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Plongé dans le noir, le Zimbabwe contraint de vivre la nuit

Comme si le quotidien n’était déjà pas assez sombre… Après le chômage de masse, l’inflation galopante et les pénuries en tous genres, voilà les Zimbabwéens soumis à des coupures de courant interminables qui contraignent le pays à vivre la nuit.

Prenez Richard Benhura. Dans son atelier de Glen View, en banlieue de la capitale Harare, il fabrique des meubles. Et depuis six semaines, il embauche à 23h00.

« On est forcé de travailler la nuit parce nous avons besoin d’électricité et que c’est le seul moment où on peut en avoir », explique l’ouvrier de 32 ans. « On rentre à la maison vers 04h00 du matin lorsque l’électricité s’arrête, et on revient plus tard dans la journée pour finir ce qu’on peut faire sans courant ».

Autour de lui, quelques groupes électrogènes ronronnent dans les ateliers mais ils restent très rares. Le carburant lui aussi est rationné, et vendu à des prix dissuasifs.

Le Zimbabwe est englué depuis près de vingt ans dans une crise sans fin que le président Emmerson Mnangagwa, qui a succédé fin 2017 à l’autocrate Robert Mugabe, ne parvient pas à enrayer.

Menacé par un retour de l’hyperinflation – près de 100% en mai – qui l’a déjà ruiné il y a dix ans, le pays a interdit cette semaine les transactions en dollars américains et autres devises étrangères qui saignent son économie et font dégringoler la valeur de son « dollar zimbabwéen ».

Sans surprise, la compagnie de production et de distribution d’électricité (ZESA) a elle aussi été rattrapée par la situation.

– « Tout le temps dans le noir » –

Victime de la vétusté de ses installations et de la météo qui assèche son unique barrage hydroélectrique de Kariba, elle est contrainte depuis la mi-mai de procéder à des délestages généralisés qui durent jusqu’à dix-neuf heures par jour.

Pour beaucoup de particuliers, la vie quotidienne a viré au cauchemar. « J’ai besoin d’électricité pour cuire la bouillie de mes enfants et pour me faire à manger », rouspète Egenia Chishapira.

Devant sa maison du quartier pauvre de Mbare, elle n’a d’autre choix que de faire la cuisine sur un feu qu’elle nourrit avec retenue de quelques bûches.

« Je n’ai pas les moyens d’acheter en même temps du bois et des bougies, alors mes enfants ne peuvent pas faire leurs devoirs le soir », regrette Mme Chishapira. « On est tout le temps dans le noir, on s’y habitue mais ce n’est pas facile ».

Les quelques rares entreprises du pays encore debout ne sont pas non plus à la fête.

« Avant, les affaires marchaient plutôt bien pour nous, excepté quelques soucis dus à l’environnement économique », se souvient avec nostalgie Caution Kasisi, 45 ans, un autre fabricant de meubles du marché de Glen View.

Avec un carnet de commandes décemment rempli, son affaire faisait même figure d’exception.

« Maintenant c’est plus difficile avec ces coupures de courant. On a bien un générateur mais il ne peut pas tourner longtemps », explique le patron. « Les prix de l’alimentation et de l’école grimpent, mais nos revenus diminuent car on n’arrive plus à livrer nos clients. On a un sérieux problème. »

– « Payer les factures » –

Cible des critiques, le ministre de l’Energie Fortune Chasi a promis un prochain répit dans les délestages.

« On va bientôt franchir un cap », a dit mercredi M. Chasi en annonçant que son pays avait réglé un arriéré de 20 millions de dollars dû à la compagnie sud-africaine Eskom.

Eskom l’a toutefois sèchement démenti deux jours plus tard et affirmé qu’il ne reprendrait les discussions sur une hausse de son approvisionnement au Zimbabwe « qu’une fois payé ».

Le ministre zimbabwéen a par ailleurs renvoyé la responsabilité de la situation aux usagers eux-mêmes. Selon lui, les particuliers doivent 350 millions de dollars à la compagnie productrice ZESA, sur un total de 1,2 milliard d’impayés. « On doit régler nos factures », a-t-il exhorté, « c’est notre responsabilité à tous ».

En attendant un improbable sursaut civique, certains ont pris le parti de rire de cette énième plaie du pays.

Sur les réseaux sociaux, un internaute s’est taillé un franc succès en comparant le courant électrique au furet de la fameuse chanson: insaisissable. « Il disparaît quand on est endormi (…) quand on se réveille, il n’est déjà plus là ».

Un autre a fait l’article d’une fausse application pour téléphone qui réveille ses utilisateurs dès que l’électricité est disponible.

Dans un pays où la débrouille fait souvent figure d’unique moyen de survie, les plus astucieux se sont vite adaptés. Comme Simba Vuremu, qui offre désormais aux clients de sa papeterie des lampes solaires. « Ca se vend bien et vite », dit-il en se frottant les mains.

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