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les dégâts du confinement sur le niveau des collégiens

Depuis des années, de nombreux profs le disent: ils sont « en première ligne ». En première ligne et parfois démunis, dans leur salle de classe, pour assurer leur mission. Quatre enseignants de collège public ont accepté de confier, chaque semaine, leur expérience de terrain à l’AFP.

A l’approche de la fin du trimestre, ils esquissent un premier bilan du confinement et de l’enseignement à distance sur le niveau scolaire de leurs élèves, déplorant un manque de moyens durables pour « raccrocher les wagons ».

– Résultats de lecture « inquiétants » –

Camille, 39 ans, enseigne l’histoire-géographie dans un collège classé REP+ d’une petite ville des Yvelines:

Après le confinement, « les élèves étaient très contents de reprendre les cours. Mais leurs acquis sont loin d’être satisfaisants, même si une large partie du programme a été vue en distanciel.

Nous avons pu mesurer les conséquences sur les classes de 6e qui ont passé le test national de fluence: les élèves devaient lire un texte identique en un temps donné.

Le nombre de mots lus sur ce temps imparti indiquait si les acquis attendus en début de collège étaient validés. La compréhension du texte n’était pas testée, il s’agissait juste de lire. Dans toutes les classes de 6e, au moins dix élèves n’ont pas réussi à lire le minimum attendu. C’est assez inquiétant.

Le collège a aménagé les emplois du temps: les élèves finissent plus tôt afin de pouvoir suivre des heures de soutien.

Néanmoins, les heures allouées par l’Education nationale sont insuffisantes et il nous manque un assistant pédagogique. Mes élèves de 3e ne peuvent bénéficier que d’une heure de soutien tous les quinze jours. »

– « Alléger les programmes » –

Céline, 45 ans, professeure d’histoire-géo dans un collège REP+ d’une ville moyenne du Haut-Rhin:

« Une proportion non négligeable de mes élèves ne parle pas français à la maison, et pour certains ils n’ont pas parlé français pendant longtemps lors du premier confinement. Il faut donc reposer un certain nombre de règles d’orthographe ou de grammaire.

On a aussi bien vu la fracture numérique. Dans notre quartier, il n’y a pas d’ordinateur dans certaines familles. Parfois, le seul outil qui reliait les élèves à +Pronote+ (logiciel de vie scolaire, ndlr) c’était un smartphone, et c’est très compliqué quand toute une famille fait ses devoirs avec un smartphone.

L’Education nationale n’en fait pas assez pour raccrocher les wagons: des syndicats ont demandé d’alléger les programmes pour étudier un moins grand nombre de chapitres, mais mieux. Pour le moment, ça a été refusé. »

– Perte « des habitudes de travail » –

Marie, 44 ans, professeure de français dont le prénom a été modifié, exerce dans une grande ville d’Ille-et-Vilaine:

« Les élèves, et pas seulement ceux en difficulté, ont perdu des habitudes de travail, certains automatismes comme souligner un titre ou prendre un crayon.

Pendant le confinement, des inégalités ont été amplifiées. Certains avaient leurs parents qui les aidaient, d’autres pas du tout. On a l’impression que certains élèves n’ont pas touché un cahier depuis six mois.

Pour ce deuxième confinement, le ministre nous indique que tout le monde doit aller à l’école: c’est une façon de régler le problème.

Mais certains niveaux ont encore des classes à 30. Le professeur ne peut pas s’attacher à un élève en particulier, ce qui pourrait être possible avec une classe dédoublée ou un effectif de 25.

Régler les inégalités, je suis pas sûre que ce soit vraiment la priorité de l’Education nationale. »

– « On dirait que rien n’a bougé » –

Philippe, 54 ans, enseigne l’histoire-géographie dans un village du Puy-de-Dôme:

« J’estimais que ce serait peut-être difficile pour une partie de mes élèves de se remettre à accepter des contraintes d’attitude, d’horaires, de quantité de travail. Finalement, je ne vois pas d’élèves complètement démotivés plus que d’ordinaire. Quant aux notes et compétences, on dirait que rien n’a bougé.

Les inégalités scolaires s’accroissent quand on observe un temps assez long. Je vois bien qu’un fossé se creuse entre des élèves ayant compris les attentes de la scolarité et d’autres qui ne veulent, ou ne peuvent pas faire mieux.

Il faut que les dispositifs de l’Education nationale pour réduire les inégalités s’installent dans la durée pour faire leur preuve.

Si je prends +devoirs faits+ (dispositif de soutien scolaire instauré en 2017, ndlr), mon collège dispose d’une enveloppe budgétaire suffisante pour rémunérer de nombreuses heures.

Ce qui bloque, c’est que ce soit placé en plus de la journée pour les élèves, que les adultes doivent être volontaires et que du sens visible soit donné au fait d’y participer. Je me demande s’il ne faudrait pas l’inclure dans l’emploi du temps des enseignants pour mobiliser plus d’adultes et dans celui des élèves pour en toucher davantage. »

clw-bdx-aag-cca/pa/sp

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