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Vendre des produits avec des petits défauts, une option pour des entreprises plus vertes

La vente des produits imparfaits constitue une innovation marketing dont l’électroménager apparaît comme le secteur type. Les produits classés « imparfaits » fonctionnent correctement, respectent les normes techniques et économiques, mais diffèrent des « produits parfaits » par de petits défauts, en général esthétiques. C’est un peu l’équivalent des « fruits moches » proposés par des enseignes de la grande distribution.

Quelle que soit l’ampleur du défaut, les produits imparfaits ont un prix inférieur car ils s’écartent du prototype attendu de la catégorie de produits. Ils offrent ainsi un avantage pour l’accès de consommateurs à des produits qu’ils ne pourraient pas se permettre d’acheter autrement et présentent un effet d’aubaine potentiel pour ceux disposant de meilleurs revenus.

Nos travaux ont analysé le modèle singulier que constitue ce marché, qui se distingue notamment des ventes de produits reconditionnés. Même s’il présente d’indéniables avantages pour les consommateurs et les entreprises, il reste encore restreint.

L’étude a pu être prolongée grâce à des données fournies pour une entreprise française située en Auvergne, qui intervient sur le marché des produits de puériculture avec un taux d’exportation autour de 50 %. Dans ce secteur deux grands types d’entreprises ou d’activité coexistent : celui des mono-spécialistes, producteurs de gros équipement comme des sièges auto ou des poussettes ; celui des multi-spécialistes fabricant plusieurs catégories de produits. S’agissant des réseaux de distribution, trois grands acteurs interviennent : des grandes surfaces (20 %), des spécialistes des produits de puériculture (40 %) et Internet (40 %). Notre entreprise d’étude est présente sur les trois terrains.

Un modèle d’affaire propre

La compagnie a développé une politique de gestion écologique des produits. Se voulant être une entreprise pionnière en matière environnementale, elle a requalifié une gamme de produits en produits imparfaits, produits contenant des défauts esthétiques mineurs mais qui ne remettent pas en cause le bon fonctionnement des produits. Les défauts de chaque produit sont spécifiés dans les fiches produits. Un manager nous explique :

« Il s’agit souvent de rayures ou de textiles tachés mais qui en aucun cas ont un impact sur le bon fonctionnement du produit. Ces imperfections peuvent venir de la production ou du transport. »

Il existe un seuil d’imperfection inacceptable. Par exemple, lorsque l’entreprise pense que l’imperfection a un impact sur la chimie (une décoloration bizarre sur le plastique par exemple) ou que le produit ne fonctionne plus et n’est pas réparable, il n’est plus possible de reclasser le produit en un produit imparfait.

Consciente qu’il existe désormais une nouvelle culture de consommateurs acceptant les produits imparfaits, elle ne détruit pas les produits en question mais accepte de détruire de la valeur en diminuant les prix, parfois de manière considérable.

« Pour un kit de soins par exemple vendu neuf 34,90 euros, l’entreprise le revend 19,90 euros comme imparfait. La différence de prix entre un produit imparfait et un produit “impeccable” varie considérablement selon le degré d’imperfections du produit imparfait. En moyenne, je dirais que des écarts de prix de -50 % et -30 % sont assez représentatifs de l’offre de produits imparfaits. »

Consciente qu’il existe désormais une nouvelle culture de consommateurs acceptant les produits imparfaits, l’entreprise ne détruit pas les produits en question mais accepte de détruire de la valeur en diminuant les prix, parfois de manière considérable. Cela lui permet d’élargir sa cible de consommateurs pour s’adresser aux parents qui n’achètent pas de nouveaux produits pour des raisons de prix par exemple. Cette offre est exclusivement commercialisée sur l’e-shop de l’entreprise, ce qui permet également d’avoir une offre différenciée par rapport aux revendeurs et donc du trafic sur le site Internet de l’entreprise. Le produit imparfait dispose donc de son propre modèle d’affaires.

Une alternative au reconditionnement

Les produits imparfaits sont revendus tels quels, parfois avec un changement d’emballage. Ce reclassement est plus sobre que le processus de reconditionnement dans lequel le produit passe nécessairement par un processus de réparation. Le produit imparfait n’est pas toujours par nature un produit vert ou écologique, même si en général il est produit, conçu, fabriqué, commercialisé de manière à être le moins nocif possible pour l’environnement.

S’il était mis au rebut, l’entreprise gaspillerait des matières premières, de l’énergie et du temps de travail. S’il était recyclé (reconditionné) au sein de l’entreprise, son coût en dépenses supplémentaires d’énergie et de matériaux serait accru ; il ferait de lui un produit « parfait » valorisé proche du prix standard et ne générant pas de marges de profit. L’entreprise manque néanmoins encore de données pour l’étayer par des chiffres car elle vient tout juste de débuter l’activité reconditionnement. Au niveau sectoriel, les entreprises communiquent relativement peu sur ces aspects.

La vente en tant qu’« imparfait » économise des dépenses. Ce marketing spécifique des produits imparfaits s’avère donc « plutôt parfait » pour l’environnement.

Encore marginaux

Les consommateurs sont de plus en plus intéressés par l’achat de produits d’occasion sur des sites de revente connus qui permettent de s’équiper à moindres coûts et pour le vendeur d’obtenir une plus ou moins petite somme. Ils présentent de plus un autre avantage non négligeable. Vendus par l’entreprise qui les a fabriqués, ils disposent d’une garantie que les produits de seconde main dont on ne connaît pas le passé n’ont pas.

Les ménages sont néanmoins encore peu nombreux à s’intéresser aux produits imparfaits pourtant très compétitifs en termes de prix par rapport aux biens d’occasion. Ces produits rebutent aussi à cause d’une forme de stigmatisation sociale associée à l’utilisation/vente de produits imparfaits.

Des travaux académiques montrent que les produits imparfaits peuvent être perçus comme étant de qualité inférieure à celle des produits « parfaits ». L’intégration d’attraits liés au développement durable dans la promotion de ces produits tend à modifier la perception des consommateurs à réduire les effets négatifs de la vente de produits imparfaits, notamment la stigmatisation sociale qui peut y être liée.

Pour les entreprises, il faut néanmoins aussi prendre soin à ce que cette pratique n’aboutisse pas à la cannibalisation des ventes de produits « parfaits » ou reconditionnés qui auraient déjà été produits. Pour atténuer pareil effet, les entreprises devraient s’appliquer à soigneusement segmenter leurs marchés cibles, différencier leurs offres de produits et communiquer afin de minimiser la concurrence directe entre produits imparfaits et les autres.

Certes, ce nouveau type de marketing « frugal et environnemental » qui émerge ne s’applique qu’à une partie marginale de la production (0,5 % du chiffre d’affaires dans l’entreprise étudiée) et ne peut être qu’un aspect d’une politique environnementale de l’entreprise. À ne pas négliger néanmoins.

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