in

Comment Whistler a influencé la peinture de son temps

Quel est le dénominateur commun entre l’artiste britannique Walter Sickert, l’Autrichien Gustav Klimt et le danois Vilhelm Hammershøi ? Ces artistes se sont tous trois inspirés du peintre américain James Abbott McNeill Whistler (1834-1903).

Si ce nom est aujourd’hui loin d’être oublié, il n’évoque cependant pas les grands patronymes qui rencontrent la faveur du public français, tels que Claude Monet ou Vincent Van Gogh. Pourtant, Whistler a été l’un des artistes les plus observés par ses pairs, comme en témoigne l’exposition qui se tient jusqu’au 22 septembre au musée des beaux-arts de Rouen, « James Abbott McNeill Whistler : l’effet papillon ».

Alice Pike Barney, James McNeill Whistler, 1898, pastel sur papier.

L’omniprésence de Whistler

L’histoire de l’art de la seconde moitié du XIXe siècle est de nos jours résumée dans les manuels de façon linéaire et simplifiée par un enchaînement de mouvements artistiques : au réalisme succède l’impressionnisme, lequel précède le postimpressionnisme et le symbolisme menant au fauvisme puis au cubisme.

Ce schéma fait une place de choix à l’impressionnisme, compris comme le point de départ de l’art moderne. La réalité est plus complexe et de nombreux mouvements artistiques restent à découvrir. Parmi eux, le whistlérisme, phénomène artistique international dont Whistler est la figure tutélaire. Ce courant a la particularité de s’épanouir entre la fin des années 1870, période marquée par le procès opposant l’artiste au critique d’art anglais John Ruskin, et les prémices de la Grande Guerre. Cet « -isme » méconnu, invisibilisé à la suite du décès de l’artiste à la faveur d’un mythe historiographique qui fait de lui une figure solitaire, un génie incompris, trop singulier pour faire école, est un prisme inédit pour l’étude de l’histoire de l’art de la seconde moitié du XIXe siècle.

Si les premières occurrences du terme whistlérisme, inventé par la critique d’art, apparaissent dans une acception péjorative, à partir de l’année 1879 en Angleterre, ce néologisme éveille l’attention du public et des artistes, renforçant la popularité de Whistler et son accession au rang de chef de file. Sa participation régulière aux expositions à la renommée internationale à Munich, Bruxelles, Vienne, Paris et Londres fait grandir sa réputation en Europe, et permet la circulation de ses toiles majeures, commentées par une abondante littérature critique.

La diffusion de son œuvre par le biais des revues et des expositions, comme les Sécessions, provoque des échos dans l’Europe entière, touchant des artistes aussi divers que Jacques-Émile Blanche, Fernand Khnopff ou John White Alexander. De fait, le nom de Whistler semble exemplaire d’un certain art et a la propension à fasciner ses contemporains à partir du milieu des années 1880. L’art de Whistler s’affirme grâce à une composante majeure : la finalité d’une œuvre n’est pas d’illustrer un sujet.

L’artiste dans son Atelier, James McNeill Whistler, 1865–66 et 1895, détail.
Art Institute Chicago

Le chantre de la modernité

L’attrait pour Whistler s’articule notamment autour de la production de paysages nocturnes, de portrait hiératiques fantomatiques qui reprennent les codes esthétiques mis en place par l’artiste tel que le recours à une palette restreinte de couleurs, dominée par les tonalités sombres ou au contraire aux harmonies en blanc, une touche vaporeuse comme un « souffle sur une vitre », une revendication du concept de l’art pour l’art faisant d’une peinture un arrangement de lignes, de formes et de couleurs à des fins purement esthétiques avant de représenter une quelconque narration.

[Déjà plus de 120 000 abonnements aux newsletters The Conversation. Et vous ? Abonnez-vous aujourd’hui pour mieux comprendre les grands enjeux du monde.]

Si l’on reprend la célèbre formule de Maurice Denis – peintre français appartenant au groupe des Nabis – en 1890, nous pouvons statuer que pour Whistler, un tableau, avant d’être « un cheval de bataille, une femme nue » est avant tout « une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblé ». Whistler ne peint ni d’après la nature ni selon l’idéal mais bien dans un style qui lui est propre. Les recherches menées à l’occasion de l’exposition « James Abbott McNeill Whistler : l’effet papillon » ont démontré que le peintre est allé très loin dans l’observation des maîtres classiques, dont Vélazquez, mais aussi des japonaiseries afin d’affirmer son autonomie, « sa » manière.

Roses et éventail japonais, Fernand Khnopff, 1885, MET Museum.
Wikimedia

Le paradigme du whistlérisme est convoqué par des artistes cosmopolites qui expérimentent les dernières innovations picturales lancées par Whistler afin de légitimer leurs propres pratiques. Ils reconnaissent en lui le prophète de la modernité. Le « whistlerisme » est d’abord propagé par des disciples directs, de jeunes artistes se formant dans l’atelier du maître comme Walter Sickert ou encore Mortimer Menpes, avant de trouver un large écho à l’international.

Whistler l’imité

Par son allure distinguée et flamboyante, il intrigue ses contemporains tandis qu’il devient le modèle de prédilection des photographes, des caricaturistes, des peintres et des lettrés, Proust s’en inspire même pour le personnage d’Elstir dans À la recherche du temps perdu. La personnalité de Whistler exerce une intense fascination sur les milieux artistiques de son temps. Son allure de dandy, sa verve provocatrice, la théorisation de son art, la radicalité de sa peinture qui ouvre une voie distincte de l’impressionnisme et du naturalisme, forgent sa légende.

James Abbott McNeill Whistler par William Merritt Chase, 1885.
Metropolitain Museum of Art

Artiste refusé au Salon de 1863, à l’instar d’Édouard Manet, il n’est pourtant pas un artiste maudit. S’il est un artiste qui a su rallier les disciples, c’est bien lui. Deux de ses peintures Symphonie en blanc n°1 : la jeune fille en blanc et Harmonie en gris et noir n°1 : Portrait de la mère de l’artiste connaissent une réception florissante et deviennent des poncifs que les artistes se réapproprient. Ces deux œuvres connaissent une postérité importante, comme en témoigne leur récupération par la culture populaire. Harmonie en gris et noir n°1 : Portrait de la mère de l’artiste est d’ailleurs devenu un mème Internet maintes fois décliné.

À travers l’exposition « James Abbott McNeill Whistler : l’effet papillon », il s’agit véritablement de mettre en lumière l’attraction exercée par Whistler sur la peinture européenne et américaine en faisant dialoguer plusieurs exemples révélateurs parmi les 188 huit œuvres présentées, afin de dessiner les contours d’une constellation d’artistes qui, à la manière d’une société́ secrète composée d’initiés, ont propagé la vision du plus européen des peintres américains. Whistler a donc marqué de son influence déterminante l’histoire de l’art de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, à la fois en Europe et aux États-Unis.

CLIQUEZ ICI POUR LIRE L’ARTICLE SOURCE SUR theconversation.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

GIPHY App Key not set. Please check settings

    Côte d’ Ivoire-AIP/Sécurité routière : Un don de 20 casques pour soutenir le programme « Stop à l’incivisme » à Zouan-Hounien – AIP

    Gary Lineker et Micah Richards choqués par l'aveu d'Erik ten Hag