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Ce qu’il faut savoir sur l’escalade du conflit en Ethiopie

Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a lancé il y a 12 jours une offensive militaire contre la région dissidente du Tigré (Nord), qui a déjà fait des centaines de morts et poussé des milliers de personnes à fuir vers le Soudan.

– Que s’est-il passé jusqu’ici ?

Le 4 novembre, M. Abiy a accusé le Front de libération des Peuples du Tigré (TPLF), au pouvoir dans cette région du nord du pays, d’avoir franchi la « ligne rouge » en attaquant sur place deux bases de l’armée fédérale, justifiant une riposte militaire.

Le TPLF a à son tour accusé le Premier ministre d’avoir inventé cette histoire pour justifier son intervention, qualifiée d' »invasion ».

Le blackout imposé sur la région et les restrictions aux déplacements des journalistes rendent impossible de vérifier les affirmations de l’un et l’autre camp.

Depuis, l’aviation éthiopienne a mené plusieurs raids, visant selon le gouvernement des objectifs militaires, tels des dépôts d’armes et de carburant.

Les combats se sont concentrés dans l’ouest du Tigré, sous contrôle de l’armée fédérale selon M. Abiy.

Dimanche, des médias d’Etat ont fait état de la prise d’Alamata, une localité du sud-est de la région.

Le bilan humain est difficile à établir.

Le gouvernement a affirmé avoir tué plus de 500 combattants du TPLF tandis qu’un « massacre » ayant « probablement » fait des centaines de victimes civiles a eu lieu selon Amnesty International à Mai-Kadra (sud-ouest). Il pourrait constituer un « crime de guerre » selon l’ONU.

Selon des témoins cités par Amnesty, les responsables seraient des forces loyales au TPLF et certaines victimes sont originaires d’Amhara, région située au sud du Tigré, avec qui les tensions communautaires sont récurrentes.

Le président du Tigré, Debretsion Gebremichael, a démenti toute implication des troupes du TPLF dans ce massacre.

Question toujours sans réponse depuis le début des hostilités : qui contrôle le Commandement Nord de l’armée fédérale, installé au Tigré et richement doté en équipements militaires?

Le TPLF affirme qu’il a rejoint la cause tigréenne, ce que dément Addis Abeba.

– Pourquoi le Tigré compte?

Situé dans l’extrême Nord de l’Ethiopie, le Tigré est un des dix Etats semi-autonomes qui forment la fédération éthiopienne, organisée sur des bases ethniques.

Bordé à l’ouest par le Soudan et au nord par l’Erythrée, il abrite essentiellement des Tigréens, qui constituent 6% de la population éthiopienne (plus de 110 millions de personnes).

A partir de 1975, la rébellion tigréenne du TPLF a mené la lutte contre le régime militaro-marxiste du dictateur Mengistu Haïlé Mariam, qui tombe en 1991.

Le TPLF a dominé ensuite la coalition qui régna sans partage sur l’Ethiopie jusqu’à ce que Abiy Ahmed, issu de la plus grande ethnie du pays, les Oromo, devienne Premier ministre en 2018.

Les Tigréens, qui occupèrent une place prédominante dans l’armée éthiopienne, furent également en première ligne dans la guerre entre 1998 et 2000 contre l’Erythrée, déclenchée notamment pour des différends territoriaux.

La guerre fut officiellement déclarée terminée en 2018, à l’initiative d’Abiy Ahmed, ce qui lui a valu son prix Nobel l’année suivante.

Depuis l’arrivée de M. Abiy, les dirigeants tigréens se plaignent d’avoir été progressivement écartés à la faveur de procès pour corruption ou de remaniements de l’appareil sécuritaire.

En 2019, le TPLF est de facto passé dans l’opposition en refusant la fusion de la coalition au pouvoir en un seul parti, le Parti de la Prospérité, voulue par M. Abiy.

En septembre, le Tigré a organisé ses propres élections, défiant le gouvernement qui avait reporté tous les scrutins en raison du Covid-19.

Addis Abeba considère désormais illégal le gouvernement régional du Tigré, qui à son tour ne reconnaît pas de légitimité au Premier ministre.

Comment le conflit s’est-il étendu ?

Le chef de l’armée Berhanu Jula avait affirmé que le conflit ne s’étendrait pas au-delà du Tigré. Ce n’est plus le cas.

Des milliers de miliciens amhara ont déjà rejoint le Tigré pour y appuyer l’armée fédérale éthiopienne. Vendredi soir, le TPLF a tiré des roquettes sur deux aéroports de la région Amhara.

L’Erythrée, ennemi juré du TPLF, a également été impliquée dans ce conflit lorsque les forces tigréennes ont tiré samedi des roquettes sur la capitale, Asmara.

Le TPLF accuse l’armée éthiopienne d’utiliser l’Erythrée pour y faire passer ses troupes ou décoller ses avions, et affirme que l’armée érythréenne participe directement à des combats au sol au Tigré – ce que l’Ethiopie dément.

Ce conflit risque de déstabiliser la mosaïque de peuples qu’est l’Ethiopie, théâtre de multiples violences entre communautés ces dernières années.

Déjà, l’opération militaire entraîne une crise humanitaire : au moins 25.000 Ethiopiens ont fui au Soudan voisin, et, sur place, de très nombreux Tigréens n’ont accès à aucune assistance.

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