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En France, chez les médecins aussi, la question de l’aide active à mourir fait débat

Pour les uns « donner la mort n’est pas un soin », pour d’autres « les patients doivent pouvoir décider de leur vie et de leur mort »: les débats sur la fin de vie, relancés en France, clivent aussi le corps médical.

« Pendant l’épidémie de Covid-19, une patiente au pronostic assez sombre a refusé la sédation pendant 48 heures car elle avait peur qu’on l’euthanasie », se souvient Marie-Béatrice Nogier, médecin réanimateur et néphrologue. Une illustration de la fragile relation de confiance entre le patient et le soignant.

Selon la médecin, c’est cette relation qui pourrait être « corrompue » par le récent avis du conseil consultatif national d’éthique (CCNE) ouvrant la porte, sous conditions, à une « aide active à mourir » pour les malades incurables en fin de vie.

Cela contraindrait les blouses blanches à « rompre » avec le serment d’Hippocrate, selon lequel le médecin « (fera) tout pour soulager les souffrances, ne (prolongera) pas abusivement les agonies, ne (provoquera) jamais la mort délibérément », ajoute-t-elle.

« Quand on me dit +je veux mourir+, je vais prendre le temps de parler, soulager la douleur, mettre en place un suivi psychologique », détaille de son côté Alix Durroux, gériatre.

Mais cet « appel au secours », qui n’est « pas rare », persiste rarement dans le temps. « Donner la mort, ce n’est pas un soin. Le vrai soin, c’est de comprendre ce qui est derrière la demande » du patient et l’accompagner, explique Mme Durroux.

Toutefois, certains patients émettent une demande répétée de mourir, comme le rappelle une ex-cadre de santé ayant requis l’anonymat. « C’est un cheminement du patient, qui émet la demande et qu’il faut accompagner » durablement.

– Développer les soins palliatifs –

Accompagnatrice clandestine de patients en fin de vie, elle estime que cette « liberté de partir lorsque la souffrance devient insupportable » leur est due.

En 2010, 0,6% des décès sont survenus par voie d’euthanasie en France, selon l’enquête sur la fin de vie en France de l’Institut national d’études démographiques.

Mais lorsque « tous les moyens sont mis en œuvre pour bien accompagner » les malades, en leur proposant des « activités qui redonnent sens à la vie », cette période se passe bien, selon Olivier Trédan, oncologue à Lyon. « Le problème, c’est que ce n’est pas le cas partout ».

Gaël Durel, vice-président de l’association nationale des médecins coordonnateurs en EPHAD (maisons de retraite) et du médico-social (MCOOR), relève un manque « d’anticipation, d’identification (des pathologies) et de formation » des personnels sur la fin de vie, auquel s’ajoute un accès inégal selon les territoires aux unités de soins palliatifs.

« Nous avons déjà quatre lois pour renforcer l’accès aux soins palliatifs, c’est surprenant d’en vouloir une cinquième ».

Il reconnaît toutefois que, dans des situations « très exceptionnelles », en cas d’échec des soins palliatifs, de détresse psychologique du patient, des décisions collégiales « autres que la sédation profonde et continue » (autorisée par la loi, NDLR) peuvent être prises. Mais « l’exception ne peut devenir une possibilité » légale.

– Dialogue « fondamental » –

Or, des « fins de vie longues, lentes, peuvent parfois s’accompagner de souffrances, parfois réfractaires », selon Régis Aubry, deuxième co-rapporteur de l’avis du CCNE et chef du département douleurs et soins palliatifs du centre hospitalier universitaire de Besançon (centre-est).

Alors se pose, selon lui, la question d' »agir au mieux en respectant l’autonomie de ces personnes et le devoir de solidarité envers leur souffrance ».

Pour un médecin anesthésiste-réanimateur à la retraite ayant requis l’anonymat, « les patients doivent pouvoir décider de leur vie et de leur mort », si cette demande est réfléchie, répétée et insistante: « on n’est pas le maître de la vie des patients ».

Selon lui, l’interdiction du recours au suicide assisté peut aussi entraîner les patients à se suicider. « C’était le cas aussi lors des débats autour de l’interruption volontaire de grossesse », se souvient-il, « les femmes s’infligeaient des choses affreuses » pour avorter clandestinement.

L’Ordre des médecins n’est « pas favorable à l’euthanasie » et considère qu’en cas de nouvelle loi, les médecins doivent bénéficier d’une « clause de conscience ».

Huit organisations de soignants ou d’établissements de soins palliatifs s’étaient de leur côté inquiétés des effets d’un « changement éthique majeur ».

Pour Jean-François Delfraissy, président du CCNE, un dialogue va être « fondamental avec l’ensemble des équipes soignantes, en particulier celles qui s’occupent des soins palliatifs », avant une hypothétique nouvelle loi.

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