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Redynamiser les centres-villes par le commerce, c’est possible !

Depuis plusieurs décennies, les villes françaises font face au déclin de leurs commerces de centre-ville. Avec l’essor des hypermarchés en périphérie, l’explosion du commerce en ligne, les villes petites et moyennes ont vu leurs commerces centraux dépérir. La situation a été aggravée par la crise de la Covid 19, même si des recherches ont déjà montré qu’une approche renouvelée et plus complexe du commerce en centre-ville était gage de résilience.

Dès le début des années 2000 d’ailleurs, des démarches volontaristes ont vu le jour au niveau local. Elles ont d’une part été impulsées et soutenues par l’État à travers notamment le lancement du programme de rénovation urbaine Cœur de Ville. Mais elles témoignent d’autre part d’un renouvellement de l’action publique locale qui a pris le nom de management de centre-ville, et se retrouve au cœur de la redynamisation.

Un manager, pourquoi faire ?

Historiquement apparu au Royaume-Uni au cours des années 80, dans la continuité du nouveau management public, le management de centre-ville est relativement récent en France. Le principe était d’utiliser les outils du marketing et les opportunités partenariales avec une pluralité de parties prenantes (y compris privées) pour améliorer l’attractivité des centres-villes. En France, cela se traduit par le développement d’Offices du Commerce (le premier apparaît en 1996 à Bayonne) et par la création de postes de managers de centre-ville (dont la majorité sont recrutés après 2014).

La multiplication des actions aujourd’hui entreprises se manifestent par une grande variété terminologique (Bureau du Commerce, Office du Commerce, Mission Commerce, Office du Commerce et de l’Artisanat pour lister quelques-unes des appellations de ces nouvelles structures), mais aussi et surtout par une diversité de pratiques.

Derrière un engouement commun pour une action locale volontariste, on trouve en fait des projets assez distincts, portés par des structures et des outils et rassemblant des parties prenantes elles aussi distinctes.




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Pour rendre compte de ce foisonnement de façon intelligible, nous avons mené une recherche auprès d’une trentaine de villes françaises, moyennes pour la plupart, contactées par l’intermédiaire du CMCV, afin de mieux comprendre les logiques mises en œuvre par les villes et leurs managers. La recherche a été soutenue par le Grand Reims, dans le cadre de son projet d’ouverture de Reims Commerce, qui s’est faite en 2023. Elle a donné lieu à la rédaction d’un livre blanc sur lequel nous nous appuyons ici. Notre analyse nous conduit à distinguer et caractériser quatre idéaux types de logiques organisationnelles suivies par les villes : les logiques de développement urbain, de guichet unique, de promotion commerciale et de créations de communs (tableau).

Renforcer l’attractivité des centres-villes

La logique de développement urbain vise à utiliser le commerce pour renforcer l’attractivité des centres-villes, notamment face à la concurrence des centres commerciaux en périphérie. Les villes adoptent diverses stratégies centrées sur l’immobilier commercial, telles que la préemption de locaux, l’imposition de taxes sur les locaux vacants et la création de bourses aux locaux disponibles.

Ces initiatives sont généralement pilotées par les collectivités locales à travers des structures dédiées, souvent soutenues par des agences d’attractivité et des sociétés d’économie mixte. Leur objectif est de faire venir des commerces, qu’ils soient nationaux ou locaux, pour revitaliser les centres-villes et lutter contre la vacance commerciale.

« On accompagne les porteurs de projet qui veulent s’installer, dans toutes leurs démarches : recherche de locaux, démarches administratives pour la Ville (s’ils ont besoin d’une enseigne, d’une terrasse, on les oriente et on essaie de simplifier les démarches). […] On est essentiellement un service de coordination et de médiation pour faire le lien entre la collectivité et les acteurs » (Poitiers)

Une initiative assez fréquente allant dans le sens de cette logique est celle des boutiques éphémères, qui permettent d’identifier des projets de commerce et de les accompagner pendant une phase de test. Le but est de faire en sorte que ces projets puissent ensuite s’ancrer de façon durable dans le centre-ville.

Cette approche cible un consommateur enraciné, attiré par l’activité et l’ambiance sociale des centres-villes. Pour le toucher, une communication institutionnelle axée sur les événements du quartier et les infrastructures de transport est privilégiée. Ainsi, la logique de développement urbain cherche à créer une atmosphère vivante et intéressante dans les centres-villes, tout en favorisant une connexion émotionnelle avec les habitants.

Une meilleure coordination avec les pouvoirs locaux

La logique de guichet unique vise à simplifier les relations entre les collectivités et les commerçants. Son objectif est de remplacer une approche bureaucratique fragmentée par un point d’accès centralisé offrant une gamme complète de services. Inspirés des offices du tourisme, les offices du commerce sont alors incarnés par des bureaux implantés au cœur des villes, pour assurer une accessibilité maximale. C’est notamment cet enjeu qui a stimulé l’ouverture de Reims Commerce.

Les structures de ce type offrent une variété de services, notamment des permanences avec différents services municipaux, des salles de réunion et des programmes de formation pour les commerçants. Les mesures de performance évaluent l’activité de ces bureaux en fonction du nombre de dossiers traités, de commerçants accueillis et de formations dispensées. Généralement pilotée de plus ou moins près par les collectivités locales, cette approche nécessite des acteurs d’interface aux compétences relationnelles et politiques affirmées, pour faciliter la coordination entre les commerçants et les autorités municipales.

Les responsables de ces bureaux sont souvent issus des collectivités en raison de la nature politique de leur fonction. Les consommateurs associés à cette stratégie sont pragmatiques, axés sur des objectifs d’achat rationnels. Pour eux, l’accent est mis sur la facilitation de l’accès à l’information pertinente pour prendre des décisions d’achat, ce qui nécessite une circulation efficace et une visibilité accrue de l’information sur l’offre commerciale.

La logique de promotion des commerçants

La logique de promotion des commerçants vise à valoriser l’offre commerciale des centres-villes pour contrer la concurrence des grands centres commerciaux en périphérie et du commerce en ligne. Cela se traduit par un accompagnement des commerçants dans leur transition vers le numérique, avec des initiatives telles que le “pool numérique mulhousien” ou des plates-formes de vente en ligne locale. En parallèle, la création de marques locales (comme Roubaix Shopping ou Bayonne Shopping) permet de communiquer via les réseaux sociaux sur l’offre des commerçants et d’accroître leur visibilité.

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Pour favoriser la fréquentation des commerces, des outils tels que les cartes-cadeaux locales sont mis en place, offrant des avantages exclusifs aux consommateurs. Cette logique implique une collaboration étroite avec les associations de commerçants, les collectivités intervenant souvent pour dynamiser leur action en finançant des postes dédiés. Le consommateur correspondant à cette stratégie est épicurien, recherchant une expérience d’achat paisible et enrichissante en centre-ville.

Le client est sensible aux nouveautés et à la qualité des produits, ce qui nécessite une communication efficace des commerçants sur les réseaux sociaux et une mise en valeur visuelle de leur offre. Ainsi, la promotion des commerçants vise à répondre aux besoins des consommateurs épicuriens en valorisant l’expérience d’achat et en renforçant le lien entre les commerçants et leur clientèle locale.

Création d’une communauté durable

La logique de création de communs dans le management des centres-villes s’inscrit dans une volonté de construire avec les commerçants une communauté durable, englobant les enjeux sociétaux et environnementaux. Cela implique une fédération des parties prenantes du territoire autour de valeurs d’interdépendance et de solidarité, favorisant la consommation locale et la mutualisation des ressources.

Sur le plan technique, cette démarche se matérialise par exemple par la mise en place de labels environnementaux pour les commerçants et des formations sur la durabilité. De plus, des initiatives logistiques, telles que les plates-formes de livraison en vélo-cargo, sont encouragées pour réduire l’empreinte carbone, comme à La Rochelle. Sur un plan organisationnel, cette logique nécessite une implication démocratique des acteurs, par le biais de structures de concertation et de représentation diverses, incluant les élus, les commerçants, et les habitants – pour activer le levier d’une communauté de consommation.

« Depuis 2014, il y a la démarche globale de la Ville par rapport à la démarche de réduction des déchets. Donc il y a les familles, les entreprises, les commerces. […] Alors c’est vrai que d’abord il y avait un label de base et maintenant il y a le label “Expert” où c’est exactement les mêmes critères, et ça permet de challenger un petit peu les commerçants qui sont déjà labellisés depuis longtemps » (Roubaix).

La communication de la démarche de création de communs peut d’ailleurs contribuer à renforcer un sentiment communautaire, en favorisant les échanges entre membres du territoire à travers des plates-formes dédiées ou via des campagnes mettant en avant la spécificité du territoire commercial comme à Bayonne. Le consommateur associé à cette démarche est l’activiste, un citoyen engagé pour qui acheter local est un acte éthique et politique. Son soutien aux commerçants locaux est motivé par des valeurs de solidarité et de préservation de l’économie locale.

Quelles logiques suivre pour les villes ?

Ces quatre logiques donnent un aperçu de l’espace des possibles en matière de management de centre-ville, l’enjeu étant pour chaque ville de prioriser son action en fonction de son contexte. Par exemple, un fort taux de vacance commerciale peut justifier une logique de développement urbain, tandis que des enjeux de durabilité plaident pour une logique de communauté.

Il est ainsi crucial pour les managers de centres-villes de déterminer quelles logiques suivre en priorité, sachant qu’elles supposent des choix différents en termes de philosophie, d’outils et d’écosystème organisationnel.

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