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L’auteure de la vidéo du supplice de George Floyd bouleversée de « ne pas l’avoir sauvé »

« Certaines nuits, je reste éveillée et je m’excuse auprès de George Floyd de ne pas avoir fait plus, de ne pas m’être interposée, de ne pas avoir l’avoir sauvé ».

La jeune fille qui a filmé la vidéo virale de l’agonie du quadragénaire noir, a livré mardi un témoignage bouleversant au procès du policier blanc accusé de l’avoir tué le 25 mai 2020 à Minneapolis, dans le nord des Etats-Unis.

En cette soirée printanière, Darnella Frazier, alors âgée de 17 ans, était sortie faire une course avec sa cousine de huit ans, quand elle s’est retrouvée face à une scène qui, de son propre aveu, a « définitivement » changé sa vie.

Plaqué au sol par un policier, George Floyd halète, gémit, supplie. Un genou sur son cou, l’agent Derek Chauvin demeure impassible. « Ce n’était pas juste, il souffrait », selon l’adolescente qui a le réflexe de sortir son téléphone et de filmer la scène.

Sa vidéo, mise en ligne sur internet, fera rapidement le tour du monde, poussant des millions de personnes à manifester contre le racisme et les violences policières. Mais, sur le moment, Darnella Frazier essaie juste de convaincre le policier de lâcher prise.

« Je suis quelqu’un qui garde tout en moi, j’ai de l’anxiété sociale, je ne suis pas à l’aise quand il faut se faire entendre », a-t-elle confié aux jurés. « Mais quand j’ai vu ce que j’ai vu, je suis devenue bruyante. »

– « Ca aurait pu être eux » –

Comme elle, d’autres témoins interpellent Derek Chauvin et ses trois collègues, en vain. « Dès que quelqu’un essayait de s’approcher », les policiers les écartaient. « Ils étaient sur la défensive », a-t-elle souligné.

Après plus de neuf minutes, une ambulance est arrivée. Trop tard pour ranimer George Floyd. Et Darnella Frazier ne s’en est toujours pas remise.

« Quand je pense à George Floyd, je vois mon père, mes frères, mon cousin, mon oncle. Ils sont tous noirs », a-t-elle confié la voix brisée par l’émotion. « Ca aurait pu être eux ».

Alors parfois, elle fait des insomnies et s’excuse auprès de George Floyd de ne pas « avoir fait plus » pour tenter de le sauver.

« Mais ce n’était pas à moi de le faire, c’était à lui », a-t-elle conclu à l’adresse de l’accusé, avant de céder sa place à sa petite cousine.

L’écolière, appelée à la barre par l’accusation, n’a pas témoigné longtemps. Elle a détaillé ce qu’elle avait vu et a confié s’être sentie « triste et un peu en colère ».

– Prise d’étranglement –

Avant elles, un autre témoin de la scène avait raconté comment il a, lui aussi, échoué à convaincre Derek Chauvin de relâcher sa pression.

Don Williams, un adepte des sports de combat, avait immédiatement pensé assister à « une prise d’étranglement sanguin », une technique qui permet de maitriser un adversaire en coupant l’afflux de sang. Il l’a dit à Derek Chauvin, qui l’a regardé sans bouger.

Frustré « de l’absence de réponse », Don Williams a reconnu avoir haussé le ton. Finalement « j’ai appelé la police pour dénoncer la police parce que j’ai pensé être témoin d’un meurtre. »

Lors de son contre-interrogatoire, l’avocat de Derek Chauvin a insisté sur les insultes proférées par M. Williams contre les policiers. « Vous les avez appelés abrutis 13 fois », « vous étiez de plus en plus en colère », a-t-il insisté.

La veille, dans ses propos liminaires, Me Nelson avait estimé que les cris de la foule avaient conduit son client « à détourner son attention du sort de M. Floyd pour se concentrer sur la menace croissante » créée par les passants.

– « Trahi » –

Derek Chauvin, 45 ans, encourt jusqu’à 40 ans de rétention. Remis en liberté sous caution, il comparait libre.

Me Eric Nelson compte plaider l’acquittement. « Il a fait exactement ce qu’il a été formé à faire au cours de ses 19 ans de carrière », a-t-il déclaré lundi dans ses propos liminaires.

Selon lui, George Floyd est mort d’une overdose au fentanyl, dont il était consommateur, et de problèmes de santé.

Mais pour les procureurs, le policier a manifesté un mépris évident pour la vie de l’Afro-Américain en maintenant sa pression pendant neuf minutes et vingt-neuf secondes.

Il a « trahi » son serment de policier et fait « un usage excessif de la force » jusqu’à « extraire les derniers souffles de vie », a assuré le procureur Jerry Blackwell dans son exposé introductif.

Les parties ont trois à quatre semaines pour convaincre les jurés, qui devraient rendre leur verdict vers la fin avril ou début mai.

Les trois autres policiers impliqués dans le drame, Alexander Kueng, Thomas Lane et Tou Thao, seront jugés en août pour « complicité de meurtre ».

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