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Violences, racisme… Le parcours « semé d’embûches » de policiers qui « dénoncent »

Policiers, ils ont dénoncé violences, racisme ou harcèlement commis par leurs collègues. Une démarche « semée d’embûches » malgré les procédures de signalement existantes, ont raconté à l’AFP plusieurs d’entre eux, qui assurent, pour certains, avoir dû parler publiquement pour être davantage entendus.

Prendre la parole publiquement, Amar Benmohamed, « ne le souhaitait pas ». « Mon leitmotiv, ça a toujours été d’être un peu sous les radars ».

En juillet 2020 pourtant, ce brigadier-chef a rapporté au média en ligne Streetpress, des exemples d’injures, de propos racistes ou de mauvais traitements commis par certains de ses collègues policiers envers des détenus au dépôt du tribunal de Paris.

Heurté dans ses « convictions » de policier, il explique à l’AFP avoir décidé de parler pour « faire évoluer les mentalités » et se protéger – « la hiérarchie, la police du tribunal étaient contre moi ».

Une enquête administrative avait bien été ouverte sur la foi de ses dénonciations initiales mais sans que la justice n’en soit dans le même temps informée, ce que le brigadier avait interprété comme une volonté « d’étouffer » l’affaire.

Après ses révélations qui avaient fait réagir jusqu’au gouvernement, le parquet de Paris a ouvert une enquête. Sur le volet administratif, trois policiers ont été sanctionnés et un quatrième pourrait l’être prochainement.

Mais Amar Benmohamed a lui aussi écopé d’un avertissement pour avoir, selon son supérieur, tardé à écrire un rapport sur les faits dénoncés. Une sanction, la plus basse dans la procédure disciplinaire, qu’il entend désormais contester devant le tribunal administratif.

– « Carrière en l’air » –

D’autres avant lui ont écopé de sanctions qui visaient, à leurs yeux, à les « faire payer » d’avoir lancé l’alerte.

La police est « une grande famille où l’on se serre les coudes », « celui qui dénonce devient le coupable », estime Sihem Souid, aujourd’hui en disponibilité et entrepreneure.

Il y a dix ans, elle avait dénoncé dans un livre intitulé « Omerta dans la police » un climat de corruption et de racisme qui régnait, selon elle, dans la Police aux frontières (PAF) d’Orly. Elle avait été suspendue six mois sans traitement pour « manquement au devoir de réserve ».

Également condamnée à une amende avec sursis pour diffamation envers le directeur de son unité, elle a en revanche été relaxée des poursuites pour « violation du secret professionnel ».

Aujourd’hui, elle dit avoir « tourné la page » mais reste fière de ce livre qui « n’a pas été fait pour rien ». « Je sais que les choses ont changé à la PAF. Beaucoup de gens ont été mutés, mis à la retraite ».

L’avocat Thierry Sagardoytho a lui défendu un brigadier-chef à Pau qui, après avoir dénoncé en 2018 des violences présumées de la part d’un collègue lors d’une interpellation, a connu trois ans « semés d’embûches ».

Une première enquête administrative a confirmé les dires du policier, qui sera pourtant mis en cause ensuite par l’enquête judiciaire de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), notamment pour « dénonciation calomnieuse ». La justice l’a relaxé deux fois mais, affecté depuis à « des tâches subalternes à Lourdes », il « a foutu sa carrière en l’air », déplore son avocat.

A Rouen, le rapport et le dépôt de plainte fin 2019 d’un policier noir contre ses collègues auteurs de propos racistes dans une conversation WhatsApp ont à l’inverse débouché sur l’ouverture de deux enquêtes judiciaire et administrative puis la révocation, moins d’un an plus tard, des mis en cause.

– « Signal-Discri » –

Ce policier a été changé de service pour le protéger de représailles.

« Les policiers qui dénoncent des situations illégales, insupportables, des violences illégitimes commises par leurs collègues, la hiérarchie ne les laissera pas tomber. Elle ira au bout de leurs dénonciations et elle sanctionnera ceux qui ont commis les méfaits », assure à l’AFP un cadre de la police.

« Aujourd’hui, celui qui dit qu’il ne peut pas parler, soit il le fait exprès, soit il ne veut pas vraiment témoigner. Il y a quand même beaucoup, beaucoup, de choses qui sont mises en place », ajoute-t-il.

Mais, Fanny*, officier dans le sud de la France, estime ne pas avoir été soutenue par sa hiérarchie après avoir dénoncé des « dysfonctionnements dans le traitement des procédure et des scellés » dans son service.

Désarmée et privée de ses dossiers, elle a dénoncé un « harcèlement » auprès de « Signal-Discri » qui n’a pas abouti.

Depuis fin 2017, cette plateforme rattachée à l’IGPN permet aux policiers victimes de harcèlements ou discriminations de témoigner. En 2020, elle a enregistré 202 signalements, la majorité (115) pour harcèlement moral, selon l’IGPN. Des chiffres comparables à ceux des deux années précédentes.

Ils débouchent néanmoins rarement sur des poursuites. En 2019, seuls 8 des 218 signalements adressés à Signal-Discri ont donné lieu à des enquêtes administratives et aucun n’a été transmis à la justice.

« C’est une cellule administrative, qui n’est pas soumise à l’autorité judiciaire, ils font ce qu’ils veulent », accuse Fanny.

« Beaucoup se plaignent que le signalement d’une situation de harcèlement n’est jamais reconnue », résume le cadre de la police, « mais le harcèlement moral est très compliqué à établir ».

*prénom modifié

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