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Dans le corridor de Latchin, les convois militaires de Bakou se succèdent

Au coeur de la nuit froide enveloppée dans un brouillard épais, le convoi militaire aux couleurs de l’Azerbaïdjan traverse lentement le centre désert de la ville de Latchin, encadré par des forces de la paix russes.

L’armée de Bakou vient officiellement d’entrer dans la nuit de lundi à mardi dans ce district, à l’ouest du Nagorny Karabakh, le dernier des trois rétrocédés par l’Arménie, selon l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre parrainé par Moscou.

Le convoi d’une douzaine de camions bâchés, avec quelques troupes, sans armes apparentes, est imposant mais discret: les drapeaux ne flottent pas, ils sont ceints sur les mats.

La colonne avance jusqu’au début du corridor de Latchin, à la frontière arménienne, puis disparaît sur une petite route qui remonte vers le nord-ouest du district, vidé de ses habitants et désormais le sien.

Seuls un 4X4 et un camion azerbaïdjanais, avec soldats, fait demi-tour et remonte vers la ville de Latchin (Berdzor en arménien), toujours sous surveillance de 4X4 russes.

L’équipée s’arrête 2 km avant le centre-ville et pénètre dans la cour d’un bâtiment abritant le centre des impôts.

Les Russes bloquent la route, le temps d’une photo officielle pour les nouveaux conquérants. Celle d’une dizaine de soldats au garde à vous devant le drapeau flottant sur le toit du bâtiment, marquant ainsi leur prise du district de Latchin.

Mardi vers 10H00, sous le soleil, ils ont répété la même rapide opération de communication à cet endroit. Cette fois le drapeau a été dressé au bord de la route, pour photographier et filmer de jour le passage d’un autre convoi, au milieu duquel se trouvait un haut gradé azerbaïdjanais dans un 4X4. Là encore, sous escorte russe.

La ville s’était vidée jusqu’à lundi en fin de journée de la majorité de ses habitants. Ceux qui sont restés veulent croire en des jours meilleurs.

– ‘Nous resterons’ –

« Nous resterons ici et nous vivrons ici », assure Vachen Sargsyan, un agriculteur de 35 ans, même si personne aujourd’hui ne peut dire officiellement quel sera le statut de la cité, située au coeur du corridor, unique lien de vie entre le Nagorny Karabakh et l’Arménie.

« Tout va bien, je n’ai aucune crainte, tout va bien se passer. Il y a et il y aura des difficultés, mais nous allons les dépasser », ajoute l’homme.

Sur la grande place de Latchin, le dispositif des forces de la paix a été renforcé, notamment pour fluidifier la circulation ou la bloquer au passage des militaires azerbaïdjanais.

Au passage du véhicule transportant le général commandant les forces russes qui file vers la frontière arménienne, les soldats se raidissent dans un impeccable garde à vous.

Vers 13H00, un troisième convoi d’une vingtaines de camions transportant des troupes azerbaïdjanaises file aussi vers la frontière. Toujours sous escorte. Des soldats lèvent le pouce au passage devant quelques habitants.

Comme pour Latchin, le statut du village d’Aghavno, situé au bout du corridor près de la frontière arménienne, est incertain.

Certains habitants sont partis mais neuf familles sont restées, sur la cinquantaine qui y résidaient.

Comme Narine Rasoyan, 34 ans, et sa soeur Karine, 37 ans. La première, enceinte, a cinq enfants, et la seconde deux.

« Personne n’est jamais venu nous voir ici pour nous dire de partir. Officiellement on nous disait ne partez pas, mais officieusement on nous disait de partir », dit Narine, en colère contre les autorités.

Pour elle, l’arrivée des Azerbaïdjanais « ne change rien. Je suis curieuse de voir s’ils vont venir. Et puis il y a les Russes de toute façon », juge-t-elle.

« Nous voulons continuer à vivre ici. Si les autorités nous forcent à partir alors qu’ils nous donnent une maison ailleurs, nous n’avons rien d’autre », ajoute Karine.

Dans le village il n’y a plus d’électricité, d’internet ni de réseau téléphonique depuis quelques jours. Les deux soeurs accusent les Azerbaïdjanais.

« Si les Turcs (ndlr, comme les Arméniens nomment souvent les Azerbaïdjanais) viennent pour nous chasser, comment allons-nous faire pour appeler quelqu’un », s’inquiète la plus âgée.

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