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Les petits partis politiques, grands perdants de la dissolution?

Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron le 9 juin 2024, les questions et polémiques fusent de toutes parts. Le Président de la République choisira-t-il de nommer Jordan Bardella Premier ministre ? Le Nouveau Front populaire a-t-il une chance de l’emporter et perdurera-t-il au-delà de l’alliance de raison et de circonstance ? Qui tient actuellement le gouvernail des Républicains ? .

Si cette actualité politique nationale intense constitue un défi stratégique pour les grands partis, c’est à une problématique existentielle qu’elle expose les petits, qui restent pris de court, pris par le temps et pas encore remis d’une campagne européenne coûteuse. Qu’advient-il d’eux dans ce contexte mouvementé ? Comment entendent-ils passer la vague des élections législatives des 30 juin et 7 juillet prochains ? À l’heure où les résultats s’annoncent aussi incertains que serrés, que vont faire les près de 10 % d’électeurs qui ont voté pour un petit parti il y a trois semaines, aux européennes ?


CC BY

Comment définir les petits partis politiques ?

Tentons d’abord de savoir de quoi nous parlons. Qu’est-ce qu’un petit parti ? La science politique anglo-saxonne mais aussi française, bien que longtemps peu intéressée par ce sujet, fournit des indices utiles, mais variables. La petitesse en politique peut être évaluée au regard de plusieurs indicateurs, tels les résultats électoraux (en pourcentage de voix ou en nombre de mandats obtenus), la complexité et l’envergure des organisations, la marginalité de l’idéologie défendue, ou encore la place qu’ils occupent dans le système partisan qui est le leur. Cette petitesse ne saurait en revanche être confondue avec la pertinence politique, c’est-à-dire, selon le chercheur en sciences politiques Giovanni Sartori, la capacité de coalition et le potentiel de menace.

Certaines organisations, en effet, même peu structurées, même récentes, même peu performantes électoralement, peuvent peser sur le jeu politique, notamment en contribuant à intégrer dans le débat public un enjeu jusqu’alors ignoré, ou plus généralement en exerçant une pression sur les autres organisations partisanes. On peut penser ici aux partis écologistes à leurs débuts, et plus récemment aux partis animalistes. Il est évident que certains petits partis n’ayant aucune chance d’obtenir un mandat se présentent à des élections dans des objectifs divers, mais qui peuvent être moins électoraux que financiers (l’obtention de financement public et de dons),tribunitiens ou médiatiques. Il convient donc de distinguer la fonction électorale des fonctions que les partis exercent hors – ou en marge – des élections, les petites organisations privilégiant les deux dernières.

Le fait qu’un petit parti devienne ou non « politiquement pertinent », dépend principalement de deux facteurs. Le premier, exogène, est le système politique, institutionnel et électoral du pays dans lequel il évolue, et qui peut laisser plus ou moins de place aux petits partis. C’est ainsi que la République Tchèque et l’Allemagne ont pu par exemple, en 2019, permettre l’élection de respectivement trois et un candidats issus de partis pirate. Le second, endogène, qui nous intéressera davantage ici puisque nous nous concentrons sur le cas français, est sa stratégie.

Pour ne pas trop l’alourdir, cette analyse se cantonnera à quelques exemples de petits partis au nombre desquels le Nouveau Parti Anticapitaliste, Place Publique, l’U.D.I., le MoDem, Horizons, Reconquête, Debout la France, Les Patriotes, le Parti Pirate et le Parti animaliste.

Reportage de l’émission C dans l’air consacrées aux difficiles campagnes des petits partis politiques français pendant les élections européennes 2024.

Différentes stratégies vis-à-vis des partis traditionnels

A cet égard, les petits partis peuvent adopter des positionnements idéologiques différents, utilement synthétisés par la typologie conçue par le chercheur britannique Gordon Smith, spécialiste des partis politiques européens. L’auteur s’attache en effet à distinguer trois types de petits partis, classés essentiellement selon une variable : leur positionnement sur l’axe gauche-droite.

  • Ceux qu’il appelle les partis marginaux (« marginal parties ») se positionnent à une extrémité de l’axe (par exemple le Nouveau Parti Anticapitaliste, ou Reconquête)

  • Ceux qu’il qualifie de partis-charnière (« hinge parties ») occupent un positionnement proche du centre, souvent entre deux formations politiques dominantes (le parti Horizons par exemple, ou le MoDem)

  • Ceux qu’il considère comme des partis détachés (« detached parties ») sont en fait les petits partis qui refusent de positionner sur l’axe gauche-droite, à l’instar notamment des partis régionalistes, ou encore du Parti animaliste.

Ce positionnement idéologique va inévitablement jouer sur la capacité et sur la volonté de ces petits partis à s’engager dans les élections législatives. Plusieurs possibilités s’offrent à eux, à savoir se présenter de façon indépendante, conclure des alliances, donner des consignes de vote à leurs électeurs ou… aucune de ces trois solutions.




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La théorie de Gordon Smith permet d’éclairer le comportement de certains partis. Les partis marginaux vont sans doute pouvoir s’unir à l’alliance la plus proche de leur idéologie. C’est ce qu’ont pu faire par exemple le NPA et le Parti communiste avec, en l’occurrence, le Nouveau Front populaire. Le constat n’est toutefois pas systématique, puisqu’un parti comme Reconquête a pu être considéré comme trop radical pour permettre une union avec un Rassemblement national affichant plutôt une volonté de normalisation, et lui préférant donc une alliance avec son flanc plus modéré (L.R.).

Les partis charnières, quant à eux, vont avoir tendance à se positionner en soutien (plus ou moins conditionné) d’une grande formation politique. Le cas de l’U.D.I. est de ce point de vue assez emblématique. Idéologiquement situé entre la ligne de Renaissance et celle des L.R., le parti, durant la campagne présidentielle de 2017 et après une période d’hésitation, a décidé d’apporter son soutien à Emmanuel Macron plutôt qu’à François Fillon. Le sont également Horizons (parti satellite de la majorité présidentielle) et Place Publique, dirigé par Raphaël Glucksmann, qui a su imposer ses lignes rouges au programme commun, moyennant toutefois de faire fi de ses divergences – pourtant profondes – avec la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon.

Enfin, les partis « détachés », tels que les régionalistes ou les animalistes, semblent plutôt s’abstenir de toute candidature indépendante, de toute alliance, et de toute consigne de vote. Pour les partis qui ne se concentrent que sur un seul enjeu (aussi appelés single-issue organizations), la stratégie consiste dans le fait de ratisser large en n’évinçant aucun sympathisant, quelle que soit sa sensibilité de départ, ce qui rend impossible une alliance idéologiquement marquée. Ainsi en va-t-il du Parti animaliste, qui se décrit comme monothématique et transpartisan.

Si ces typologies permettent d’éclairer certaines stratégies, elles ne sont pas le seul facteur susceptible d’influencer le choix des petites formations politiques. D’une part, les petits partis sont faits de personnes, qui déploient, en plus et parfois contre la stratégie du parti, des tactiques individuelles. Ni la jeunesse ni l’ancienneté du parti ne préservent de cette versatilité, qui a touché aussi bien Marion Maréchal qu’Eric Ciotti au profit du Rassemblement national.

La survie de certains petits partis après les Européennes

D’autre part, pour certains petits partis, ces élections sont une épreuve considérable. Parce qu’avant de représenter un bénéfice potentiel, la campagne présente un coût certain, en termes de communications, mais aussi en termes d’impression des bulletins, dépenses qui peuvent sembler aussi anecdotiques pour les grands partis que dissuasives pour les petits. Dans une lettre d’information diffusée à ses abonnés, le Parti animaliste avoue que les élections européennes lui ont couté plus d’un million (soit 400 000 euros de dettes) et explique à ses sympathisants les conséquences financières lourdes de la dissolution de l’Assemblée nationale.

Sur les sites du Parti pirate français et sur le Facebook du Parti animaliste, les sympathisants sont invités à aider à renflouer les caisses des partis après les élections européennes.
Captures d’écran du site Internet du Parti pirate le 26 juin 2024 et de la page Facebook du Parti animaliste le 14 juin 2024

Les petits partis politiques, grands perdants de la dissolution ?

Près de 10 % des français ont voté aux européennes pour un petit parti politique. Comment vont-ils se positionner aux élections législatives anticipées qui menacent parfois l’existence même de ces partis ?

Ayant obtenu un score correct aux dernières élections législatives mais n’étant pas en mesure de présenter des candidats pour le scrutin à venir, le Parti animaliste perdra les fonds obtenus au titre de la première fraction du financement public des partis politiques (90 000 euros par an pendant 5 ans), et organise donc un appel aux dons afin d’amortir un choc financier présenté comme potentiellement fatal. En témoigne par exemple la banderole affichée en haut de sa page Facebook : « Dissolution de l’Assemblée nationale. Endetté, le Parti animaliste est en danger. Nous avons besoin de votre aide. Sans participation aux élections, plus de financement public, donc plus de moyens ni de salariés. Plus d’avenir ? » Il en va de même pour des partis tels que Les Patriotes ou le Parti Pirate, qui ont eux aussi décidé de ne pas participer à ces élections. Pour bon nombre de ces partis, sortis affaiblis humainement et financièrement des élections européennes, l’heure est donc moins à la stratégie qu’à la survie.

Ne plus négliger l’influence des petits partis sur le système partisan ne doit pas conduire au travers inverse, à savoir nier la pression exercée par ce dernier sur leur marge de manœuvre, leur existence, et leur identité, toujours prise dans un étau entre deux tentations contraires mais également périlleuses : la dissolution par l’union, et la marginalisation par la singularisation.

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