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L’Algérie se souvient des massacres commis par la France

L’Algérie rend hommage samedi aux milliers de personnes tuées par les forces françaises en 1945, alors que le pays d’Afrique du Nord attend que Paris s’excuse pour ses crimes de l’époque coloniale.

Les émeutes pro-indépendance à la suite d’une manifestation dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale ont provoqué le massacre de milliers de civils musulmans pour la plupart non armés, un tournant dans la longue lutte pour l’indépendance de l’Algérie.

Le 8 mai 1945, des milliers de personnes s’étaient rassemblées à Sétif alors que les puissances alliées, y compris la France coloniale, marquaient une victoire durement gagnée en Europe sur l’Allemagne nazie.

« Vive la victoire alliée », ont crié les manifestants.

Mais le rassemblement festif s’est vite transformé en manifestation pour la fin de la domination coloniale, avec des cris de « Vive l’Algérie indépendante! »

C’était une provocation pour la police française, exaspérée par l’apparition, pour la première fois, de drapeaux algériens.

Alors qu’ils ordonnaient la suppression des étendards verts et blancs, des échauffourées ont éclaté.

Le manifestant Bouzid Saal, 22 ans, a refusé de lâcher son drapeau. Un policier français l’a abattu.

L’indignation a déchiré la foule massive.

Les émeutes et les attaques de vengeance qui ont suivi contre les Européens ont déclenché une vague de répression de la part des autorités françaises qui a fait jusqu’à 45 000 morts, selon les chiffres officiels algériens.

Les historiens français évaluent le bilan à 20 000, dont 86 civils européens et 16 soldats.

Les meurtres auraient un impact transformateur sur le mouvement anticolonial naissant. Une guerre d’indépendance à part entière a éclaté neuf ans plus tard, menant finalement à l’indépendance du pays en 1962.

Le président Abdelmadjid Tebboune, qui dirigera la première journée nationale de commémoration des meurtres de samedi, les a qualifiés de « crimes contre l’humanité ».

Les autorités organiseront une série d’événements à Sétif, à 300 kilomètres à l’est d’Alger, y compris une marche vers l’endroit où Saal a été tué.

Quinzaine de rétribution

Les Français ont lancé une campagne de violence de 15 jours, ciblant Sétif et la région rurale environnante, bombardant les villages et les hameaux sans discrimination.

Le général Raymond Duval a dirigé la répression impitoyable des autorités françaises, imposant la loi martiale et un couvre-feu sur une parcelle de territoire s’étendant de Sétif à la mer, à 50 kilomètres au nord.

Les dirigeants nationalistes ont été arrêtés par pure suspicion, et les villages soupçonnés d’abriter des séparatistes ont été mitraillés par l’armée de l’air et incendiés.

Des femmes, des enfants et des personnes âgées ont été massacrés et quelque 44 villages ont été détruits en 15 jours de représailles.

Les exécutions se sont poursuivies jusqu’en novembre 1945 et quelque 4 000 personnes ont été arrêtées.

« Je vous assure la paix depuis 10 ans », a averti le général Duval dans une lettre.

« Si la France ne fait rien, tout se reproduira, la prochaine fois ce sera pire et peut-être irréparable. »

Toujours sensible, des décennies plus tard

Sétif reste un épisode très sensible pour les Algériens, ainsi que pour certains en France.

Paris ne l’a officiellement reconnu qu’en 2005, lorsque l’ambassadeur à Alger a qualifié les massacres de «tragédie inexcusable».

Cinq ans plus tard, l’effusion de sang a reçu une attention rare sur grand écran, avec le film controversé nominé aux Oscars « Outside the Law ».

Le film de Rachid Bouchareb a suscité beaucoup d’introspection en France – mais a également été vivement condamné par l’extrême droite.

La police anti-émeute a dû retenir les manifestants en colère lors de sa projection au Festival de Cannes.

La foule, qui comprenait des vétérans militaires, était furieuse que le financement public français soit allé à un film qui, selon eux, falsifiait l’histoire.

Mais la France a depuis pris des mesures pour reconnaître les crimes commis pendant ses 132 ans d’occupation de l’Algérie.

En mars, le président Emmanuel Macron a admis «au nom de la France» que l’avocat et indépendantiste Ali Boumendjel avait été arrêté, torturé et tué par les forces françaises qui ont ensuite couvert sa mort comme un suicide.

L’année dernière, Macron a chargé l’historien français Benjamin Stora d’évaluer la manière dont la France a géré son héritage colonial et a exhorté les responsables à accélérer l’ouverture des archives françaises sur la guerre d’Algérie.

Publié en janvier, le rapport Stora a fait plusieurs recommandations, dont la création d’une «commission mémoire et vérité» pour entendre les témoignages de ceux qui ont souffert pendant la guerre.

Cependant, il n’a pas suggéré d’excuses officielles de l’État. Macron n’a proposé ni « repentir ni excuses » mais plutôt « des actes symboliques » de réconciliation.

L’Algérie a rejeté le rapport comme « non objectif » et n’a pas pris la décision de rendre la pareille à Macron.

Il s’est toutefois félicité de son admission de la responsabilité de la France dans la mort de Boumendjel.

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