in

les « mama mboga » placent leurs derniers espoirs dans le futur président

Derrière son étal de fortune, une bâche en plastique posée au sol parsemée de bottes d’épinards et de feuilles de kale, Agneta Muhonja Ambane a le regard fatigué.

Cette grand-mère de 68 ans ans n’est pas rentrée chez elle hier soir. Elle a préféré dormir « dans le froid » dans un coin du marché d’Eldoret, ville du centre du Kenya, de peur de trouver chez elle son propriétaire qui lui réclame un loyer qu’elle ne peut plus payer.

Agneta est une « mama mboga » (« maman légumes » en kiswahili), comme on en trouve partout le long des rues, au bord des routes au Kenya. Ces mères de famille vendent quelques fruits, légumes, haricots ou poissons frits pour faire vivre leurs foyers.

Agneta vend des légumes depuis qu’elle a huit ans. Mais « aujourd’hui c’est vraiment dur, la vie est trop chère », soupire-elle.

Le Kenya fait face à une flambée des prix des denrées alimentaires et de l’essence, entamée avec la pandémie de Covid-19 et aggravée par la guerre en Ukraine. L’inflation a atteint 8,3% en juillet et le coût de la vie a été au coeur de l’élection présidentielle qui s’est tenue mardi.

L’enfant du pays, le vice-président sortant William Ruto qui figure parmi les deux favoris, s’est érigé en porte-parole des « débrouillards » (« hustlers ») qui luttent pour joindre les deux bouts. Son rival Raila Odinga, opposant historique désormais soutenu par le président sortant Uhuru Kenyatta, a également promis d’améliorer le sort du petit peuple.

Après avoir voté, les « mama mboga » d’Eldoret attendent désormais que le candidat élu – dont l’identité n’est pas encore connue – tienne ses promesses.

– Vente à perte –

Pour elles, la situation devient grave. Les clients se font de plus en plus rares.

Les maigres revenus d’Agneta Muhonja Ambane ont fondu. « Parfois, vous allez réaliser un bénéfice de seulement 100 shillings (80 centimes d’euros, ndlr) en une journée. Qu’allez-vous acheter avec 100 shillings ? », explique cette grand-mère de 27 petits-enfants, les bras croisés sur son tablier à carreaux orange : « Et vous pensez que c’est possible de subvenir aux besoins de ma famille avec ces légumes ? Ce n’est pas possible ».

« Lorsqu’on tombe malade, on ne peut pas se permettre d’aller à l’hôpital. Soit vous choisissez d’avoir de la nourriture dans l’estomac, soit d’aller à l’hôpital », poursuit-elle, avant de s’interrompre.

Une cliente demande le prix des épinards. Quelques mots échangés et elle repart. « Je lui ai dit 20 shillings (15 centimes d’euros, ndlr). Elle voulait 10, mais je l’achète à 15 ! », explique Agneta, dépitée.

Au bout d’une rue voisine, Julia Chepchirchir a, elle, décidé de vendre à perte. « Sinon, je ne vends rien », explique cette mère célibataire, la tête enturbannée d’un foulard rose.

« Depuis le Covid, on tourne au ralenti. On espère qu’après les élections, tout ira mieux. On essaie de vendre mais les gens n’achètent pas, l’argent ne circule pas (…) Je ne sais pas pourquoi les prix ont tellement augmenté, je n’ai jamais connu ça », ajoute-t-elle.

– « Pas d’autre choix » –

Cette quadragénaire, qui vit avec ses « trois bébés » de 20, 18 et 14 ans, a renoncé à l’ugali, plat à base de farine de maïs qui est l’aliment de base au Kenya : « La farine de maïs est trop chère, je suis obligée de manger du riz et des pommes de terre ».

« Je ne mange plus ni poisson, ni viande », confirme sa voisine d’étal, Gladys Nyaanga Yeno: « Nous ne mangeons que des légumes, mais pas des tomates parce que c’est trop cher. Le sucre, le savon, la farine de maïs… Tout a augmenté ».

« Il faut de l’aide du gouvernement. On doit payer les frais de scolarité, le loyer, certains de nos enfants deviennent des enfants des rues », poursuit cette femme de 35 ans.

De plus en plus de Kényans déplorent les promesses non tenues de la classe politique pour aider le « mwananchi », le citoyen lambda. Pour certains, cela explique l’abstention en hausse mardi, à près de 35%.

Mais pour les « mama mboga », « on n’a pas d’autre choix que d’espérer », glisse Gladys Nyaanga Yeno.

« Si ça continue comme ça, les vieilles femmes comme moi mourront à cause du coût de la vie et du stress que ça cause », confie Agneta, le regard dans le vide: « Parfois, je me dis que ce serait mieux de mourir et me reposer. Ce n’est pas ainsi qu’un être humain devrait vivre. Et il y a tellement de gens dans cette situation ».

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

GIPHY App Key not set. Please check settings

    pour Roselyne Bachelot, « cette affaire nous concerne tous »

    Jane Birkin ne s’est jamais remise de sa rupture brutale avec Serge Gainsbourg : « Je savais que j’allais le regretter »