Le magnat hongkongais Jimmy Lai, une figure du combat pro-démocratie, a été placé jeudi en détention provisoire dans le cadre d’une enquête pour fraude, au moment où se multiplient les poursuites contre les dissidents et les détracteurs de Pékin dans l’ex-colonie britannique.
M. Lai, 73 ans, est notamment le patron du tabloïd Apple Daily, connu pour son engagement dans le camp pro-démocratie et ses critiques acerbes de l’exécutif hongkongais, qui est aligné sur Pékin.
Jeudi, le septuagénaire et deux de ses cadres dirigeants, Royston Chow et Wong Wai-keung, ont comparu devant un tribunal pour des accusations de fraude. A en croire des documents judiciaires, l’affaire porte sur le fait que le siège du journal serait utilisé à des fins qui ne seraient pas prévues par le contrat de location de l’immeuble.
Des centaines de policiers avaient réalisé en août une spectaculaire perquisition dans ce bâtiment, en particulier dans la salle de rédaction de l’Apple Daily.
Plusieurs responsables du groupe de presse, dont M. Lai, avaient été arrêtés pour des soupçons de « collusion avec les forces étrangères », dans le cadre de la nouvelle loi sur la sécurité nationale imposée fin juin par Pékin dans sa région semi-autonome.
A ce stade, aucun n’a formellement été inculpé en vertu de cette loi drastique. Mais l’enquête est en cours.
– « Prêt pour la prison » –
Jeudi, le tribunal qui examinait les poursuites pour fraude a refusé la libération sous caution demandée par M. Lai, tout en l’accordant à MM. Wong et Chow, fixant au mois d’avril la prochaine audience.
Cela signifie que le richissime homme d’affaires, qui a par la suite été photographié par les médias menotté, à son arrivée dans la prison, passera les prochains mois derrière les barreaux.
L’ex-colonie britannique, qui a connu en 2019 sa plus grave crise politique depuis sa rétrocession à Pékin en 1997, est depuis plusieurs mois l’objet d’une reprise en main musclée de Pékin, dont cette loi imposée fin juin est un des instruments.
Plusieurs figures de l’opposition n’ont pas reçu l’autorisation de se présenter aux législatives qui ont été reportées d’un an sous l’excuse d’un risque lié au coronavirus. Depuis lors, des députés ont été déchus de leur mandat et toute l’opposition a démissionné en solidarité. Des dizaines de militants pro-démocratie ont par ailleurs été inculpés ou arrêtés.
Mercredi, trois personnalités de premier plan du mouvement pro-démocratie, dont Joshua Wong, ont été condamnées à des peines de prison ferme pour leur implication dans les manifestations de 2019.
M. Lai est également poursuivi pour son rôle dans cette mobilisation dans le cadre d’un dossier distinct de celui examiné jeudi.
Plusieurs capitales occidentales avaient condamné cet été l’arrestation du patron de Next Digital en dénonçant une atteinte à la liberté d’expression.
Rares sont les habitants de l’ex-colonie britannique à s’attirer autant la haine de Pékin que cet homme qui est régulièrement qualifié de « traître » par les médias d’Etat chinois qui voient en lui l’instigateur de la contestation de 2019.
Arrivé clandestinement à Hong Kong avec sa famille à 12 ans à bord d’un bateau en provenance de Canton, M. Lai avait d’abord travaillé à l’usine, puis a appris l’anglais et a ouvert sa propre entreprise de textile.
Après la répression du soulèvement de Tiananmen à Pékin en 1989 qui a selon lui transformé sa vision politique, il avait fondé Next Media en 1990.
« Je suis un fauteur de trouble », avait-il confié à l’AFP en juin. « Je suis arrivé ici avec rien, les libertés de cet endroit m’ont tout donné. Il était temps que je renvoie l’ascenseur en me battant pour les libertés. »
« Je suis prêt pour la prison », avait-il dit, ajoutant que la loi sur la sécurité allait « sonner le glas pour Hong Kong ».
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