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RETOUR SUR – Il y a 5 ans, Babacar Gueye était tué par la police à Rennes

En décembre 2015, Babacar Gueye, Sénégalais de 27 ans, est tué de cinq balles par un policier de la Bac à Rennes. Tirs précipités sur un homme en détresse? Légitime défense face à un homme armé d’un couteau? Cinq ans après, sa sœur Awa lutte pour obtenir « vérité et justice ».

Sourire franc, longues tresses, Awa Gueye, 44 ans, reçoit dans son trois pièces vêtue d’un sweat-shirt noir « Justice pour Babacar, assassiné par la police à Rennes ». Sur les murs, des dizaines d’autocollants contre le racisme et les violences policières, luttes que la Sénégalaise, analphabète et sans autre famille que son fils de 13 ans, a épousées depuis la mort de son frère.

Dans la nuit du 2 au 3 décembre 2015, Babacar, sans papiers, arrivé en France un an auparavant, fait une crise d’angoisse chez Gabriel, l’ami qui l’héberge. « Il désespérait à cause de sa situation administrative et disait avoir vu apparaître, les jours précédents, sa maman décédée », raconte Gabriel.

Babacar se réveille, se taillade le torse avec un couteau de table, blesse son ami qui tente de l’en empêcher puis s’excuse.

Gabriel appelle les pompiers, la police arrive. « Ils étaient huit policiers, lui demandent de poser son couteau mais il n’obéissait pas, il était dans son délire », se souvient Gabriel.

Les policiers tentent de le maîtriser avec un taser défectueux, un autre manque sa cible. Babacar sort sur le palier du 7e étage, couteau en main. Seuls témoins du drame, deux des policiers montent plus haut. Babacar les suit. Un policier tire une balle létale dans l’abdomen, mais Babacar se relève, selon ce policier, qui l’atteindra de quatre autres balles au 9e étage.

« Il n’était pas lui-même, il faisait peur, mais je ne l’ai pas vu menacer les policiers », assure Gabriel, un ancien militaire, avant d’ajouter: « Les policiers ont paniqué. Sans doute que s’il avait été blanc, ils auraient négocié pour récupérer le couteau ».

– « On doit avoir un procès » –

Après avoir enterré son frère au Sénégal, Awa apprend que l’enquête a été classée. Elle dépose plainte et obtient début 2017 l’ouverture d’une information judiciaire pour « homicide volontaire ».

En juin 2019, le policier est placé sous statut de témoin assisté et le 24 septembre dernier une reconstitution est organisée. Elle « a démontré que les deux fonctionnaires avaient été en danger, un danger exposant leur intégrité physique. M. Gueye était comme aimanté par mon client, fonçait sur lui et s’est relevé après avoir reçu une balle », souligne Me Frédéric Birrien, l’avocat du policier, un homme « expérimenté, jamais mal noté ».

Interrogé, le procureur Philippe Astruc indique qu’il conclura à la légitime défense, le policier s’étant retrouvé « acculé dans un escalier extrêmement étroit », et « n’ayant d’autre choix que de faire usage de son arme ». « Le magistrat instructeur vient de terminer ses investigations, c’est une étape importante car c’est la plus longue », a-t-il ajouté ce vendredi. Le parquet dispose ensuite de trois mois pour prendre ses réquisitions.

Mais pour Awa, qui s’est fabriqué une maquette de la cage d’escalier pour mieux comprendre, reproduisant traces de sang et impacts de balles, « quelque chose ne colle pas ».

« Pourquoi le corps a-t-il été retrouvé sur un palier intermédiaire s’il s’est effondré au 9e étage? Pourquoi quatre balles tirées sur le côté et une dans la fesse? », s’interroge-t-elle, rappelant que ni alcool ni drogue n’ont été retrouvés chez son frère, mais que le scellé de l’arme a été « détruit par erreur ».

« Il y a des incohérences entre la version du policier et l’expertise balistique », estime Lucie Simon, son avocate, qui conteste la légitime défense. « Il y a dans les propos des policiers la construction d’une figure déshumanisante à base de préjugés racistes », poursuit-elle.

S’il admet « quelques imprécisions liées aux capacités mémorielles évanescentes », Frédéric Birrien estime, lui, que « cela ne modifie en rien le périmètre du dossier ».

Avec son collectif de soutien, Awa prépare un hommage le 5 décembre. « Quand la police assassine, on doit avoir un procès. Babacar était normal, il faisait son foot, son jogging, n’avait jamais fait de crise. Je ne vais pas lâcher », lance-t-elle.

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