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Sondages de l’Elysée, Giacometti, l’autre conseiller extérieur de Sarkozy

Sa lettre commence par les mots « Cher Nicolas ». Au procès des sondages de l’Elysée, le tribunal a scruté mardi le rôle de Pierre Giacometti, ancien conseiller aux relations « étroites » avec le président Sarkozy, poursuivi pour recel de favoritisme.

Cheveux blancs et costume bleu nuit, l’ex-spécialiste des sondages de 59 ans est plus sobre à la barre que, la veille, son coprévenu et ancien collègue au « Château », Patrick Buisson.

Alors codirecteur général de l’institut Ipsos, Pierre Giacometti travaille entre 2002 et 2007 avec le ministre puis le candidat Sarkozy, avant de se voir proposer en mai 2007 un poste au cabinet du président nouvellement élu.

Dans une lettre où il assure le chef de l’Etat de son « amitié fidèle », il décline l’offre tout en suggérant, plus tard, la signature d’un contrat de conseil politique avec la société qu’il entend créer après son départ d’Ipsos.

Ce sera fait le 16 mars 2008, avec le tout jeune cabinet GiacomettiPeron.

« Vous semblez concevoir vos activités de manière très différente par rapport à Patrick Buisson », soulève l’imperturbable président du tribunal Benjamin Blanchet, après avoir relu ses déclarations pendant l’instruction.

« Sur le plan de la relation, de la fréquence des contacts » avec Nicolas Sarkozy, « il y avait similitude », mais « après 22 ans » comme sondeur chez BVA puis Ipsos, « mon rôle de diagnostiqueur était absolument neutre », assure-t-il.

« Je n’avais pas comme objectif d’essayer de convaincre le président d’une supposée ligne politique Giacometti face à une ligne politique qu’incarnait Patrick Buisson ».

Il prend comme exemple le scandale, en 2009, autour de la candidature de Jean Sarkozy, son fils, à la présidence de l’Epad, l’établissement public qui gère le quartier d’affaires de la Défense. Après « trois vagues d’enquête », il « constate » que, dans l’électorat UMP, « c’est en train de se dégrader »: il conseille au président de couper court.

Sa position extérieure au cabinet « l’aidait » à contrer un « syndrome de déconnexion » propre aux présidents de la Ve République, plaide-t-il.

Le contrat et ses avenants lui valent pourtant d’être au tribunal: ils représentent au total 2,15 millions d’euros d’argent public attribué de gré à gré, sans appel d’offres.

Une pratique qui n’avait rien d’illégal, soutient M. Giacometti, comme plusieurs de ses coprévenus avant lui, qui font valoir que depuis des décennies, l’Elysée n’appliquait pas le code des marchés publics.

« Entre 1985 et jusqu’en 2007, j’ai connu six secrétaire généraux », tous « énarques et anciens du Conseil d’Etat », affirme-t-il. « Jamais à aucun moment avec ces interlocuteurs il n’y a eu de discussion sur la passation d’appel d’offres ».

– « Vous êtes partout » –

Dans cette affaire, Pierre Giacometti a aussi joué un autre rôle. Alors qu’il était toujours membre de la direction d’Ipsos, en mai 2007, il propose à la présidence de reconduire un « baromètre mensuel » déjà utilisé par Jacques Chirac, ainsi que d’autres sondages ponctuels.

Il recommande aussi Julien Vaulpré comme « conseiller technique opinion », afin qu’il soit l’interlocuteur des sondeurs à l’Elysée – ce dernier est aujourd’hui son coprévenu.

En s’additionnant à ceux achetés par Patrick Buisson, ces sondages feront exploser le budget dédié en 2008 de 1,5 million d’euros à 3,28 millions d’euros – il fléchira ensuite, après le tout premier rapport de la Cour des comptes sur les finances de la présidence.

« Vous dites que vous êtes un conseiller extérieur, mais vous êtes partout » à l’Elysée, soulève le procureur financier François-Xavier Dulin. « Vous avez deux casquettes », puis « encore une autre »: « vous faites aussi du recrutement », ironise le magistrat, parlant de « confusion des genres ».

« Je n’ai pas placé » mais « recommandé » quelqu’un avec le « profil idéal », répond le prévenu.

Son ancien employeur Ipsos est lui aussi jugé pour recel de favoritisme – en cause, 1,5 million d’euros de sondages commandés par M. Vaulpré. Là non plus, pas appel d’offres.

A l’époque, « il est de notoriété publique » qu’il « n’y a pas de marchés publics » à l’Elysée, déclare à la barre le représentant d’Ipsos.

« En 2008, ce sont 744.000 euros d’argent public qui rentrent dans vos caisses ». « Il n’y a pas de contrat, aucune formalité de respectée (…) et vous me dites qu’Ipsos, numéro 3 mondial, ne se pose pas la question de ce mode opératoire ? » s’agace l’autre procureur financier Quentin Dandoy.

L’Elysée était « une exception, nous avons évolué comme tous les autres dans le cadre de cette exception. Le jour où ce cadre a changé, nous nous y sommes conformés », répond laconiquement le prévenu.

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