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Colombie: retour aux armes d’ex-chefs Farc, dont la tête est mise à prix

D’ex-chefs de la guérilla des Farc, qui se sont mis en marge du processus de paix en Colombie, sont réapparus jeudi en treillis et munis de fusils pour annoncer la reprise de la lutte armée, dénonçant « la trahison » par l’Etat du pacte de 2016.

« Nous annonçons au monde qu’a commencé le deuxième Marquetalia (berceau de la rébellion marxiste en 1964, ndlr) au nom du droit universel des peuples à se lever en armes face à l’oppression », affirme l’ex-numéro deux des Farc, Ivan Marquez, dans une vidéo de 32 minutes diffusée sur YouTube.

En réaction, la Juridiction spéciale de paix (JEP), chargée de juger les crimes commis pendant la confrontation armée, a donné l’ordre d’arrêter ces anciens chefs rebelles.

L’instance, qui peut décider de peines alternatives à la prison pour ceux qui contribuent à la vérité, dédommagent les victimes et renoncent à la violence, avait enclenché plus tôt dans la journée la procédure qui pourrait aboutir à l’expulsion du processus des ex-guérilleros qui ont annoncé leur retour aux armes.

Le président Ivan Duque, qui a tenté de modifier l’accord de paix selon lui trop laxiste envers les anciens guérilleros, a réagi en annonçant une offensive contre ce qu’il a appelé « une bande de narco-terroristes qui bénéfice de l’appui et de l’hébergement de la dictature de Nicolas Maduro » au Venezuela voisin.

« J’ai ordonné la création d’une unité spéciale afin de poursuivre ces criminels avec des capacités renforcées de renseignement, d’enquête et de mobilité sur tout le territoire colombien », a-t-il ajouté, en promettant 880.000 dollars de récompense pour la capture de chacun des dissidents apparus dans la vidéo.

Ivan Marquez y figure avec d’autres anciens chefs rebelles, également retournés à la clandestinité, dont son bras droit Jesus Santrich. Ils sont entourés de 17 hommes et femmes équipés de fusils, devant le sigle Farc-EP (Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple).

Il y annonce « la poursuite des opérations de guérilla en réponse à la trahison par l’Etat des accords de paix de La Havane » qui ont permis le désarmement de quelque 7.000 combattants des Farc, transformées depuis en parti politique sous le nom de Force alternative révolutionnaire commune.

L’ONU, qui supervise l’application du pacte, a condamné cette annonce, mais souligné que l' »immense majorité des hommes et des femmes » de l’ex-guérilla continuaient d’être « engagés en faveur de la paix ».

– Préoccupant, pas surprenant –

Il s’agit cependant d’un revers pour le processus de paix et pour M. Duque, par ailleurs déterminé à évincer du pouvoir M. Maduro, qui fin juillet avait déclaré qu’Ivan Marquez et Jesus Santrich étaient « bienvenus au Venezuela » voisin.

Le haut commissaire du gouvernement pour la paix, Miguel Ceballos, a jugé l’annonce « très préoccupante » mais pas surprenante: « Malheureusement, ces personnes avaient, par leur comportement, déjà clairement exprimé qu’elles tournaient le dos à l’accord de paix ».

Par la voix d’Elliott Abrams, représentant spécial de la diplomatie américaine pour le Venezuela, les Etats-Unis ont exprimé de leur côté leur « grande inquiétude » au sujet du soutien, selon eux, du « régime vénézuélien » aux groupes armés colombiens.

Un soutien démenti par le président de l’Assemblée constituante et incontournable du système chaviste, Diosdado Cabello, se « désolant profondément » de ce qui se passait en Colombie.

Considéré comme le leader de la ligne dure des Farc, Ivan Marquez était le chef de la délégation des rebelles aux négociations de paix.

Outre Jesus Santrich, recherché pour trafic de drogue présumé, apparaît l’ex-commandant Hernan Dario Velasquez, alias El Paisa.

La vidéo est hébergée sur le portail web farc-ep.info localisé au Venezuela, dans l’Etat d’Anzoategui (est), selon la base de données de la Corporation d’internet pour l’assignation des noms et des numéros où il a été enregistré le 12 août 2019, a vérifié l’AFP.

Le chef de l’opposition vénézuélienne Juan Guaido, reconnu en tant que président par intérim par une cinquantaine de pays, dont la Colombie et les Etats-Unis, a dénoncé l’utilisation par ces ex-chefs des Farc du territoire vénézuélien comme base arrière pour proférer leurs « menaces ».

– « Soins intensifs » –

Ivan Marquez a précisé que le nouveau groupe coordonnerait ses « efforts avec la guérilla de l’ELN ».

Dernière guérilla active en Colombie, l’Armée de libération nationale (ELN) s’est renforcée ces dernières années. Uriel, commandant de son Front de guerre occidental, a salué jeudi l’annonce des ex-chefs Farc.

Des pourparlers de paix, entamés avec l’ELN en 2017, ont été enterrés par le gouvernement actuel, à la suite notamment d’un attentat contre l’école de police de Bogota, qui a fait 22 morts en janvier.

Le chef du parti Farc, Rodrigo Londoño, alias Timochenko, a dénoncé un « coup bas », mais estimé que « la grande majorité des gens restent dans le processus » de paix.

Dans le même sens, l’ex-président Santos considère sur Twitter que « 90% des Farc restent dans le processus de paix » et appelle à « réprimer les déserteurs ».

« Le processus de paix n’est pas mort, mais il est en soins intensifs », a dit à l’AFP Michael Shifter, un expert du centre de recherche Dialogue Inter-américain établi à Washington.

Ivan Marquez a pris ses distances mi-2018, reprochant déjà à l’Etat de ne pas tenir ses engagements, à la suite des démêlés judiciaires de Jesus Santrich, accusé par les Etats-Unis d’être impliqué dans une affaire d’expédition de cocaïne après l’accord.

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