Des dirigeants militaires et des groupes civils au Soudan ont signé lundi un accord-cadre pour tenter de sortir le pays de l’impasse, une initiative rejetée par des manifestants qui ont crié à la « trahison ».
L’accord, salué par l’ONU et plusieurs pays, a été conclu après de multiples tentatives lancées après que le chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, a pris le pouvoir et évincé les dirigeants civils lors du putsch d’octobre 2021.
Le coup d’Etat a fait dérailler une transition difficile vers un régime civil installé après l’éviction en 2019 sous la pression de l’armée et de la rue de l’ex-président Omar el-Béchir, au pouvoir pendant près de trois décennies et aujourd’hui en prison.
Depuis, des manifestations quasi hebdomadaires contre le putsch ont lieu dans ce pays pauvre frappé par une crise économique et une montée de la violence inter-ethnique.
L’accord-cadre a été signé par le général Burhane, le commandant paramilitaire Mohamed Hamdan Daglo ainsi que plusieurs groupes civils, notamment les Forces pour la liberté et le changement (FFC) dont les représentants ont été évincées lors du coup d’Etat.
Cette initiative a été aussitôt dénoncée par des centaines de Soudanais qui se sont rassemblés à Khartoum en criant « l’accord est une trahison » et les FFC « ont vendu notre sang ».
« Nous rejetons cet accord car il a ignoré les demandes de justice réclamées par la rue pour les personnes tuées », a déclaré Mohamed Ali, l’un des manifestants dispersés à coups de gaz lacrymogènes.
La répression des manifestations anti-putsch a fait 121 morts, selon des médecins prodémocratie.
– Premier pas –
Après le coup d’Etat, les divisions entre les différents blocs civils se sont amplifiées, certains appelant à un accord avec l’armée et d’autres excluant toute négociation avec les militaires.
L’accord signé lundi a été négocié sous l’égide de responsables de l’ONU, de diplomates occidentaux ainsi que des représentants d’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis, selon les FFC.
« C’est le point culminant des efforts soutenus déployés par les parties prenantes soudanaises durant l’année écoulée pour trouver une solution à la crise politique et rétablir l’ordre constitutionnel », a déclaré le représentant spécial de l’ONU, Volker Perthes, présent à la cérémonie de signature.
Les Etats-Unis, la Norvège, le Royaume-Uni, les Emirats et l’Arabie saoudite ont salué l’accord qualifié de premier pas vers l’établissement d’un gouvernement dirigé par des civils et vers une transition aboutissant à des élections.
Le patron de l’ONU Antonio Guterres a appelé les parties soudanaises à « travailler sans délai » pour parvenir à un « accord durable et politiquement inclusif ».
– « Véritable crise » –
Il y a plusieurs mois, le général Burhane, qui dirige le Conseil souverain, a promis un retrait de l’armée du pouvoir pour permettre aux groupes politiques de former un gouvernement civil.
Durant la cérémonie de signature, le général Daglo a réitéré l’engagement de l’armée à quitter la scène politique en déclarant qu’il était « essentiel de construire un régime démocratique durable ».
L’accord, intervenu après une réunion vendredi entre les FFC et d’autres groupes politiques avec de hauts responsables militaires, constitue la première étape d’un processus politique en deux phases.
« L’accord-cadre jette les bases de l’établissement d’une autorité civile de transition », ont indiqué les FFC, en soulignant que d’autres groupes civils l’avaient également signé.
La deuxième phase comprend un accord final traitant de questions telles que la justice transitionnelle et les réformes de l’armée, une phase qui devrait être achevée « d’ici quelques semaines », selon les FFC.
Mais cette partie est beaucoup plus épineuse, des experts se demandant si l’armée serait disposée à renoncer à des intérêts économiques et à de larges pouvoirs.
La première phase « est un engagement de très bas niveau de la part de Burhane qui lui permet de survivre » politiquement, a déclaré Kholood Khair, analyste d’un groupe de réflexion basé à Khartoum.
Pour elle, les signataires seront probablement confrontés à « une véritable crise dès qu’ils commenceront à parler sérieusement des réformes du secteur de la sécurité, de la justice transitionnelle (et) de la responsabilité financière ».
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