in

Massacre d’agriculteurs par Boko Haram au Nigeria: Ce que l’on sait

Le massacre d’au moins 76 agriculteurs samedi dans le nord-est du Nigeria met en exergue la défaillance de l’armée nigériane à protéger les communautés rurales prises pour cible par les groupes jihadistes au moment même où se profile une grave crise alimentaire.

Samedi, des dizaines d’hommes armés appartenant au groupe Boko Haram ont attaqué des rizières situées à une dizaine de kilomètres de Maiduguri. Là, ils ont attaché les ouvriers agricoles avant de les égorger.

Voici ce que l’on sait de cette sanglante attaque, considérée comme « la plus violente » menée contre des civils cette année, selon l’ONU.

Que s’est-il passé ?

Samedi en début d’après-midi, une quarantaine d’assaillants, munis de machettes et d’armes, ont rassemblé une soixantaine d’ouvriers agricoles devant une maison abandonnée du village de Koshobe, selon les témoignages de deux survivants recueillis par l’AFP.

Ils ont d’abord mis de côté les personnes âgées, puis ils ont égorgé 43 jeunes. Les assaillants se sont ensuite dirigés vers les rizières, où ils « se sont livrés à une folie meurtrière, saisissant des ouvriers, les ligotant et leur tranchant la gorge », raconte l’un des survivants, âgé de 24 ans.

Selon les autorités, au moins 76 corps ont été retrouvés. Mais le nombre de victimes pourrait encore augmenter alors que les recherches se poursuivaient mardi dans ces champs marécageux et difficiles d’accès.

Quelle motivation ?

Le groupe Boko Haram a revendiqué lundi le massacre dans une vidéo. Il affirme avoir lancé cette attaque pour venger certains de ses combattants arrêtés et livrés par des villageois aux autorités.

L’attaque s’est produite le jour des élections locales, les premières organisées depuis le début de l’insurrection en 2009, et maintes fois repoussées pour des raisons sécuritaires.

Mais Boko Haram est coutumier « des massacres de masse, des actes d’intimidation et de puissance », souligne Yan Saint-Pierre, qui dirige le centre d’analyse en sécurité Modern Security Consulting Group.

« Au moment où le groupe a commencé à conquérir des villes en 2014-2015, les jihadistes arrivaient dans les villages et exécutaient tous les hommes en âge de porter des armes », renchérit Vincent Foucher, chercheur au CNRS.

Quelle évolution dans ce conflit ?

Le nord-est du Nigeria est en proie à l’insurrection de Boko Haram depuis 2009. Le conflit a fait plus de 36.000 morts au Nigeria et forcé 2 millions de personnes à fuir leur domicile.

Après onze ans de guerre, les jihadistes continuent de contrôler leur zone, sans réellement s’étendre, ni perdre du terrain, selon M. Foucher.

Les autorités arrivent à tenir les villes et utilisent l’aviation et l’artillerie pour harceler les insurgés, sans grandes avancées.

Depuis 2016, le groupe s’est divisé en deux factions: celle d’Abubakar Shekau, le chef historique de Boko Haram, et l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap), affilié à l’EI.

L’armée cible particulièrement le groupe Iswap, installé autour du lac Tchad, qui a lancé de grandes attaques contre les militaires.

Dans sa zone d’influence, le groupe affilié à l’Etat islamique est plutôt conciliant avec les populations civiles, cherchant notamment à tisser des liens économiques avec eux. « Boko Haram, lui, est plutôt dans une logique de prédation », note M. Foucher.

Néanmoins, « l’Iswap a récemment lancé de violentes attaques contre des civils, lorsque les communautés refusaient de payer l’impôt ou mettaient sur pied des milices d’auto-défense pour leur résister », tempère-t-il.

Quid des communautés rurales ?

La récente stratégie de l’armée, qui a décidé fin 2019 de retirer ses soldats de ses bases avancées, pour les regrouper dans des « super-camps », mieux protégés et censés être plus efficaces, augmente la vulnérabilité des communautés villageoises.

Depuis, il y a « une moindre présence des militaires dans les zones rurales », soulève M. Foucher.

Or depuis septembre, il y a « une recrudescence des attaques sur les milieux agricoles, les fermes, les fournisseurs », affirme M. Saint-Pierre.

Selon lui, ces attaques ont pour but de créer des pénuries, de déstabiliser les filières d’approvisionnement pour que les organisations terroristes puissent prendre le contrôle des secteurs agricoles.

Au même moment, les autorités et les agences humanitaires encouragent les déplacés du conflit, retranchés dans des camps de fortune depuis des années, à regagner leurs localités et leurs champs pour éviter une crise alimentaire.

« Aider les communautés à regagner leur champs (…) est la seule solution pour éviter la crise alimentaire imminente », plaide l’ONU.

Dans cette région déjà extrêmement pauvre, le conflit a créé « une crise humanitaire catastrophique », selon M. Foucher. A cela, s’ajoutent cette année de mauvaises récoltes, les restrictions liées au coronavirus, et des difficultés grandissantes pour les agences humanitaires à opérer dans la région.

L’ONU prévoit qu’en juin prochain, 5,1 millions de personnes se trouveront en insécurité alimentaire, soit une augmentation de 20% par rapport à l’année précédente.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

GIPHY App Key not set. Please check settings

    l »Angleterre se déconfine avant des vaccinations la semaine prochaine

    les victimes en quête de « vérité » après les « premiers aveux »