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Fnideq dans l’impasse entre crise sanitaire et fermeture des frontières

Vendeur ambulant à Fnideq au nord du Maroc, Badr est dans une détresse telle qu’il pense au pire, jusqu’au suicide, depuis l’interdiction du commerce de contrebande et la fermeture des frontières avec l’enclave espagnole de Ceuta.

Ce père de famille de 32 ans a longtemps vécu, comme des milliers d’habitants de la petite ville côtière, du commerce de contrebande, toléré jusqu’à la fermeture en octobre 2019 du couloir réservé aux passeurs de marchandises détaxées entre les deux villes.

« Nous ne réclamons pas la reprise de la contrebande, mais des alternatives », affirme-t-il, exposant vêtements et parfums sur le trottoir, à l’entrée du principal marché de la ville, aujourd’hui désert.

« Je pense des fois à me suicider. Seuls ma femme et mes enfants me retiennent à cette vie », dit-il ému.

Si la contrebande a dopé par le passé l’économie de la région, les associations de défense des droits humains n’ont eu de cesse d’appeler à l’interdiction du trafic qui a coûté la vie à onze personnes dans des bousculades entre 2017 et 2019, souligne le militant Mohamed Benaïssa.

La ville s’est enlisée, avec la fermeture des frontières, privant de leur gagne-pain des milliers de transfrontaliers exempts de visas pour Ceuta.

Badr, qui vivait décemment, gagne désormais 20 dirhams par jour (deux euros), tout au mieux.

Désespérés, les habitants manifestent tous les vendredis depuis trois semaines pour réclamer la réouverture des frontières.

– « Une vie décente » –

Après une journée atone, Badr, comme d’autres vendeurs ambulants, rejoignent les centaines de manifestants agglutinés devant la mosquée principale.

Beaucoup appellent à la création d’emplois et à l’ouverture des frontières aux travailleurs réguliers.

« J’ai un diplôme en hôtellerie, mais je ne trouve pas de travail à cause de la pandémie. Nous ne demandons qu’une vie décente », réclame Ikram, 23 ans, manifestant au côté de sa mère.

Les jeunes de 15 à 24 ans sont les plus touchés par la crise économique et sanitaire, avec un taux de chômage de 31,2% en 2020, selon le Haut-commissariat au plan. Cette année, l’économie marocaine a perdu 430.000 emplois, portant le nombre total de chômeurs à près de 1,5 million.

Prêts à tout pour une vie meilleure, certains tentent de traverser la Méditerranée au péril de leur vie.

La mère d’Ikram, femme de ménage à Ceuta, abonde: « Mon fils, qui a à peine 18 ans, a été sauvé de la noyade ». Il tentait de rejoindre à la nage l’enclave espagnole, située à moins de 10 km de la plage de Fnideq.

M. Benaïssa indique que six jeunes hommes ont récemment péri en tentant cette même traversée et que le drame a aussi poussé les habitants à manifester.

Pourtant, le danger ne semble pas dissuader Ismail, 23 ans, de tenter de rallier Ceuta à la nage.

Arès avoir travaillé deux ans et demi dans la contrebande, le jeune homme est employé dans une parfumerie. « Je pense qu’elle va bientôt fermer. Nous n’avons rien vendu depuis deux jours! », s’inquiète-t-il.

– Projets de développement-

Si les autorités ont interdit le premier rassemblement et arrêté quatre manifestants, elles ont autorisé les deux suivants.

Les jeunes arrêtés ont été condamnés la semaine dernière à six mois de prison avec sursis pour « violence contre les forces de l’ordre ».

Face aux revendications, un budget de 400 millions de dirhams (plus de 36 millions d’euros) a récemment été alloué à un programme de développement économique et social régional.

Les autorités ont également annoncé cette semaine le recrutement de 700 femmes, qui vivaient de la contrebande, dans différentes usines de la région.

A l’entrée de la ville, les travaux du chantier la zone franche de Fnideq, reliée au gigantesque port Tanger Med, ont également repris. Le projet créateur d’emplois devrait être une alternative au trafic de marchandises détaxées acheminées de Ceuta.

Confronté à sa pire récession en vingt-quatre ans, avec une contraction de 6,3%, le royaume envisage avec l’interdiction de la contrebande de pallier au « manque à gagner fiscal » estimé à près de cinq milliards de dirhams (460 millions d’euros) en 2018.

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