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Bao Vuong, artiste franco-vietnamien qui « fait parler la mer » en noir

Sur ses vagues peintes en noir, à l’huile, en couches épaisses, palpite la mémoire des boat-people meurtris par la guerre: bienvenue dans l’univers de Bao Vuong, artiste franco-vietnamien qui « fait parler la mer ».

En grand format ou plus petites, une vingtaine de ses toiles sont exposées à la galerie parisienne A2Z, dédiée aux artistes contemporains en particulier asiatiques. A peine présentée, la série « The crossing » (la traversée) a été vendue et les commandes affluent, s’émerveille l’artiste de 44 ans, à l’instar de ses amis galeristes, Ziwei-Léa et Anthony Phuong.

Comme sculptées au couteau à la peinture à l’huile noire, façon bas-relief, en symbiose avec un ciel lisse où surgissent parfois des nuages, les vagues de Bao Vuong appellent le visiteur à un ténébreux voyage nocturne, pourtant solaire, sur la mer: celui qu’il a vécu en 1979, bébé âgé d’un an à peine, avec sa soeur et ses parents, fuyant le Vietnam et les conséquences de la guerre.

Par un extraordinaire jeu d’ombres et de lumière, amplifié par des spots lumineux situés au-dessus des tableaux, les vagues et leurs remous donnent à voir un océan infini, étincelant, dans lequel l’observateur prend la place des exilés, à bord d’une embarcation. L’expérience hypnotise.

– Survivants –

Du noir profond, jaillissent l’écume et des éclats lumineux, scintillant comme des diamants, mêlés aux reflets de la lune: « cette lumière est comme un phare intérieur que chacun porte en lui et qui nous guide dans les moments les plus difficiles », dit à l’AFP l’artiste, au regard plein de douceur.

« Nous sommes tous des survivants… même si je ne l’ai pas vécu comme ma mère qui nous a maintenus hors de l’eau, ma soeur et moi, je porte en moi cette histoire », ajoute-t-il.

« Les vagues sont de plus en plus grosses, ça me permet d’avoir ce côté méditatif. Je suis en connexion avec les personnes qui ont vécu ce drame comme si elles guidaient ma main », poursuit-il, qualifiant son travail de « cathartique ».

« Contrairement à beaucoup d’artistes qui représentent la mer, Bao lui donne la parole. Il réconcilie l’art et le public néophyte », dit Anthony Phuong. On pense au peintre Soulages qui fait jaillir la lumière de son « outre-noir ».

– « Voyage initiatique » –

Son histoire et celle de sa famille, il ne l’a découverte qu’à 27 ans, lors d’un voyage au Vietnam. « Mes tantes se jetaient sur moi en pleurant parce qu’elles ne m’avaient vu que bébé. Ma mère a alors raconté son histoire pour la première fois », confie-t-il, ému. « J’ai appris vraiment d’où je venais. Ce voyage initiatique a été un déclic ».

L’une de ses toiles représente le visage de sa mère dans le ciel, montagne évanescente et « allégorie de la résilience, du courage, de la ténacité ».

Comme pour des milliers de réfugiés, la famille a fui de nuit. Elle a quitté le delta du Mékong avec beaucoup d’autres à bord d’une embarcation précaire.

Parquée dans un camp en Malaisie pendant une dizaine de mois après avoir subi trois attaques de pirates, elle a de nouveau été « jetée » en mer, à bord d’un bateau, « sans moteur, sans eau ni nourriture » et n’a dû son salut qu’à « un nuage au milieu du ciel bleu qui s’est mis à pleuvoir, un miracle », raconte Bao Vuong.

Récupérée par un navire humanitaire, sa famille a rejoint la France.

Le jeune homme a suivi une formation artistique à Toulon et travaillé dans plusieurs ONG, avant de retourner au Vietnam pour entamer une carrière d’artiste, puis revenir en France. Il a réalisé plusieurs performances et installations toujours en lien avec l’exil rendant hommage aux nombreux migrants morts en fuyant leur pays.

« J’apprends à rester dans le courant de la vie. Pour accepter la fin, la mort qui nous attend tous, il est bon de se dire +j’ai été cette vague et je rejoindrai l’océan+ », dit-il.

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