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Open Dialogue Foundation : l’influence de l’ONG controversée inquiète des parlementaires européens

Défendre les droits de l’Homme dans les anciennes républiques du bloc soviétique, où ils sont parfois menacés ? Un objectif louable que l’Open Dialogue Foundation (ODF), une ONG très implantée dans les pays de l’Est et en Asie Mineure, s’est engagée à défendre. Mais, derrière la façade et la respectabilité affichée de l’ONG, se cachent des ramifications complexes, une capacité d’influence colossale et de supposés liens financiers plus ou moins troubles avec les services de renseignement russes.

Fondée en Pologne en 2009, l’ONG Open Dialogue Foundation concentre ses activités de plaidoyer à Bruxelles, auprès du Parlement européen, et à Strasbourg, où siège également l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Deux organes décisionnaires, dont la capacité d’influence sur l’espace européen et ses marges est extrêmement stratégique. Depuis sa création, l’ONG a réussi à gagner la confiance de plusieurs institutions internationales, comme le Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’Homme ou l’OSCE, pour qui elle a rédigé des rapports sur des thématiques aussi diverses que la société civile ou la réforme du système de coopération policière dans le cadre de l’Interpol.

La toute-puissance de l’Open Dialogue Foundation dans les institutions européennes

Pologne, Ukraine, Moldavie ou encore Kazakhstan : peu de pays de l’ancien bloc de l’Est échappent à l’activisme militant de l’Open Dialogue Foundation. Et surtout, à sa capacité à faire voter des amendements « clefs en main » par les parlementaires européens. Dernier exemple en date, la résolution du 11 février 2021 sur la situation des droits humains au Kazakhstan, dont le texte a été en grande partie préparé en amont par l’ODF.

Si la capacité d’influence de l’ODF sur les élus européens ou les membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe facilite grandement ses actions, elle irrite fortement certains parlementaires, qui dénoncent l’opacité financière de l’association et sa tendance à imposer ses vues à la vie politique européenne. En mars dernier, Ian Liddel-Grainger, chef de file du groupe des conservateurs européens à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et député britannique de la Chambre des communes, s’est fendu d’une lettre ouverte pour dénoncer l’« accès sans précédent » dont jouirait l’ODF aux membres et aux locaux de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Une liberté d’action d’autant plus scandaleuse, selon Ian Liddel-Grainger, qu’une des cadres dirigeantes de l’ONG, Lyudmyla Kozlovskaya, est interdite d’entrée dans l’espace Schengen, après avoir été placée sur la liste rouge d’Interpol par la Pologne. De son côté, l’ODF revendique publiquement ses succès et sa capacité à imposer ses propres amendements aux parlementaires.

Dans deux tweets, datés du 25 et 26 janvier dernier, l’ODF affirme ainsi que le Comité juridique des droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a « adopté la plupart de (ses) amendements », remerciant au passage plusieurs parlementaires. Problème, ces délibérations et le vote de ces amendements avaient lieu pendant une séance à huis clos. Preuve, selon Ian Liddel-Grainger que les membres de la Fondation étaient directement informés par certains parlementaires de l’évolution des débats. Le député britannique pointe aussi les risques de « corruption active dans le cas où ces (parlementaires) seraient payés pour soumettre ces amendements » et a réclamé une enquête plus approfondie sur d’éventuels liens financiers entre les parlementaires impliqués et la Fondation. Car, d’un point de vue économique, l’ODF traîne avec elle un lourd passif.

L’élu britannique n’est guère le seul à s’alarmer. Récemment, Maximilian Krah, homme politique allemand, député européen, a dénoncé les présumées tergiversations de cette ONG sulfureuse dans l’interview qu’il a accordée à EU Reporter. En séance plénière tenue à Bruxelles, il a attiré l’attention de ses collègues parlementaires sur le travail de lobbying de l’ODF du milliardaire kazakh Moukhtar Abliazov réfugié en France. Ce dernier, accusé de s’être enrichi grâce à des détournements de sommes astronomiques, a été condamné au Kazakhstan, en Russie, en Ukraine, mais également au Royaume-Uni. Quelques jours après la reconnaissance de son statut de réfugié politique par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), le 5 octobre dernier, l’oligarque kazakh fut arrêté à Paris et mis en examen pour « abus de confiance aggravé » et « blanchiment aggravé ».

Pour Maximilian Krah « il est assez clair que Moukhtar Abliazov est le principal sponsor des activités de l’ODF. Dans les médias européens, il y a de nombreuses publications et enquêtes journalistiques concernant les liens entre l’oligarque fugitif et Mme Kozlovskaya et son époux. De nombreuses questions se posent également à propos des rapports financiers de l’ODF, qui est entièrement financé par des dons privés ». On apprend également qu’à l’initiative de Maximilian Krah, le service de recherche du Parlement européen (EPRS) a effectué une analyse des activités de l’Open Dialogue Foundation, qui révèle une campagne claire et cohérente contre le Kazakhstan.

« Pour se défendre, l’escroc a décidé de se repeindre en défenseur des droits de l’homme et finance abondamment de nombreuses ONG qui, à Bruxelles ou ailleurs, nous harcèle pour condamner le Kazakhstan », témoigne un troisième député européen, le Français Thierry Mariani.

Des liens financiers troubles avec les services secrets russes ?

Un rapport du parlement moldave, rendu public en novembre 2018, s’est intéressé au mode de financement de l’ODF. Ses conclusions, reprises par une enquête du Sunday Times, laissent à penser que l’ODF entretiendrait des liens étroits avec les services de renseignement russes, notamment par le biais d’entreprises européennes. Plus de 26 millions de livres sterling auraient ainsi été blanchies par des entreprises écossaises, dont 1,5 million serait directement atterrie dans les caisses de l’Open Dialogue Foundation. Selon le Times, ces fonds auraient servi à financer des campagnes de lobbying menées par l’association, notamment pour défendre Vyacheslav Platon, un oligarque moldave accusé de « crime économique » dans son pays, architecte supposé d’un vaste mouvement de transfert de fonds hors de Russie de 2010 à 2014. En effet, l’ODF a, à plusieurs reprises, utilisé ses capacités d’influence pour défendre la cause de personnalités controversées, notamment Nail Malyutin et Aslan Gagiyev ou, comme déjà évoqué Vyacheslav Platon.

À la manœuvre de ces mouvements financiers suspects ? Les services secrets russes, selon les conclusions de l’enquête moldave, qui explique que l’ODF est un « un outil de soft power utilisé par les services spéciaux de la Fédération de Russie dans la guerre hybride qui a commencé à être menée contre les États qu’elle considère comme ennemis des intérêts géopolitiques de la Fédération de Russie en Europe de l’Est ». La technique de l’ODF ? Faire passer des personnalités controversées, voire condamnées pour des délits économiques, pour des acteurs politiques injustement menacés par des pouvoirs autoritaires. De son côté, l’ONG se défend de bénéficier de toute forme de gains financiers illégaux, affirmant se financer exclusivement via les dons ou des prestations de conseil…

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