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« Je suis une survivante », témoigne aux assises la victime d’une tentative de féminicide

Amandine montre au jury de la cour d’assises du Val-d’Oise sa cicatrice de 10 centimètres au cou, stigmate de la tentative d’égorgement de son ex-conjoint en 2019. « Je suis une survivante, je ne peux pas baisser les bras », dit-elle avec détermination.

Pendant une heure et demi, cette femme de 38 ans a retracé sa vie, depuis une enfance chaotique marquée par l’abandon de ses parents toxicomanes à sa relation émaillée de violence avec Diabel Faye, poursuivi pour tentative de meurtre sur conjoint et qui encourt la perpétuité.

Dans leur couple, dont la relation en pointillés a duré huit ans, les violences ont d’abord été verbales.

« Les insultes c’était quotidien. C’était +sale pute, sale porc, t’es une salope, personne ne voudra jamais de toi, t’es trop moche, t’es trop grosse+ », liste Amandine, d’une voix claire et sans se laisser submerger par l’émotion.

Dans le box des accusés, l’homme de 41 ans suit attentivement les débats, à l’aide d’un bloc-notes et d’un stylo. Ses prises de parole sont ponctuées de désinvolture, parfois d’un sourire narquois.

Elle date le premier épisode de violence physique à sa première grossesse, peu de temps après le début de leur relation. Lorsque Diabel Faye a appris que l’enfant à naître était une fille « il a pété un plomb, j’ai pas compris », témoigne Amandine.

« Il m’a fait une prise de judo. C’était la première fois qu’il était violent. Après ça, il est revenu en s’excusant ». Et comme beaucoup de femmes victimes de violences, elle a accepté son retour, ajoute-t-elle.

Les violences deviennent alors quotidiennes, même après des condamnations pour violences conjugales en 2014.

Pourquoi restait-elle avec son bourreau? Par peur de l’abandon, pour construire un idéal de vie de famille, avance la psychologue qui a procédé à son expertise. « Le besoin d’être aimée était très supérieur au besoin d’être respectée », note-t-elle.

Amandine évoque aussi la peur de représailles et les sentiments amoureux qu’elle ressentait encore à l’époque.

– Peur de sa sortie de prison –

Lorsqu’ils se sont rencontrés en 2009, « c’était passionnel, on s’est retrouvés dans nos histoires familiales ».

« C’est un peu deux âmes perdues qui se retrouvent, ils ont tous les deux un passé familial assez lourd. J’avais des craintes », raconte la mère de l’accusé.

Le père de Diabel Faye, un thésard en lettres modernes sénégalais était schizophrène. Assommé par son lourd traitement neuroleptique, il est absent de la vie de ses deux enfants jusqu’à sa mort en 2011.

Diabel Faye tombe dans l’alcoolisme dès l’adolescence. Le jour des faits, il est interpellé avec 2,3 grammes par litre de sang.

L’alcool et les violences parcourront toute la vie de ce couple, parents de quatre enfants, aujourd’hui âgés de 6 à 11 ans.

Amandine a le déclic en 2017, lorsqu’il insulte leur fille cadette. « J’avais peur que (les enfants) soient les prochaines victimes de Monsieur Faye, j’ai pris mes affaires, mes enfants et je suis partie », raconte-t-elle.

Elle quitte le Val-de-Marne et s’installe à Margency, un village du Val-d’Oise. De passage pendant les vacances d’été, c’est dans la maison de son ex-conjointe que l’accusé saisit un couteau à pain et vise le cou au cours d’une énième dispute sur sa consommation d’alcool. La scène a lieu en présence des enfants.

« J’ai été agressé par quelqu’un que j’ai pris pour un sanglier mutant comme dans les tortues Ninja et je me suis réveillé dans un parc tout plein de sang », dit de l’agression Diabel Faye lors d’un interrogatoire laborieux, marqué par son énervement, son manque de collaboration et ses saillies provocatrices.

Si des troubles de la personnalité ont été relevés par les experts psychiatres, aucune pathologie n’a été diagnostiquée.

Regrette-t-il son geste? « On ne peut pas regretter ce qu’on ne choisit pas », répond-il, rejetant la faute sur son ex-conjointe qui l’aurait agressé et sa consommation d’alcool.

Aujourd’hui, Amandine a tourné la page, « a repris le contrôle de sa vie », gère une entreprise de déménagement de huit salariés. Mais elle reste traversée par la peur.

« J’ai très peur de la sortie » de Diabel Faye de prison, confie-t-elle. « J’aimerais savoir quand il sort exactement pour pouvoir partir en province où il ne me retrouvera pas ».

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