Le gouvernement libanais a accusé Israël de brouiller les signaux satellites, perturbant ainsi le trafic terrestre et aérien dans le pays.
Le chauffeur Uber Hussein Khalil a dû lutter contre le trafic à Beyrouth lorsqu'il s'est retrouvé dans la bande de Gaza – du moins selon sa carte en ligne – alors que le brouillage géographique imputé à Israël perturbe la vie au Liban.
« Nous sommes confrontés à ce problème depuis environ cinq mois », a déclaré Khalil, 36 ans.
« Parfois, nous ne pouvons pas travailler du tout », explique à l'AFP ce chauffeur mécontent dans les rues chaotiques et encombrées de Beyrouth.
« Bien sûr, nous perdons de l’argent. »
Depuis des mois, des données de localisation farfelues sur des applications sèment la confusion au Liban, où le Hezbollah est engagé dans des affrontements transfrontaliers avec Israël.
Les échanges quasi quotidiens ont commencé après que le Hamas, allié palestinien du Hezbollah, a lancé l'incursion du 7 octobre, déclenchant la guerre génocidaire d'Israël contre Gaza.
En mars, Beyrouth a déposé une plainte auprès des Nations Unies concernant « les attaques d'Israël contre la souveraineté libanaise sous forme de blocage de l'espace aérien autour » de l'aéroport de Beyrouth.
Khalil a montré à l'AFP des captures d'écran d'applications affichant ses positions non seulement dans la ville gazaouie de Rafah – à environ 300 kilomètres (185 miles) – mais aussi dans l'est du Liban près de la frontière syrienne alors qu'il était en réalité à Beyrouth.
Alors que les cartes en ligne étaient en boucle, Khalil a déclaré : « Un passager m'a téléphoné et m'a demandé : 'Êtes-vous à Baalbek ?' », faisant référence à une ville de l'est du Liban.
« Je lui ai dit : 'Non, je serai chez toi (à Beyrouth) dans deux minutes.' »
De nombreux résidents ont signalé que leur position sur la carte en ligne apparaissait à l'aéroport de Beyrouth alors qu'ils se trouvaient en réalité ailleurs dans la capitale.
Depuis le lancement de la guerre à Gaza, Israël a pris des mesures pour perturber le fonctionnement du système de positionnement global (GPS) du groupe et d’autres opposants.
Drones, missiles guidés
L'armée israélienne a déclaré en octobre avoir perturbé le GPS « de manière proactive pour divers besoins opérationnels ».
Il a mis en garde contre « des effets divers et temporaires sur les applications basées sur la localisation ».
Le site spécialisé gpsjam.org, qui compile des données sur les perturbations du signal de géolocalisation à partir de rapports de données d'avions, a signalé un faible niveau de perturbation autour de Gaza le 7 octobre.
Mais le lendemain, les troubles se sont intensifiés autour du territoire palestinien et également le long de la frontière entre Israël et le Liban.
Le 28 juin, le niveau d’interférence affiché sur le site était élevé au-dessus du Liban et de certaines parties de la Syrie, de la Jordanie et d’Israël.
Un journaliste de l'AFP à Jérusalem a déclaré qu'elle se trouvait apparemment au Caire, la capitale égyptienne, à environ 400 kilomètres.
L'ingérence s'est parfois étendue jusqu'à l'administration chypriote grecque, membre de l'Union européenne, à quelque 200 kilomètres du Liban, où des journalistes de l'AFP ont signalé que leur localisation GPS apparaissait à l'aéroport de Beyrouth plutôt que sur l'île.
« Israël utilise le brouillage GPS pour perturber ou interférer avec les communications du Hezbollah », a déclaré Freddy Khoueiry, analyste de la sécurité mondiale pour la société de renseignement sur les risques au Moyen-Orient et en Afrique du Nord RANE.
Il « utilise également l'usurpation d'identité GPS… pour envoyer de faux signaux GPS, visant à perturber et à entraver la capacité des drones et des missiles à guidage de précision à fonctionner ou à atteindre leurs cibles », a-t-il ajouté.
Le Hezbollah, soutenu par l'Iran, dispose d'un « large arsenal » d'armes assistées par GPS, a-t-il noté.
Les échanges transfrontaliers ont fait plus de 490 morts au Liban – en majorité des combattants – selon un décompte de l'AFP, et 26 personnes ont été tuées dans le nord d'Israël, selon les autorités locales.
Les craintes d’un conflit généralisé entre les ennemis qui se sont déclarés la guerre pour la dernière fois en 2006 se sont accrues.
« Boussole et carte papier »
Interrogé sur le brouillage GPS dans le nord d'Israël, où le Hezbollah a concentré ses attaques, un porte-parole du ministère israélien de la Défense a déclaré au bureau de l'AFP à Jérusalem que « actuellement, nous ne sommes pas en mesure de discuter de questions opérationnelles ».
Le directeur général de l'aviation civile libanaise, Fadi el-Hassan, a déclaré que depuis mars, l'organisme demandait aux pilotes qui atterrissent ou partent de Beyrouth de « se fier aux équipements de navigation au sol et non aux signaux GPS en raison des interférences persistantes dans la région ».
L'équipement de navigation au sol est généralement utilisé comme système de secours.
Hassan a exprimé sa frustration face au fait que « à l’ère de la technologie, un pilote qui souhaite atterrir à notre aéroport ne peut pas utiliser le GPS en raison des interférences de l’ennemi israélien ».
Le Liban assure « l'entretien des équipements de navigation au sol à tout moment afin de fournir les signaux nécessaires aux pilotes pour atterrir en toute sécurité », a-t-il déclaré.
Avedis Seropian, pilote breveté, a déclaré qu'il avait cessé d'utiliser le GPS ces derniers mois.
« Nous nous sommes habitués à la situation. Je ne me fie pas du tout au GPS (…) Je vole en me fiant à une boussole et à une carte papier », a-t-il expliqué à l'AFP.
Mais il a déclaré que ne pas avoir de GPS, même comme solution de secours, était déconcertant.
Lorsque les données de géolocalisation sont erronées et que la visibilité est mauvaise, « vous pouvez soudainement vous retrouver dans un état de panique », a-t-il déclaré.
« Cela pourrait conduire à un accident ou à une catastrophe. »
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