pierre Pont (LREM), avec la prolongation jusqu’au 1er avril des systèmes numériques de collecte des résultats des tests et des personnes contacts.
Enfin, le projet de loi doit permettre d’habiliter très largement le gouvernement à prendre des ordonnances dans les domaines du droit du travail, du fonctionnement des administrations et encore des collectivités, comme au printemps dernier. En commission, les députés ont cependant réduit la période d’habilitation.
Car si la plupart des groupes politiques soutiennent la prolongation de l’état d’urgence sanitaire, ils déplorent qu’elle soit si longue et refusent de donner un « blanc seing » au gouvernement.
« Nous sommes prêts à nous ranger derrière l’unité nationale » mais « elle se fabrique par le débat régulier », souligne le communiste Stéphane Peu.
Mais, répond-on chez LREM, la durée est « adaptée et proportionnée », alors que l’hiver s’annonce « difficile », dans l’attente d’un vaccin contre le coronavirus.
Les députés LR mettent en doute la nécessité à ce stade de l’état d’urgence sanitaire, qui est « l’arme atomique » selon les mots de Philippe Gosselin. L’objectif est-il « le confinement généralisé »? « Le gouvernement doit mettre cet élément sur la table », réclame-t-il.
Même au sein de la majorité, des interrogations se font jour, comme chez Agir où Dimitri Houbron a évoqué en commission la « crainte d’une érosion de l’acceptabilité sociale » des mesures prises par le gouvernement, du couvre-feu aux fermetures de certains établissements.
Les Insoumis n’ont pas « confiance dans la gestion du gouvernement » au vu de la première vague et pourraient voter contre la prorogation. Entre les « retards » au démarrage et « la pénurie des masques, les stratégies de dépistages », il y a eu « plus que des cafouillages », selon Danièle Obono, qui en appelle à « plus de rigueur, de cohérence, d’anticipation pour les prochains mois ».
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