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Giorgia Meloni plus que jamais au cœur du jeu politique italien… et européen

Les résultats des élections européennes en Italie donnent lieu à une série d’observations sur le cadre politique italien et sur ses interactions avec le jeu politique européen.

La tendance naturelle des commentateurs consiste à comparer le résultat des européennes avec celui des dernières élections législatives, tenues en 2022. Si l’on suit cette logique, on constate une légère croissance du principal parti de la coalition au pouvoir, Fratelli d’Italia, la formation de Giorgia Meloni, qui gagne presque 2 points, avec 28,8 % des votes exprimés, ainsi qu’une nette progression du Parti démocrate (PD, centre gauche), qui gagne 5 points pour arriver à 24 %. On observe également un net recul du Mouvement cinq étoiles (M5S) qui passe de 15 % à 10 %. On l’aura compris : le leadership de Giorgia Meloni à la tête de la coalition de gouvernement aura été conforté par les urnes, de même que la position de la nouvelle dirigeante du PD, Elly Schlein.

Une scène politique éclaircie

Le scrutin européen marque ainsi la consolidation de la division bipolaire droite/gauche en Italie. Giorgia Meloni et Elly Schlein ont réussi leur opération : les dirigeantes de Fratelli d’Italia et du Parti démocrate, qui avaient toutes deux pris la tête des listes de leurs partis, incarnent aujourd’hui une forme d’hégémonie sur leurs camps respectifs, ce qui engendre un effet stabilisateur sur la scène politique italienne.

À gauche, la contre-performance du M5S le place dans une position d’infériorité par rapport au Parti démocrate alors qu’il y a quelques années, il semblait être capable de renouveler l’offre politique en marginalisant la gauche classique. Le succès du PD renforce le leadership d’Elly Schlein sur son camp et semble pouvoir stabiliser un parti qui avait jusqu’il y a peu tendance à changer de secrétaire au gré des défaites électorales.

Elly Schlein marque également le renouveau sociologique d’une gauche qui prend en compte les thèmes identitaires : dans le chapitre « L’Europe féministe » de son programme pour les européennes, le PD revendique pour les individus la liberté de définir librement l’orientation sexuelle et l’identité de genre, alors que le projet de Fratelli d’Italia déclare vouloir combattre les idéologies qui voudraient « nier les identités », comme la théorie du genre.

Notons également que le bon résultat du PD (il disposera de 21 sièges contre 16 auparavant) lui permettra de retrouver une place incisive au sein du Parti socialiste européen (PSE) et donc de jouer un rôle plus important dans la coalition qui soutiendra la future Commission au Parlement européen.

Elly Schlein pendant un meeting de campagne à Gênes, le 31 mai 2024.
Angelaravaioli/Shutterstock

Le M5S semble payer une série d’erreurs, notamment la loi de remboursement à 110 % des travaux de réfection des habitations, le « superbonus », une mesure voulue par le M5S dont le coût est sans cesse revu à la hausse : on parle désormais d’un coût global avoisinant les 200 milliards d’euros, un véritable boulet pour les finances publiques italiennes.

Ce retour au bipolarisme est également caractérisé par l’affaiblissement des centristes libéraux et pro-européens, c’est-à-dire des listes dirigées par Carlo Calenda, Emma Bonino et Matteo Renzi, qui paient le prix de leurs divisions et ont du mal à maintenir leur espace politique face aux deux blocs.

À droite, la confirmation du recul de la Ligue

Si l’on compare les élections européennes au précédent scrutin européen, celui de 2019, d’autres tendances apparaissent.

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Il y a cinq ans, la Ligue caracolait en tête avec 34 % des suffrages, tandis que le M5S (à l’époque positionné comme force transversale) dépassait 17 %. Ces deux forces populistes, qui étaient coalisées au sein du premier gouvernement Conte (juin 2018-septembre 2019), ont depuis connu un sort difficile. L’Italie semble avoir tourné la page de la « parenthèse populiste » pour retourner à la bipolarisation gauche/droite, une évolution à laquelle l’affirmation de Giorgia Meloni comme leader du camp de droite a largement contribué.

Meloni a, de ce point de vue, récupéré l’héritage de Silvio Berlusconi, devenant la personnalité centrale de la droite italienne et déterminant une polarisation d’attraction et de rejet – une dynamique qui pourrait caractériser la politique italienne au moins à moyen terme.

Par ailleurs, la Lega semble désormais cantonnée au rôle d’allié au sein de la coalition, avec un Matteo Salvini qui cultive une posture populiste souvent extrémiste mais qui n’arrive plus à mobiliser autant qu’au cours des scrutins précédents. Cette division des rôles peut apparaître comme fonctionnelle dans le cadre de la coalition de droite : Forza Italia, le parti héritier de la tradition de Silvio Berlusconi, se place au centre droit ; Fratelli d’Italia occupe une position hégémonique au centre de la coalition et tient le cap de la ligne de gouvernement ; enfin, la Lega joue une partition plus radicale en insistant sur les thèmes de l’immigration et de l’insécurité.

De fait, cette alliance entre trois formations qui siègent à Bruxelles dans trois groupes différents (PPE pour Forza Italia, CRE pour Fratelli d’Italia et ID pour la Lega) permet à la coalition de droite de ratisser large : des différences idéologiques peuvent apparaître parfois, mais c’est le parti de Giorgia Meloni qui indique le cap.

Meloni plus influente au sein de l’UE

Au niveau européen aussi, la position de Giorgia Meloni a été renforcée par les élections qui viennent de se tenir. Elle a depuis longtemps affiché son rapprochement avec l’actuelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui est candidate à sa propre succession avec l’appui de son parti, le PPE, première formation en nombre de sièges dans l’hémicycle de Strasbourg.

Fratelli d’Italia ne faisait pas partie de la coalition européenne sortante, qui devrait être reconduite, et qui rassemble le PPE (centre droit), le PSE (centre gauche) et les centristes de Renew Europe : lors de la dernière législature, le parti siégeait, nous l’avons dit, au sein du groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE), aux côtés, entre autres, des Espagnols de Vox et du parti polonais Droit et Justice.

Giorgia Meloni est donc en dehors de la coalition européenne. Mais le Parlement européen a une règle de fonctionnement qui ne prévoit pas un caractère rigide pour les membres de la coalition. Aussi Meloni pourrait-elle apparaître comme une potentielle force d’appui externe, capable de voter ponctuellement aux côtés du PPE, ce qui par ailleurs correspond également à la droitisation de ce parti, en particulier au vu de l’évolution de la CDU/CSU allemande.

Vers un rapprochement avec le RN ?

Cette possibilité augmente le pouvoir transactionnel de Giorgia Meloni au niveau des jeux parlementaires strasbourgeois. Sa capacité d’attraction pourrait également déterminer des convergences ultérieures. Jusqu’ici, les deux groupes se trouvant à la droite de la droite, CRE d’un côté et ID de l’autre, étaient caractérisés par leurs divergences mais aussi par une relative adversité entre les différents leaders.

Ainsi, Giorgia Meloni prenait grand soin de ne pas s’afficher avec Marine Le Pen et ne reconnaissait pas le Rassemblement national comme allié, alors que Matteo Salvini, lui, cultivait ce rapport privilégié. Il faut rappeler qu’historiquement l’évolution de la famille politique de Giorgia Meloni – Alleanza Nazionale, transformée en Fratelli d’Italia – s’était accompagnée en 1998 d’une prise de distance explicite à l’égard du Front national. En mai dernier encore, les deux responsables politiques ont participé au meeting du parti espagnol Vox « Europa Viva 2024 », où Giorgia Meloni n’est intervenue qu’en vidéo alors que Marine Le Pen s’était rendue sur place.

La perspective d’un gouvernement Rassemblement national en France pourrait accélérer un rapprochement qui ne semblait jusqu’ici pas à l’ordre du jour : dans ce cas, il ne s’agirait pas seulement d’un réchauffement des relations entre les Fratelli et le RN, mais il s’agirait surtout, pour le gouvernement italien, de maintenir des bons rapports avec l’un de ses principaux partenaires européens.

De plus, en cas d’accession du RN aux responsabilités, ce parti pourrait chercher, au Parlement européen, à sortir de l’isolement du groupe ID, qui a toujours été tenu en dehors du périmètre de la décision politique strasbourgeoise. Ici encore, le rôle de Giorgia Meloni et de Fratelli d’Italia pourrait se révéler décisif, du fait de leur capacité à établir un pont entre le PPE d’un côté et ID de l’autre, voire à intégrer le parti de Marine Le Pen au sein de son propre groupe – et ce d’autant plus que cette dernière a annoncé sa rupture avec l’AfD, marquant sa différence avec la frange la plus extrémiste d’ID.

Les futures élections législatives en France introduisent une dimension de fluidité dans ces évolutions, mais la stabilité de l’actuelle coalition italienne et la force du leadership de Giorgia Meloni constituent en tout état de cause une donnée à prendre en considération pour les futurs enjeux européens.

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