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Abiy Ahmed, du vent du changement au tourbillon de la guerre

Son arrivée au pouvoir en 2018 avait fait souffler un vent de changement en Ethiopie, consacré par le Nobel de la Paix. Mais à l’heure d’élections tant attendues, le Premier ministre Abiy Ahmed est embourbé dans les violences intercommunautaires et la guerre au Tigré.

Malgré ces crises qui minent le pays et ont compliqué la préparation du scrutin, le Premier ministre maintient son cap et les bannières de son parti frappées d’une ampoule, symbolisant un avenir radieux, s’affichent dans les rues de la capitale Addis Abeba.

Tout est question de perception, affirmait-il en avril devant ses partisans, comparant le pays à un enfant de la campagne désorienté lors de son premier trajet en voiture.

« Quand la voiture avance, les bâtiments et les arbres reculent et ça perturbe. De la même manière, nous sommes perturbés en ce moment parce que nous pensons que c’est l’arbre qui bouge, et non la voiture », expliquait-il. « Croyez-le ou non, l’Éthiopie et +l’éthiopianité+ sont à nouveau florissantes. »

Agé de 44 ans, Abiy fut lui aussi un enfant de la campagne.

Né à Beshasha (Ouest) d’un père musulman et d’une mère chrétienne, il a raconté avoir dormi par terre dans une maison sans électricité, ni eau courante.

– De l’uniforme au costume –

Adolescent, fasciné par la technologie, il rejoint l’armée en tant qu’opérateur radio.

Dans son discours de prix Nobel en 2019, il avait décrit son expérience de la sanglante guerre frontalière de 1998-2000 avec l’Érythrée, où son unité avait été anéantie par une attaque d’artillerie érythréenne pendant qu’il avait quitté la tranchée pour chercher une meilleure réception radio.

Devenu lieutenant-colonel, il prendra en 2008 la direction de la toute nouvelle Agence de sécurité des réseaux d’information, l’organe de cyberespionnage éthiopien.

En 2010, il troque l’uniforme pour le costume de député, puis de ministre des Sciences et Technologies en 2015.

Un mouvement de protestation contre la coalition au pouvoir, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), agite alors les deux principales communautés du pays, les Oromo et les Amhara. Bien que violemment réprimé, ce mouvement aboutira à la démission du Premier ministre Hailemariam Desalegn en avril 2018.

Aux abois, l’EPRDF désigne Abiy Ahmed pour sauver la situation, faisant de lui le premier Oromo à devenir Premier ministre.

Ce père de famille – il a eu trois filles avec sa femme Zinash Tayachew avant d’adopter un garçon en août 2018 – offre alors l’image d’un dirigeant jeune et ouvert.

Il initie de profonds changements et plaide pour l’unité de l’Ethiopie.

En six mois, il conclut la paix avec l’Erythrée, fait relâcher des milliers de dissidents, s’excuse publiquement des violences des forces de sécurité et accueille à bras ouverts les membres exilés de groupes qualifiés de « terroristes » par ses prédécesseurs.

Mais il est rattrapé par les violences ethniques persistantes, y compris dans son Oromia natale.

– Conflit avec le TPLF –

Dans la région septentrionale du Tigré, la tension avec les autorités locales atteint un point de non-retour.

Le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qui avait dominé la vie politique nationale avant l’arrivée au pouvoir d’Abiy, l’a régulièrement accusé de le marginaliser.

Après des mois de tensions croissantes, Abiy envoie ses troupes au Tigré, après avoir accusé le TPLF d’avoir attaqué contre des bases de l’armée fédérale.

Il promet un conflit rapide mais près de sept mois plus tard, les combats se poursuivent, les dirigeants du TPLF sont en fuite et les preuves de massacres et de viols de civils s’accumulent. Et la famine sévit dans la région, selon l’ONU, menaçant quelque 350.000 habitants.

L' »Abiymania » qui avait suivi sa nomination s’est dissipée.

Le Premier ministre se voit reprocher de se concentrer sur l’embellissement de la capitale et la médiation des conflits à l’étranger, plutôt que sur la situation intérieure.

Il est également accusé d’avoir adopté le même autoritarisme que ses prédécesseurs, cautionnant des arrestations de masse et des abus des forces de sécurité.

Ses adversaires l’attaquent publiquement.

Pour Merera Gudina, un dirigeant de l’opposition en Oromia dont le parti boycotte les élections, Abiy est « comme bloqué ». « Il se comporte comme un enfant perdu à un carrefour. Cet enfant ne peut pas revenir sur ses pas parce qu’il ne sait pas d’où il vient et il ne peut pas continuer son chemin parce qu’il ne sait pas où il va », affirme-t-il à l’AFP.

Mais Abiy peut compter sur le soutien indéfectible de certains partisans.

Au début de la guerre au Tigré, des dirigeants formulaient ainsi publiquement une proposition déroutante: envisager de récompenser ses efforts pour résoudre le différend avec le TPLF par un « deuxième prix Nobel ».

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