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Dans la plus grande prison d’Europe, des surveillants placés au coeur de la détention

Renforcer le rôle du surveillant en prison pour mieux prévenir les suicides, les violences ou les évasions. A Fleury-Mérogis, la plus grande prison d’Europe avec 3.600 détenus et 1.300 surveillants, le directeur veut davantage responsabiliser les gardiens.

Ils sont présents lors des promenades, à l’entrée des parloirs, dans les coursives ou encore aux ateliers, souligne Franck Linares, le nouveau directeur de cette prison, 57 ans dont 36 passés dans l’administration pénitentiaire. « Jusqu’alors, on recueillait leurs observations », poursuit-il lors d’un entretien accordé à l’AFP. « L’idée désormais est de les faire aussi participer à l’évaluation » des détenus.

« Le surveillant a à en connaître, donc il a à en dire », insiste Franck Linares qui a pris ses fonctions à Fleury-Mérogis en février.

Une vision partagée nationalement. En avril, le ministre de la justice Eric Dupond-Moretti a signé une charte en ce sens.

– De surveillant à directeur –

Dans de nombreuses maisons d’arrêt, comme à Fleury-Mérogis, le changement était déjà en cours. « J’arrive avec mon enthousiasme pour développer ce qui existait déjà », note Franck Linares, particulièrement bien placé pour parler du rôle du surveillant.

Lui-même a commencé en 1985 comme gardien de prison à la maison d’arrêt de Châlons-en-Champagne (Marne). A-t-il ressenti le manque de reconnaissance du métier, déploré par de nombreux syndicats? Non, assure-t-il. Mais désormais à la tête de la plus grande prison d’Europe, il estime que « son rôle » est de participer à « la reconnaissance » de ce métier.

Concrètement, avec la charte nationale, les agents peuvent participer aux réunions avec la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP) ou contribuer à une audience d’évaluation, ou même être à l’initiative de fouilles de cellules s’ils le rapportent ensuite à leur hiérarchie.

Outre la reconnaissance des personnels, l’objectif est l’efficacité. Faire participer les surveillants « aux briefings, aux temps d’appels, aux debriefings » permet « qu’il n’y ait pas de déperdition d’information » et ainsi mieux prévenir les violences ou encore les suicides, assure M. Linares, en faisant visiter à l’AFP un des bâtiments de la prison.

Au quotidien, « les surveillants sont les réceptacles des mauvaises nouvelles: les détenus veulent parfois parler, parfois ils peuvent être agressifs », relève Anatole Picard-Lucchini, chef de détention, responsable du service infrastructure.

« Aujourd’hui les détenus savent que le surveillant n’a pas de rôle décisionnaire, donc ils bafouent son autorité », estiment les représentants locaux du syndicat Ufap-Unsa Justice. « Nous donner des responsabilités va pouvoir renforcer notre autorité », se félicite le syndicat. Même constat chez la CGT.

– « Gigantisme » sous contrôle –

L’association Observatoire international des prisons (OIP) craint au contraire que « donner plus de pouvoirs » au surveillant entraîne un manque de « dialogue » avec les détenus. Surtout à Fleury où il est déjà difficile, selon l’enquêteur à l’OIP François Bes, de « privilégier la médiation » du fait du grand nombre de prisonniers.

Avec un taux d’occupation à 127%, Fleury-Mérogis se situe légèrement en-dessous de la moyenne nationale à 132%.

Dans ses cellules, ce sont des adultes et des mineurs, des femmes et des hommes, des condamnés et des personnes en attente de jugement qui sont répartis, selon les profils, dans huit bâtiments contenant chacun 700 détenus. Avec des quartiers spécialisés, comme celui d’évaluation de la radicalisation ou encore celui réservé aux personnes transgenres, unique sur le territoire national.

Le tout encerclé par un mur de trois kilomètres.

« Ce gigantisme » ne pose pas de problème grâce à une « architecture bien pensée », assure Franck Linares. Comme ces couloirs en entonnoir conçus « pour voir en un coup d’œil » si la porte d’une cellule est ouverte. Ou la structure en tripales des bâtiments centraux, c’est-à-dire en forme d’hélice à trois branches, qui permettent qu’un surveillant soit « toujours visible » de ses collègues.

Et pour éviter encore davantage l’isolement des surveillants, Franck Linares prône le travail à plusieurs: « en binômage » ou « en îlotage ».

L’enjeu primordial est « la bonne gestion des flux », notamment pour éviter de « générer une ambiance » tendue, explique Franck Linares. « C’est comme un cadencier de la SNCF »: un retard en début de journée et c’est un retard pour les parloirs et donc « des frustrations », illustre-t-il.

« On nous confie des êtres humains. Alors tout ce qui profite à la personne qu’on a en charge profite par ricochet aux personnels ».

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