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comment s’afficher sur les réseaux sociaux ?

Facebook a récemment fêté ses 20 ans, TikTok est menacé d’interdiction aux États-Unis, les créateurs de contenus prennent une place de plus en plus importante pour diffuser les informations : on le sait bien, les réseaux sociaux sont devenus au fil du temps omniprésents, se faufilant dans chaque recoin de nos vies, privées comme professionnelles. Jadis séparées par des frontières claires, ces deux sphères sont désormais intimement liées, voire parfois confondues, dans l’univers digital. Comment s’y démarquer par sa personnalité tout en continuant à projeter une image de professionnalisme ?

Nos travaux montrent que concilier identité personnelle et professionnelle sur les réseaux sociaux relève d’un subtil mélange, plein d’ambiguïté. C’est un exercice d’équilibriste où il faut à la fois être soi-même tout en veillant à conserver un certain professionnalisme. Un excès de personnalité, et c’est le dérapage, le mot de trop qui peut briser une carrière. Inversement, un excès de professionnalisme, peut aboutir à une image trop lisse, trop « corporate » et proche des comptes institutionnels. L’audience, lorsqu’elle suit un individu sur les réseaux sociaux, recherche de la personnalité, des points de vue, une perspective singulière.

« à la fois journalistes et un peu eux-mêmes »

Nous avons plus spécifiquement étudié les journalistes, profession qui a précocement adopté Twitter, aujourd’hui rebaptisé X. Dès le début des années 2010, ils y ont vu un outil précieux pour rester à la pointe de l’actualité. Ils ont chacune et chacun, à titre individuel, ouvert un compte sans forcément devoir en rendre compte à leur employeur et ont décidé de manière autonome de la manière de s’en servir.

Ils sont confrontés à la difficulté de trouver un équilibre entre l’expression libre permise à tout individu, expression de leur identité personnelle, et à la retenue requise par leur métier, expression de leur identité professionnelle. Beaucoup témoignent de la volonté d’être « à la fois journalistes et un peu eux-mêmes » sur les réseaux.

Est-il approprié et pertinent de partager des photos de vacances sur les réseaux sociaux ou de divulguer des détails sur leur vie personnelle ? Jusqu’où peuvent-ils exprimer leurs opinions personnelles sans compromettre leur professionnalisme ? Ont-ils la liberté de critiquer les articles de leur propre média, et si oui, de quelle manière ? Telles sont les questions qui les travaillent. La tentation de susciter l’attention peut être dangereuse, comme le résume ce journaliste :

« Il y a sur Twitter une concurrence, une compétition dans… comment dire ? Dans l’étonnement. Il s’agit de se faire remarquer, d’avoir une formule qui sera plus mordante ou plus drôle ou plus percutante que celle du concurrent. Forcément, cela peut entraîner l’auteur à donner libre cours à son humeur plutôt qu’à réfléchir et porter un jugement équilibré. C’est là-dessus que j’ai été amené à mettre en garde certains journalistes en leur disant que l’emballement des échanges Twitter pouvait nuire à leur crédibilité comme professionnels à plus long terme. »

Une cour de récré

Il est à noter que leur usage évolue au cours du temps et les journalistes que nous avons rencontrés mettent en avant une forme d’apprentissage. Chacune et chacun navigue dans ces dilemmes et établit ses propres limites, un processus qui implique souvent des essais et des erreurs et nécessite du temps. Ils sont parfois obligés de supprimer des messages inappropriés, de gérer les réactions négatives à des formulations maladroites, ou de réaliser l’écart entre leur intention et la manière dont leurs propos sont perçus. Ces incidents sont généralement mineurs, mais il existe des précédents où un simple tweet a conduit à des critiques sévères, voire à des licenciements.


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Cette situation de double identité délibérément choisie est dite « liminoïde » et fait référence à un entre-deux. Étymologiquement, limen en latin veut dire le « seuil ». L’autonomie procure un sentiment de confort et de plaisir qui surpasse largement les risques associés. Ce concept trouve son origine dans les travaux de l’anthropologue Victor Turner, qui étudiait les rites de passage et les situations liminoïdes, telles que les carnavals ou le jeu, où les rôles et normes traditionnels sont temporairement suspendus. De la même façon, les réseaux sociaux offrent un terrain de jeu plein d’ambiguïté, où les frontières conventionnelles entre le personnel et le professionnel sont brouillées. Une comparaison revient d’ailleurs fréquemment :

« C’est une cour de récréation, parce que tu es encore dans l’école, tu es encore dans le milieu professionnel mais tu peux faire autre chose que strictement faire tes devoirs. Il y a toujours ce côté “déconne”, jeu de blagues et à qui trouvera le meilleur jeu de mots sur n’importe quel fait d’actu ou quoi que ce soit d’ailleurs. »

Des leçons pour tout un chacun

Quelles leçons en tirer au-delà du cas spécifique des journalistes ? Tout d’abord, il est recommandé de prendre son temps. Prendre son temps pour s’approprier les codes et spécificités de chaque plate-forme, observer les interactions, et adapter son ton et son style. Cela ne veut pas dire pour autant d’adopter un comportement moutonnier, mais plutôt de saisir les normes régissant la plate-forme avant de s’engager. Cette appropriation est d’autant plus complexe qu’il faut à la fois saisir les normes informelles entre individus, mais aussi les règles (parfois cachées) de la plate-forme : quels contenus sont privilégiés et mis en avant par l’algorithme ? Quels contenus sont interdits ?

Prendre son temps aussi avant de publier du contenu : les réseaux sociaux sont construits pour générer des émotions, et il vaut mieux éviter les sirènes de l’instantanéité si l’on veut éviter d’être la victime du dernier « clash » ou « bad buzz ». Attendre un peu avant de réagir à un événement d’actualité permet de recueillir plus d’informations et d’offrir une analyse plus complète et nuancée, plutôt que de contribuer au bruit ambiant et aux réactions impulsives. De manière générale, prendre du recul permet aussi d’améliorer la qualité du contenu publié.

Enfin, prendre son temps pour développer sa voix unique et authentique. Cela peut sembler de prime abord contre-intuitif, mais trouver son positionnement, son ton, nécessite un développement progressif, car chaque plate-forme met en lumière des aspects de notre personnalité avec lesquels nous ne sommes pas toujours familiers : une personne d’ordinaire très réservée pourra par exemple se révéler être un vrai boute-en-train en ligne.

Sur le plan organisationnel, enfin, les entreprises qui souhaiteraient que leurs employés s’impliquent sur les réseaux sociaux auraient intérêt à leur fournir des formations et des conseils tout en leur laissant une certaine flexibilité, car c’est l’autonomie ressentie par les salariés qui favorise leur implication. En d’autres termes, il ne sert à rien d’imposer des réglementations rigides ni de forcer leur main : il faut plutôt émettre des recommandations visant à guider les collaborateurs. Cela vaut en particulier pour les nouvelles plates-formes dont les codes culturels informels sont parfois difficiles à approprier pour de nouveaux arrivants, souvent issues d’une autre génération.

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